Les spéculations sur 'l'après Kadhafi" posent problème. En effet, de quel droit décider de l'avenir de la Libye à la place des Libyens ? C'est pourtant ce que fait le "Groupe de contact" qui comprend les pays de l'OTAN, certains Pays arabes et d'Afrique. Cette démarche, en fait, prolonge l'intervention militaire de l'OTAN qui , loin d'avoir pour objectif la protection des populations, vise à changer le régime politique de la Libye. Cette démarche est en contradiction absolue avec l'Article 1-2 de la Charte des Nations Unies qui affirme "le principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes" De plus, préparer "l'après Kadhafi", c'est déjà s'inscrire dans une démarche d'exclusion et la considérer comme acquise. Je n'ai aucune sympathie pour le personnages qui a du sang sur les mains et expulsa 30000 Palestiniens du territoire libyen en 1995, ce qui ternit singulièrement sa réputation d'apôtre de l'anti-colonialisme. Je pourrais ajouter que, non-croyant, je n'ai pas oublié son appel de septembre 1989 à l' élimination des athées. Mais ce n'est pas à nous de décider s'il doit ou non rester au pouvoir et encore moins s'il doit quitter la Libye. L'article 2-7 de la Charte est à cet égard d'une grande clarté : "Aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat..." Le Document final du Sommet mondial de 2005 qui a adopté le "Devoir de protéger des populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l'humanité" (art. 138,139,140), sur lequel s'appuie la Résolution 1973 du Conseil de Sécurité, ne remet pas en cause l'article 2-7 de la Charte. L'intervention de l'OTAN en Libye est illégale.
Cette guerre qui s'éternise - Sarkozy avait rêvé de faire défiler la CNT le 14 juillet sur les Champs Elysées - suscite de plus en plus l'inquiétude. Aussi des contacts sont pris entre certains pays de l'OTAN et les diverses factions sur le terrain. Mais toutes ces initiatives visent à décider du futur de la Libye en dehors des Libyens. Diverses médiations ont également été tentées. Jusqu'à maintenant tout cela a échoué et, tous les jours des hommes, des femmes, des enfants meurent.
En l'état actuel, l'ONU ne peut se désintéresser de la situation en Libye. En effet, c'est le Conseil de Sécurité qui a décidé l'intervention militaire dont la coordination a été confiée à l'OTAN. Il me parait donc indispensable et urgent , comme l'a proposé le député communiste Jean-Jacques Candelier, le 12 juillet dernier à l'Assemblée Nationale. de convoquer une session extraordinaire de l'Assemblée Générale de l'ONU,. Cela est prévu par l'article 20, "lorsque les circonstances l'exigent". Les circonstances, de fait, l'exigent. L'intervention a créé en Afrique et au Proche-Orient une situation dangereuse pour la Paix et la résolution 1973, en raison de son ambiguité, a été dévoyée au mépris de l'article 2-1. Ce ne peut pas être le Conseil de Sécurité, non représentatif de l'ensemble des Nations, qui adopte de nouvelles dispositions. Il est disqualifié pour cela. Encore moins l'OTAN, ni le "Groupe de contact" impliqué dans l'intervention militaire. S'en remettre à quelques pays neutres, comme le proposent certains ? Le choix risque d'être contesté, à moins qu'il ne soit proposé par l'Assemblée Générale à la majorité des 2/3, conformément à l'article 18-2 et accepté par les belligérants. En tout état de cause, seule l'assemblée générale peut prendre des initiatives au nom de la "communauté internationale".
L'Assemblée générale devrait décider un cessez le feu immédiat et le retour des combattants sur leurs positions initiales afin de ne pas favoriser une partition de la Libye, ce qui n'est ni souhaitable, ni conforme à l'histoire de ce pays.
C'est à l'Assemblée Générale qu'il appartiendrait ensuite de prendre des dispositions afin d'aider au dialogue inter-libyen. En aucun cas elle ne saurait décider des futures institutions de la Libye. Cela c'est l'affaire du peuple libyen.
Au delà, il parait urgent de poursuivre la réflexion sur "le droit de protéger" adopté en 2005, afin qu'il ne puisse pas être interprété comme un "droit d'ingérence" et de modifier la composition et le rôle du Conseil de Sécurité afin qu'il ne soit plus l'organe de décision de quelques grandes puissances souvent contre l'opinion de l'immense majorité des Nations du Monde.