J’ai décidé de mettre fin à mes responsabilités de président et de membre du conseil d’administration de France-El Djazaïr à compter du vendredi 16 mai 2014, tout en restant adhérent de l’association. J’en ai informé le Préfet du Gard par lettre recommandée.
Quelles en sont les raisons ?
J’ai créé l’association France-El Djazaïr avec quelques amis en 2005 dans le prolongement de l’action que nous avions menée contre la loi française du 23 février 2005 sur « le rôle positif de la présence française outre-mer. » C’était pour moi la suite logique du travail que j’avais entrepris avec « Les Gardois contre la guerre d’Algérie » et « Le fichier Z, essai d’histoire du FLN algérien dans le Gard, 1954-1962 », deux ouvrages qui sont édités en France et en Algérie.
Nos statuts sont explicites : nous nous fixons pour objectif de contribuer à l’amitié entre nos deux peuples par une meilleure connaissance de l’Algérie, de son peuple, du crime que constituait le colonialisme et de l’histoire du combat héroïque pour l’Indépendance. Nous combattons le racisme, l’antisémitisme et toutes les discriminations. Au cours des neuf années qui ont suivi, nos initiatives ont pris de plus en plus d’ampleur : commémorations de l’insurrection du 1er novembre 1954 ; du pogrom du 17 octobre 1961 ; de l’indépendance acquise en 1962. Nos voyages annuels en Algérie nous ont permis de nouer des relations fortes et chaleureuses avec d’anciens moudjahidines et avec de nombreuses organisations algériennes. Les sept éditions du Panorama du Cinéma algérien ont donné à voir la réalité de ce grand pays et de son peuple dans leur diversité. Les 27 numéros du bulletin imprimé de l’association ont alimenté le débat contre les calomnies dont l’Algérie est victime. Nos conférences dont la dernière sur le poète Jean Sénac ont été très appréciées. Le 50e anniversaire de l’Indépendance a été marqué les 10 et 11 mars 2012 par un colloque sur l’histoire de la Fédération de France du FLN, 1954-1962 qui a eu un grand retentissement en France et en Algérie. Enfin chaque année à l’occasion de l’Aïd El Kebir nous organisons un repas auquel sont invités un imam, un prêtre catholique, un pasteur protestant et un représentant du culte israélite afin de délivrer un message d’amitié réciproque.
Dès la création, j’ai veillé à ce que notre conseil d’administration soit composé d’ami(e)s d’origines et de sensibilités très diverses, aussi les débats y ont toujours été vifs.
Depuis 2005, deux sujets polarisent l’attention du conseil d’administration : la laïcité et la place à accorder à l’histoire de la guerre de libération.
Sur le premier sujet, une minorité du conseil d’administration s’est toujours opposée au dialogue inter-cultuel que nous organisons à l’occasion de la fête de l’Aïd, au prétexte que notre association est laïque. La majorité dont je fais partie, confortée par nos décisions d’assemblées générales considère au contraire que ce dialogue fait partie de nos missions. En effet, selon nous, la laïcité n’est pas un combat contre les croyances religieuses mais contre l’intolérance aussi bien religieuse, qu’antireligieuse. De plus l’Islam, en Algérie a été pendant l’occupation coloniale un refuge face à la déculturation à laquelle procédait l’occupant. Aujourd’hui, en France comme le montre le dernier rapport annuel de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme que préside Christine Lazerges, la lutte contre l’islamophobie est devenue une des dimensions du combat contre le racisme.
Sur le second sujet, la même minorité considère que nous donnons trop d’importance au rappel des grandes dates de la guerre d’indépendance et que dans un souci de concorde il faut désormais tourner la page. Ils sont en désaccord avec notre décision de commémorer cette année le 60e anniversaire de l’insurrection du 1er novembre 1954. Nous pensons au contraire que la connaissance de l’histoire est nécessaire à la compréhension de l’avenir et que face aux nostalgiques de « l’Algérie française » qui relèvent la tête ce rappel est indispensable.
Depuis deux ans ces débats ont pris un tour plus agressif. La minorité du conseil d’administration contestant et dénigrant toutes nos initiatives. C’est sur ce fond de divergences de plus en plus profondes que des comportements inadmissibles entre adhérents d’une même association sont apparus : pendant le colloque historique de 2012, alors que nous étions assiégés par 600 manifestants de droite et d’extrême-droite et d’ex-OAS et que j’avais reçu des menaces de mort par courrier postal, cette même minorité du conseil d’administration me reprochait avec virulence d’avoir écarté de l’organisation du colloque un escroc qui avait été condamné par la justice. Depuis quelques mois je suis harcelé de courriers électroniques injurieux auxquels j’ai refusé de répondre pour ne pas aggraver la situation. Enfin ces dernières semaines, un membre du conseil d’administration a publié sur internet une phrase ordurière signée de mon nom, acte que le CA a refusé de désavouer en prétendant qu’il s’agissait d’une correspondance privée.
C’est dans ces conditions que j’ai convoqué, conformément à l’article 14 de nos statuts, une Assemblée Générale extraordinaire le jeudi 15 mai qui malheureusement n’a pu prendre aucune décision, la minorité s’opposant violemment à tout vote. J’ai alors considéré que je n’étais plus en mesure d’agir utilement au sein du conseil d’administration.
C’est pour moi une belle aventure qui se termine qui m’aura permis de connaître beaucoup de personnes de grande qualité en Algérie et en France avec lesquelles je reste en contact. J’espère aussi avoir, dans la mesure de mes moyens, contribué à l’amitié entre l’Algérie et la France, entre les Français et les Algériens.
Bernard DESCHAMPS
Titulaire de la médaille du 50e anniversaire
de l’Indépendance de l’Algérie