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14 décembre 2013 6 14 /12 /décembre /2013 20:01

 

Carte-Centrafrique-344_2_0.gifMadame la Sénatrice, Chère Michelle,

M’intéressant à l’Afrique, j’ai lu avec attention votre discours du 10 décembre au Sénat dans le débat (sans vote) sur l’intervention militaire française en Centrafrique.  Vous indiquez que « nos compatriotes sont essentiellement réticents et sceptiques sur  l’efficacité et la capacité de ces interventions militaires, plus ou moins ponctuelles, à résoudre les crises dans ces pays et à agir sur les causes qui les provoquent.» et vous rappelez avec raison la responsabilité de la France dans la situation catastrophique de la Centrafrique. Enfin vous affirmez la nécessité de « casser la relation néo-coloniale que nous entretenons [avec ce pays]. »

Ces considérations que je partage sont malheureusement, à mon sens, contredites par deux de vos affirmations : « Face à cette situation qui se dégradait de semaine en semaine, il fallait sans doute intervenir en urgence. Le Président de la République en prenant, une nouvelle fois en moins d’un an, la décision d’engager nos troupes sur le continent africain, a assumé sa responsabilité au nom de la France. » Ces formules ambiguës peuvent être interprétées comme une approbation de l’intervention militaire. Je suis d’autant plus enclin à privilégier cette interprétation que votre allocution se termine par cette phrase : « Nous en désapprouvons donc la forme et nous doutons qu’elle soit la réponse appropriée à la crise que traverse la Centrafrique. » Vous en désapprouvez « la forme » et non les buts réels qui sont de défendre les intérêts des groupes financiers et industriels. Or il me semble que c’est sur ce point qu’il nous faut apporter des explications à nos concitoyens, comme le font les députés communistes. La France est le premier investisseur en Centrafrique qui possède des richesses naturelles importantes : or, diamants, mercure, uranium, fer... Ce pays est producteur de manioc, de bananes, de maïs, de café, de coton…Sa forêt de 3, 8 millions d’hectares contient des essences précieuses. Depuis son accession à « l’indépendance », la France y a mis en place tous les dictateurs, de Bokassa à Ange Félix Patassé et elle considère ce pays comme son  « porte-avions » au centre de l’Afrique.

Chacun de nous est bouleversé par les drames que vit la population de la Centrafrique et je comprends les problèmes de conscience que cela peut poser ; aussi je conçois que lors d’un scrutin, la liberté de vote puisse être laissée à chacun(e). Ayant connu l’époque où le Bureau politique du PCF décidait à la place des élus nationaux (à l’occasion du vote des pouvoirs spéciaux à Guy Mollet, par exemple), j’ai depuis longtemps avec notre parti, rejeté cette méthode, mais néanmoins une certaine cohérence s’impose afin que nos élus expriment l’opinion des communistes. En l’occurrence c’était un débat sans vote  (ce qui est regrettable) et vous interveniez au nom des sénateurs et sénatrices communistes et apparenté(e)s, laissant ainsi penser que vous exprimiez l’opinion de tous. J’en suis d’autant plus chagriné que votre groupe comprend le sénateur, secrétaire national du PCF. Votre intervention reflèterait-elle son opinion ? Préoccupé par cette interrogation, j’ai également étudié l’intervention du responsable des députés communistes et apparentés à l’Assemblée Nationale, dont la tonalité tranche fort heureusement avec celle qui avait été prononcée lors de l’intervention au Mali. Il affirme avec force que : « Nous pensons […] que la France n’a pas vocation à jouer le rôle de gendarme de l’Afrique. Les valeurs anticoloniales, toujours défendues par les communistes, nous l’interdisent. […] Notre pays a une dette morale considérable envers le peuple de Centrafrique. Une dette qui nous oblige à reconnaître que nous n’étions pas les mieux à même pour intervenir dans la situation dramatique qui les frappe. » Voilà les paroles que j’attendais de vous et que je n’ai pas trouvées dans votre intervention au Sénat.

Je tenais, Madame la Sénatrice et chère camarade, à vous faire part de mon opinion et vous comprendrez que je la rende publique sur mon blog (www.bernard-deschamps.net) dans la mesure où votre allocution a été prononcée en séance publique au Sénat et publiée au Journal officiel.

Je vous prie de croire, chère Michelle, en mes sentiments amicaux.

  Bernard DESCHAMPS

Ancien député communiste du Gard

Ancien membre de la Commission des Affaires

étrangères de l’Assemblée Nationale

 

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