Le 21 janvier, s'était tenue à la Maison des Syndicats à Alger, à l'initiative de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l'Homme (tendance Mustapha Bouchachi), une rencontre de plusieurs syndicats "autonomes": le SNAPAP (administrations publiques); le CLA (enseignants de lycées); le SATEF (éducation et formation); le CNES (enseignants du supérieur) et d'une dizaine d'associations (familles de disparus, chômeurs, étudiants) avec le soutien des partis politiques: RCD (Rassemblement pour la Culture et la Démocratie de Saïd Sadi); FFS (Front des Forces Socialistes de Aït Ahmed); PLJ (Parti pour la Justice et la Liberté); MDS (groupe issu de l'ancien PAGS), le PST (Parti Socialiste des Travailleurs); le RAJ (Rassemblement Action Jeunesse)
Cette rencontre qui a pris le nom de "Coordination Nationale pour le Changement et la Démocratie" est une novation dans le paysage politique algérien. Elle appelait à une marche dans Alger le samedi 12 février pour exiger l'élargissement des libertés démocratiques et la levée de l'état d'urgence instauré le 9 février 1992 par le Président Boudiaf (qui sera assassiné le 29 juin 1992) pour briser l'insurrection armée du FIS (Front Islamique du Salut).
Outre les partis de l'Alliance présidentielle (FLN, RND, MSP, etc) des partis, que l'on qualifierait de gauche en France: le PADS (communiste) et le PT (Parti des Travailleurs de Louiza Hanoune,trotskiste) n'en sont pas membres en raison de désaccords avec les autres formations de la coordination. Depuis, le PST, le SNAPAP et le RAJ s'étaient retirés de la coordination. Le FFS tout en maintenant son adhésion ne soutenait pas la marche du 12 février.
Le 3 février, le Président Bouteflika annonçait la levée de l'état d'urgence "dans un très proche avenir" et le Conseil des Ministres adoptait de nouvelles mesures, après celles du 8 janvier, pour préserver le pouvoir d'achat de la population.
Le Ministre de l'Intérieur et le Wali (Préfet) d'Alger avaient interdit la marche, proposant aux organisateurs une salle de 10 000 places. Une marche était également interdite à Oran.
Déjà le 25 janvier, pour une précédente manifestation organisée par le RCD, j'avais dit ma colère et mon incompréhension, d'une telle interdiction qui ternit le visage de l'Algérie.
Samedi 12 février, les média ont mentionné entre 1 500 et 2 000 manifestants sur la Place du 1er Mai à Alger, 400 à Oran et quelques dizaines à Tizi Ouzou. Des amis algériens qui étaient dans la manifestation à Alger et auxquels j'ai téléphoné, estimaient le nombre entre 4 et 500. Les organisateurs chiffrent à 300 le nombre de personnes interpellées et pour la plupart relâchées. La présence massive des forces de l'ordre (25 à 30 000 ?) n'explique pas à elle seule ce que de nombreux observateurs considèrent comme un échec en regard des foules considérables rassemblées en Tunisie et en Egypte. Les Algériens aspirent au calme et à la tranquillité après l'horreur de la décennie de sang. Le retrait de plusieurs organisations et le refus de partis de l'opposition démocratique de soutenir l'initiative de la Coordination a également eu un impact.
Beaucoup de personnes présentes ont été surprises de voir aux côtés de Saïd Sadi (RCD), Ali Belhadj, le co-fondateur du FIS (Front Islamique du Salut) interdit, responsable des horribles massacres des années 90.
La Coordination s'est réunie, hier, dimanche. Elle juge positive la manifestation du 12 février et elle appelle à une nouvelle marche samedi 19.
BD, 18h.17 le lundi 14 février 2011