Il faut lire ce petit livre de 130 pages (La Découverte, septembre 2014) dont le titre s’inspire du « Pour les Juifs » d’Emile Zola (1896) au moment de l’Affaire Dreyfus. Cet essai paraît à point nommé alors que monte une inquiétante poussée d’islamophobie dont la plupart des médias – notamment audiovisuels – se font les relais complaisants. C’est sans doute pour cela qu’ils ont si peu parlé de la parution de cet ouvrage. On connaît le style élégant et le verbe acéré d’Edwy Plenel. On n’est pas déçu. Son propos débute ainsi :
« Il y a un problème de l’islam en France », ai-je entendu un matin de juin 2014 sur les ondes de la principale radio publique française. Ce n’était pas un propos marginal mais celui du grand témoin du jour, invité de la rédaction pour débiter sans contradicteur l’obsession qui lui tient lieu de pensée ». Et le dernier chapitre commence par cette phrase :
« Notre empathie a trop longtemps fait défaut. Aux musulmans, aux Arabes, aux juifs, aux Noirs, aux Roms et aux Tziganes, etc : à tous ceux qui, successivement ou en même temps, sont les victimes de cette idéologie barbare des civilisations supérieures contre des peuples maudits qui rôde de nouveau parmi nous. »
Entre les deux, l’auteur décortique et détricote minutieusement les arguties et les mensonges de ces nouveaux Croisés qui ne sont pas que du côté des lepénistes. La presse bien-pensante en prend un coup ainsi qu’une partie de la gauche qui confond laïcité et haine de la religion. Des « intégristes de la laïcité » a dit récemment quelqu’un. (Je ne suis donc pas le seul à avoir utilisé cette formule, certes polémique). Alors que la laïcité est la liberté reconnue de pratiquer la religion de son choix ou de n’en pratiquer ou de ne croire en aucune. A l’appui de sa démonstration, Edwy Plenel cite dans son intégralité la phrase de Marx si souvent réduite à « l’opium du peuple », alors que celui-ci affirmait que la foi religieuse est avant tout « le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur ». Il cite abondamment Maximilien Robespierre, Lénine, Léon Trotsky, Rosa Luxembourg, Ferdinand Buisson, Francis de Préssensé, Jean Jaurès, Henri Guillemin…Et il pose avec clarté l’enjeu de ces débats : la reconnaissance de l’Autre dans son originalité et l’enrichissement mutuel qui en découle : « Sous la question musulmane se joue donc la question française : notre capacité à réinventer une France qui, au lieu de se crisper sur une identité fantasmée et mortifère, s’élance vers le monde en faisant de sa relation au divers le meilleur des Sésame. »
Et il nous interpelle : « Hommes et femmes de bonne volonté, qu’attendons-nous ?
A lire d’urgence.
Bernard DESCHAMPS
21/11/2014
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