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12 octobre 2014 7 12 /10 /octobre /2014 18:59
Colombe Picassopar Alain Gresh, octobre 2014, Le Monde diplomatique (avec l'autorisation de l'auteur)

Il était une fois un pays. Ce n’était pas une superpuissance mais, dans un monde coupé en deux, il proclamait à la fois son attachement au camp occidental et son refus de la vassalisation. A Phnom Penh, en 1965, le président Charles de Gaulle dénonçait l’intervention américaine sans issue au Vietnam ; à Paris, en juin 1967, il condamnait l’attaque israélienne contre ses voisins arabes. Longtemps après, l’écho de cette voix résonnait encore.

Chacun se souvient du discours flamboyant du ministre des affaires étrangères français Dominique de Villepin au Conseil de sécurité des Nations unies, le 14 février 2003. La France, prévenait-il, opposerait son veto à une résolution autorisant une action militaire contre l’Irak. Avec plus d’une décennie de recul, des dizaines de milliers de morts, un Etat irakien à la dérive, cette harangue sonne toujours juste.

Pourtant, ce ne fut qu’un chant du cygne. Effrayé par sa propre audace, le président Jacques Chirac entérina quelques semaines plus tard l’occupation américaine de l’Irak, puis se démena pour rétablir les ponts avec Washington. Son successeur, M. Nicolas Sarkozy, accéléra la marche à l’inféodation : la France rallia le commandement intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) et se proclama fidèle alliée des Etats-Unis, encore dirigés par M. George W. Bush.

Mais il allait revenir à un président socialiste d’achever le tournant de la soumission. En envoyant des troupes au Mali et en Centrafrique tandis que son ministre de la défense proposait de récidiver en Libye, en reprenant les arguments de Tel-Aviv durant la guerre de Gaza de l’été 2014, M. François Hollande engagea le pays dans la « guerre mondiale contre le terrorisme ».

Pour conforter son statut de chef des armées, sans l’ombre d’une hésitation ni débat à l’Assemblée nationale — sinon une discussion sans vote après la décision —, il fournit des armes au gouvernement irakien, alors même qu’il n’y avait plus de premier ministre à Bagdad. Puis, le 19 septembre, il envoya les Rafale français à la traîne des F-16 américains.

Tout en affirmant une autonomie d’action dans les détails — le choix des cibles frappées —, le président de la République s’en remet aux choix stratégiques de Washington. Il n’ignore pourtant pas que la coalition de pays créée pour combattre l’Organisation de l’Etat islamique est hétéroclite, et que les buts de l’intervention américaine demeurent flous (lire « Guerre contre le terrorisme », acte III).

Les autorités reprennent une vieille antienne : en se battant en Irak (deux cent cinquante conseillers militaires français se trouveraient sur le terrain (1)), la France se protégerait, se mettrait à l’abri de la « menace terroriste » — alors même que de telles ingérences tendent à légitimer et à unifier les groupes djihadistes dans leur combat contre l’Occident. En privilégiant l’option militaire, Paris renonce à se faire entendre. Désormais, le bruit des bombes recouvre la voix de la France.

Alain Gresh

(1) Lire Philippe Leymarie, « Hollande, l’Irakien », Défense en ligne, Les blogs du Diplo, 17 septembre 2014.

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