Je comprends que l’intervention militaire française au Mali suscite du trouble. Je comprends personnellement l’incertitude de beaucoup. Peut-on laisser se déchaîner l’horreur sans rien faire ? Mais ne risque-t-on pas que le remède, à terme, ne soit pire que le mal ? Je n’ai donc pas envie des simplismes, tant de ceux qui enfourchent les discours systématiques de la dénonciation de « l’impérialisme occidental » que de ceux qui fustigent les non-interventionnistes présumés « munichois ».
J’en ai toutefois surtout assez des petits arrangements de ceux qui se dédouanent périodiquement de leurs responsabilités, en évoquant les droits de l’homme et les droits d’ingérence. On sait que l’Afrique, notamment sahélienne, est déstabilisée en longue durée par la faillite des régimes postcoloniaux et la brutalité des injonctions financières du « compromis de Washington ». On sait que, à plus court terme, les groupements intégristes les plus violents ont été renforcés par les effets collatéraux du conflit libyen, et notamment la dispersion massive d’armements de haute technologie. Mais d’où viennent ces armements et qui les produit ?
Ce ne sont pas les filiales diverses d’Al Qaeda qui dépensent près de 1 500 milliards de dollars par an (2,5 % du PIB mondial) à la production d’armement. Ce sont d’abord les États-Unis, la Chine, le Royaume-Uni et la France. Ce ne sont pas les « terroristes » qui, depuis vingt ans, ont réduit l’ONU au statut d’une enveloppe vide, bloquant ses décisions, tétanisant ses instruments. Ce sont ceux qui préfèrent les conciliabules plus discrets du G20 ou de l’Otan. Qui est responsable de l’étouffement programmé du « nouvel ordre international », au nom des intérêts du marché « libre » et de la responsabilité des puissances ? Qui peut donc penser que, au Mali comme en Libye, en Irak ou en Afghanistan, c’est l’étalage de la force qui peut mettre fin à la tragédie du malheur, du dénuement et de l’humiliation ?
Il y en a assez, plus qu’assez de ces tartufferies. Il n’est plus possible de fermer les yeux devant le constat évident que le monde tel qu’il va nous conduit à la catastrophe et que l’on ne règlera rien en mettant un gendarme derrière chaque jeune de banlieue, un membre des forces spéciales d’intervention derrière chaque « terroriste », une armée « d’interposition » dans chaque pays du Sud. C’est la violence des puissants, même quand elle est feutrée, qui stimule la violence des faibles, même quand elle est inadmissible.
Si nous voulons construire des consensus, faisons-le contre la loi de l’argent, contre l’arrogance de la puissance, pour le développement des hommes et non pour la liberté des marchés. Nous avons besoin de droit international respecté, de bien commun, de partage universel. Nous avons besoin des chants et des actes de la solidarité, pas des mouvements de menton, des fifres et des tambours.