Venus d’Algérie, de France et certains de bien plus loin, ses camarades, ses amis étaient nombreux, très nombreux ce lundi 29 juillet pour rendre un ultime hommage à Henri Alleg, dans ce cimetière du Père-Lachaise où sont inhumés quelques-uns des meilleurs fils et filles de France et dont les murs portent encore les traces de la sanglante répression de la Commune de Paris.
Combien d’années de prison totalisait cette foule qui se pressait dans la salle de la Coupole et sur son parvis ? Que de dévouement, d’abnégation, de sacrifices consentis par ces femmes et ces hommes qui furent des acteurs du grand mouvement de décolonisation qui marqua le XXe siècle. Ils avaient tenu à accompagner Henri qui porta si loin, si haut l’engagement des Communistes en faveur de l’émancipation des Peuples et exprima dans La Question, avec une hallucinante sobriété, l’indicible réalité de la torture. Ce bouleversant témoignage personnel d’Henri Alleg est à la guerre d’Algérie, ce que Si c’est un homme de Primo Lévy est à l’univers concentrationnaire nazi.
Devant une photographie représentant le couple inséparable que formèrent Gilberte récemment disparue et Henri, chacun des intervenants dit avec ses mots, ce que le Peuple algérien doit au dirigeant communiste et au journaliste d’Alger Républicain puis de l’Humanité et l’exemple de courage et de lucidité qu’il lègue à chacun de nous.
Evènement exceptionnel dont on mesurera la portée politique, le Président Abdelaziz Bouteflika avait tenu adresser un message lu par ses enfants, dans lequel il indique : « Henri Alleg laissera le souvenir d’un homme de conviction, épris des idéaux de paix, de justice sociale, de progrès, de liberté et d’émancipation des peuples. » Pierre Laurent, le secrétaire national du Parti Communiste Français, évoqua « le communiste d’Algérie, le communiste de France, le communiste tout court » et réaffirma la nécessité pour l’Etat français de « reconnaître enfin la torture en Algérie. » William Sportisse, au nom du PADS dont la présence avait été saluée par Pierre Laurent, rappela l’engagement d’Henri et des communistes algériens pour l’indépendance de l’Algérie, alors que le peuple algérien était contraint de répondre à « la violence coloniale par la violence révolutionnaire ». On entendit ensuite Alban Liechti, le soldat du refus au nom de l’ACCA, Gérard Tronel pour le Comité Audin et, moment d’intense émotion, la voix de Mumia Abu-Jamal qui, depuis sa prison, salua le courage d’Henri Alleg : « Quoi qu’il puisse endurer, il [Henri, ndlr] préférait mourir plutôt que de trahir ses amis et ses camarades». André et Jean ses fils nous firent part de souvenirs, d’anecdotes qui nous le rendirent plus proche encore. Bien évidemment, une telle cérémonie ne pouvait se dérouler sans que soient évoqués l’Union Soviétique et le « camp socialiste ». C’est en effet en Tchécoslovaquie qu’Henri fut accueilli et soigné après s’être évadé de prison. Ils nous dirent sa souffrance, lorsqu’au 20e congrès du PCUS furent révélés les crimes de Staline. Il ne fit pour autant jamais chorus avec les ennemis du communisme.
Henri Alleg, l’internationaliste, aimait la musique et c’est par des chansons des Peuples du monde, saluées par les you-you des femmes présentes, que se termina la cérémonie. Bien des yeux étaient embués en écoutant « Au-devant de la vie » et le chant des partisans soviétiques et, quand le cercueil porté à dos d’hommes gravit les marches de la Coupole, spontanément il fut salué par l'Internationale chantée en arabe …
Au fil des rencontres, outre les personnes mentionnées plus haut (la foule était telle, qu’on voudra bien nous pardonner nos oublis), nous avons noté la présence de M. l’Ambassadeur d’Algérie, du Ministre Montebourg, de Patrick Le Hyaric, directeur du journal l’Humanité, du sénateur communiste du Rhône Guy Fischer, de Mme Catherine Margaté, maire communiste de Malakoff, de Zoheir Bessa directeur et de plusieurs membres de l’équipe d’Alger Républicain, des historiens Omar Carrier et Alain Ruscio, du réalisateur de cinéma Merzach Allouach, de Jacques Fath, de Jacques Choukroun et de plusieurs journalistes de la presse écrite et de la télévision algériennes…Notre association France-El Djazaïr était représentée par Jean Asselmeyer, Guy Lauzy et Bernard Deschamps.
Bernard DESCHAMPS
30 juillet 2013