30 septembre 2012 |
« Un agent français derrière la mort de Kadhafi ». Le quotidien italien Corriere della Sera se veut affirmatif dans son article remettant en cause la version officielle de la mort de l'ancien dictateur libyen, le 20 octobre 2011. Selon le journal, c'est bien un agent des services secrets français et non un membre de la résistance libyenne qui aurait tué Mouammar Kadhafi, après l'arrestation de celui-ci non loin de Syrte.
Le 31 octobre dernier, le site de Paris Match avait mis en ligne un reportage qui revenait sur les dernières heures du dictateur. Selon le site, celui-ci « était encore vivant lorsqu'il a été hissé dans l’ambulance. Et c’est dans ce véhicule qu’il a été tué de deux balles. » L'identité du tireur restait, elle, mystérieuse, et à aucun moment, dans ce reportage, la présence de soldats étrangers n'était évoquée.
Ce samedi, le quotidien italien croit détenir la clé de l'énigme. D'abord, explique le journal, Mahmoud Jibril, ex-président du conseil exécutif du CNT libyen, a affirmé sur la télévision égyptienne Dream TV qu'un « agent étranger était infiltré avec les brigades révolutionnaires pour tuer le colonel Kadhafi ». « Un service de renseignement que je ne connais pas, avait intérêt à ce que Kadhafi se taise à jamais, car il a eu plusieurs secrets et a noué d’étroites relations avec de nombreux régimes internationaux. C’est pourquoi ce service de renseignement a voulu à tout prix que Kadhafi ne divulgue plus jamais ces secrets », a également déclaré Mahmoud Jibril.
Corriere della Sera cite ensuite les milieux diplomatiques internationaux en Libye, pour lesquels, si un service étranger avait un intérêt à la mort de Kadhafi, il ne pouvait s'agir que des Français. Un point de vue renforcé ces derniers jours, selon le quotidien, par les déclarations de Rami El Obeidi, ancien responsable des relations avec les agences de renseignement étrangères au nom du Conseil national de transition. Celui-ci a raconté au journaliste italien que le dictateur libyen avait été localisé fin août 2011 par les renseignements français, alors qu'il avait fui Tripoli libérée, grâce à son téléphone satellitaire. Il aurait joint certains de ses fidèles ayant fui en Syrie et le régime syrien aurait échangé sa localisation contre la mansuétude des Occidentaux, alors qu'il était lui-même confronté à la révolte de son peuple.
Le dictateur avait été attrapé le 20 octobre 2011 près de Syrte. Les circonstances exactes de sa mort n'ont jamais été totalement établies. Les premiers récits indiquaient qu'un convoi de véhicules dans lequel il circulait avait été bombardé par l'Otan. Puis des hommes sur place auraient fait prisonnier Kadhafi alors qu'il tentait de se cacher dans une canalisation. Il serait mort quelques minutes après lors de son transport vers la ville de Misrata. Voici un montage diffusé le jour de sa mort, composé de vidéos prises grâce à des portables :
La piste française prend d'autant plus de sens qu'elle renvoie aux accusations portées par les principaux dirigeants libyens eux-mêmes peu avant le déclenchement de la guerre sous l'impulsion de la France, en mars 2011. Mouammar Kadhafi, son fils Saïf al-Islam et un ancien chef des services secrets, Abdallah Senoussi, avaient en effet tous trois affirmé publiquement détenir des preuves d'un financement occulte du président français.
Mediapart a d'ailleurs par la suite publié une longue enquête et un document allant dans ce sens. Il s'agit d'une note datée du 10 décembre 2006, signée par Moussa Koussa, l’ancien chef des services de renseignements extérieurs de la Libye. Celle-ci indique que le régime libyen a choisi « d’appuyer la campagne électorale» de Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007, et ce pour un « montant de cinquante millions d’euros ». Lire Sarkozy-Kadhafi : la preuve du financement.
Un des principaux témoins des dernières minutes du colonel ne pourra en tout cas pas donner sa version. Omran Ben Chaaban, 22 ans, s'était rendu célèbre en apparaissant dans plusieurs photos et vidéos, alors qu'il tenait le dictateur Mouammar Kadhafi. Mais il a été enlevé en juillet dernier par des hommes armés à proximité de Bani Walid (une ville proche de Misrata, sa ville d'origine). Blessé, il a finalement été libéré la semaine dernière dans un état critique – il a été torturé pendant deux mois. Envoyé dans un hôpital français, il y a succombé lundi dernier.