A la veille de la visite d'Etat de François Hollande en Algérie, il m'apparaît qu'il n'est pas inutile de publier à nouveau ma lettre du 25 mai 2012 qui, pour l'essentiel, est toujours d'actualité. BD
7, rue de Montaury – 30900 NÎMES
à Monsieur François HOLLANDE
Président de la République française
Monsieur le Président de la République,
Après les années d’arrogance et de mensonges de votre prédécesseur et de ses ministres à l’égard de l’Algérie, je suis de ceux qui se sont réjouis de votre élection à la magistrature suprême. En effet, vous connaissez l’Algérie où vous vous êtes rendu à plusieurs reprises et où vous avez rencontré ses dirigeants, notamment Son Excellence Abdelaziz Bouteflika et plus récemment, avant sa disparition, le dirigeant historique et premier Président de la République Algérienne Démocratique et Populaire, M. Ahmed Ben Bella.
Au cours de la campagne électorale pour l’élection présidentielle, vous avez déclaré que vous souhaitiez instaurer des « relations apaisées » avec ce grand Peuple dont nous sommes si proches et, concernant l’occupation coloniale par la France, que vous accompliriez « un geste fort ». J’ai apprécié de façon positive que ayez qualifié le colonialisme de « faute politique et morale », à l’occasion de l’hommage que vous avez rendu à Jules Ferry, le père de l’enseignement public français.
Nous attendons donc beaucoup de votre quinquennat et notamment que vous confirmiez, en Algérie même, votre condamnation du colonialisme et de ses crimes. C’est en effet, vous le savez, la condition de relations durables et équitables dénuées de toute arrière-pensée. Bien évidemment, cette déclaration devrait s’accompagner de l’abrogation de la loi du 23 février 2005 et de la reconnaissance du 19 mars comme date officielle du cessez-le feu. De tels actes ouvriraient la voie à la conclusion d’un traité d’Amitié entre l’Algérie et la France, comme l’avaient souhaité les présidents Bouteflika et Chirac en 2003. Un cours nouveau serait ainsi imprimé aux relations entre nos deux pays.
Dans le domaine économique, ces relations devraient être fondées sur la réciprocité et le caractère équitable des échanges, dans l’intérêt de l’Algérie et de la France, ce qui passe par une révision fondamentale des politiques pratiquées par la France et l’Union Européenne, qui sont actuellement conformes aux injonctions de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Dans ce but, la Convention de partenariat (2007-2012), votée le 9 février 2010 par le Parlement français, devrait être renégociée et la France devrait agir auprès de l’Union Européenne afin que soient révisés l’Accord d’association de 2005 avec l’Algérie ainsi que le « Processus » de Barcelone de 1995 et son prolongement La Déclaration commune du sommet de Paris du 13 juillet 2008, instituant l’Union pour La Méditerranée qui préconisent (point 11 de l’UPM) des privatisations et l’instauration de zones de « libre échange », ce qui serait catastrophique pour l’Algérie et ses voisins. Des transferts de technologies vers l’Algérie devraient être décidés, y compris dans les secteurs de l’énergie.
Dans les domaines de la recherche et de la culture, il est de l’intérêt de la France et de l’Algérie, d’encourager les échanges, les coopérations entre les établissements publics de formation, les universités, les instituts, le secteur hospitalo-universitaire, les bibliothèques et de favoriser les jumelages entre collectivités territoriales et associations. Des négociations devraient être entreprises afin de faciliter l’accès des chercheurs algériens et français à nos archives respectives concernant notre histoire commune. Afin de contribuer à une meilleure connaissance réciproque, les échanges artistiques devraient se multiplier entre nos deux pays.
L’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ne devra pas être renégocié en baisse et il conviendra que la France mette un terme à la politique de restriction des visas.
Enfin, l’Algérie et la France devraient prendre des initiatives communes en faveur de la Paix. Il devra être mis fin aux interventions militaires extérieures de la France et de l’OTAN. Les accords de coopération militaire devront être révisés. Un soutien résolu sera apporté au Peuple palestinien dans son combat légitime pour un Etat dans les frontières de 1947 avec Jérusalem-Est comme capitale et la France et l’Algérie devront agir de concert pour le désarmement et la non-prolifération nucléaire, pour l’interdiction des armes chimiques et biologiques. La France apportera l’aide nécessaire à la décontamination nucléaire du Sahara et à la destruction des mines posées pendant la guerre d’indépendance, ainsi que réparations aux victimes.
Cette orientation nouvelle, que nous souhaitons, de la politique française répond aux vœux de nos deux peuples et à l’intérêt de la France et de l’Algérie. Elle serait appréciée sur les deux rives de la Méditerranée en cette année du 50e anniversaire de l’Indépendance.
Nous attendons beaucoup de vous, Monsieur le Président de la République et formulons des vœux pour que vous réussissiez dans votre tâche.
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de mes très respectueuses salutations.
Bernard DESCHAMPS
Ancien député
Remerciements. Je tiens à remercier chaleureusement les 24 personnes, en Algérie et en France, spécialistes en divers domaines qui, sans partager la totalité du contenu de cette lettre, ont bien voulu me faire part de leurs observations qui m'ont permis d'apporter de nombreuses améliorations au projet initial.