Le quotidien l'Humanité du mardi 9 août publie un nouveau sondage de l'IFOP réalisé entre le 2 et le 5 août qui confirme que 51% des Français désapprouvent l'intervention militaire de l'OTAN en Libye. En un mois, le pourcentage de personnes sondées les plus défavorables à cette intervention, est passé de 21 à 25%.
Le prétexte humanitaire apparait, en effet, de plus en plus mensonger aux yeux de nos concitoyens. qui s'interrogent sur les véritables motifs. Le même journal publiait le 1er août une très intéressante interview du philosophe Samir Amin qui indiquait: "Quant aux Etats-Unis, ce n'est pas le pétrole qu'ils recherchent, ils l'ont déjà. Leur objectif, c'est de mettre la Libye sous tutelle afin d'y établir l'Africom (commandement militaire pour l'Afrique) - aujourd'hui basé à Stuttgart an Allemagne - après que les pays africains, et ce quoi qu'on en pense, ont refusé son établissement en Afrique." Je partage son opinion concernant l'Africom. J'ai, pour ma part, à plusieurs reprises, mentionné la ferme opposition de l'Algérie qui de son côté participe à un commandement militaire commun, basé à Tamanrasset, avec le Niger, le Mali et la Mauritanie afin de lutter contre le terrorisme et le crime organisé dans la zone sahelo-saharienne. Il n'en reste pas moins qu'un des objectifs majeurs des USA, de la France et de la Grande Bretagne est le contrôle des ressources d'hydrocarbures dont la Libye notamment possède des capacités considérables encore inexploitées. On estime à plus de 50 milliards de barils les réserves onshore libyennes et à quelque 150 milliards de barils les capacités offshore, au large de Syrte. "Ce pays possède un pétrole d'une très grande qualité marchande - écrivait le journal Les Afriques - parce qu'il est léger, très peu soufré et surtout parce qu'il offre des coûts d'extraction généralement faibles"
Certes les sociétés pétrolières occidentales, ainsi que la Chine et la Russie, sont largement présentes en Libye, en qualité de filiales de l'ONC, l'organisme d'Etat libyen qui détient dans chacune d'elles une participation majoritaire: ENI (Italie dont 25% de la consommation vient de Libye); TOTAL (55000 barils/jour); REPSOL (Espagne); BASF (Allemagne), BP (Angleterre); ...Les compagnies américaines (EXXON MOBILE; CONOCO PHILIPS; OCCIDENTAL PETROLEUM; HESS, etc) sont de retour en Libye depuis 2005 et, selon une note du Département d'Etat US, exploitaient 510 000 barils/jour en 2008 sur une production totale libyenne de 1,7 millions de barils. Mais, et c'est aussi le cas de l'Algérie, "...les conditions contractuelles proposées aux entreprises étrangères ont été significativement durcies au profit d'Alger et de Tripoli entre 2004 et 2008" (Jeune Afrique, 10/06/2010)..." En 2005, l'Algérie a adopté une nouvelle loi sur les hydrocarbures qui était considérée comme incitative pour les investisseurs étrangers...des amendements très importants...adoptés en 2006 [sont] l'instauration d'une taxe sur les profits exceptionnels et l'exigence que la SONATRACH (Cie Nationale de l'Etat algérien, ndlr) ait une participation majoritaire dans tous les nouveaux projets d'exploitation-production, de raffinage et de transport...Quant à la Libye, elle a fortement poussé les sociétés étrangères à renégocier des contrats existants pour que la part de l'Etat dans le partage de la rente pétrolière soit plus importante (Jeune Afrique, ibidem)..." en Algérie et en Libye, un certain nationalisme lié aux ressources s'est développé. Ainsi à Tripoli, le secteur des hydrocarbures voit littéralement s'affronter les réformateurs qui encouragent les investissements étrangers et les conservateurs qui veulent mettre autant que possible la pression sur les compagnies internationales. Jusqu'à présent les deux camps semblent aussi forts l'un que l'autre." (Jeune Afrique, ibidem) A ce compte là, je veux bien être classé "conservateur" !
En Algérie également, il semble qu'au Gouvernement ce soient les partisans d'un certain "patriotisme économique" qui l'emportent... Or les besoins dans le Monde augmentent dans une situation marquée par raréfaction à terme des ressources d'hydrocarbures et alors que l'utilisation de l'énergie d'origine nucléaire est remise en cause. "Le Vieux Continent doit accroître son approvisionnement en gaz de 100 à 120 milliards de m3 (soit 30% de plus qu'aujourd'hui [...] L'Europe qui veut avant tout réduire sa dépendance croissante à l'égard du gaz russe, lorgne notamment du côté de l'Asie Centrale et de l'Afrique du Nord."
Les puissances occidentales sont également préoccupées par la mise en examen pour corruption et la démission, en 2010, du PDG de la SONATRACH, Mohamed Méziane et par la démission du Ministre algérien de l'Energie Chakib Khelil qui était, dit-on, proche de Dick Cheney, le vice-président de G.W. Bush. La même incertitude pèse sur le PDG de l'ONC libyenne. Il devient donc pour elles urgent de disposer à la tête de ces pays de dirigeants qui leur soient soumis. Elles ont donc fait en sorte, dès la "Journée de la colère" du 17 février 2011 en Libye, de placer leurs hommes de confiance à la tête de la rebellion. C'est ainsi que le 24 février Moustafa Abdeljalil prenait la présidence du Conseil National de Transition (CNT).
Cet organisme que Sarkozy s'est empressé de reconnaître (ce qui n'est le cas actuellement que de 30 pays sur les 193 membres de l'ONU) compte de bien singuliers démocrates. Son président, en qualité de Président de la Cour d'Appel de Tripoli, avait confirmé par deux fois la condamnation à mort des infirmières bulgares. Il fut également le Ministre de la Justice de Kadhafi. Idris Lega, coordinateur militaire du CNT, ancien président des Parents d'Enfants Infectés, fut un des accusateurs les plus acharnés des infirmières. Le Général Abdel Fatah Younès qui a récemment été assassiné dirigeait les équipes de tortionnaires chargées d'extorquer les aveux des infirmières bulgares.
A l'évidence, l'instauration de la démocratie en Libye, n'est pas l'objectif de l'OTAN...
Prochaine chronique: Comment mettre fin à cette criminelle aventure