HOLLANDE EN AFRIQUE : RUPTURE DANS LA FORME AVEC SARKOZY, PAS SUR LE FOND !
La presse française, presqu’unanimement, met l’accent sur les déclarations faites par François Hollande à RFI, TV5 Monde, France 24 avant son départ pour Dakar, au cours desquelles il évoquait : « des fautes qui doivent être rappelées : ce qu’a été la colonisation et avant, ce qu’a été la traite négrière. »
Evidemment, en comparaison des diatribes racistes et revanchardes de l’extrême-droite, parler de « fautes » apparait comme une avancée. Mais peut-on se contenter de ce terme ? Fautes ? les enfumades de De Montagnac, les têtes coupées de Bugeaud, les tortures d’Aussaresse et de Bigeard ? Ce sont des crimes qui doivent être dénoncés comme tels. La colonisation avec son cortège de spoliations, de déculturation, d’oppression et de sang répandu, est en elle-même un crime. Ne pas le dire, en ne condamnant que quelques exactions considérées comme marginales, revient à en accepter le principe.
Et pourtant, si édulcorée soit cette condamnation des "fautes" de la colonisation par Hollande, elle ne figure pas dans le discours officiel qu’il a prononcé à Dakar devant l’Assemblée Nationale. J’ai étudié le texte de son allocution, tel qu’il est publié sur le site de la Présidence de la République française. Seuls sont dénoncés « l’esclavage et la traite négrière ».
François Hollande pour se démarquer de son prédécesseur, prend la précaution d’affirmer : « Je ne suis pas venu ici, à Dakar, pour montrer un exemple, pour imposer un modèle, ni pour délivrer une leçon. », mais, insistant « sur l’histoire que nous avons en commun », les exemples qu’il cite sont tous, absolument tous, à sens unique : la langue française; la participation des Africains à la défense de la France en 1914 et en 1940; la contribution de Léopold Sedar Senghor à la Constitution de la Ve République française…Plutôt que de rappeler l’apport des Africains à la civilisation de l’humanité (dont témoignent le Musée des Arts premiers à Paris et les œuvres de peintres et d'écrivains inspirées de l’art africain), il privilégie notre langue, notre défense nationale et une Constitution, celle de 1958, qui n’est vraiment pas un modèle de démocratie. Pour Hollande, l’amour s’exerce à sens unique ; au profit exclusif de la France. Ou plus exactement au profit des investisseurs et des exportateurs français qui bavent d’envie devant ce marché de plus de 1 milliard d’habitants. « La solidarité, c’est aussi la consolidation de la zone franc. » Quel aveu, quand l’on sait que c’est le plus sûr moyen de maintenir les pays d’Afrique en état de sujétion économique.
La Françafrique c’est fini, nous dit Hollande mais la démarche intéressée demeure sous d’autres formes. Les accords militaires vont être révisés (et non renégociés ?) et aux « forces statiques » seront substituées des « forces réactives capables de s’adapter et de privilégier une réponse plutôt qu’une présence. » Comme en Libye ? Dont Hollande ne dénonce pas l’intervention militaire otanosarkozienne, mais uniquement « les erreurs qui ont marqué la fin de l’intervention […] et notamment le manque de contrôle des armes. »
Si l’on rapproche ce discours, des actes que sont : l’engagement du gouvernement français d’appuyer une intervention militaire étrangère au Mali ; l’hommage qu’il s’apprête à rendre au tortionnaire Bigeard ; les appels de Valls à la délation qui risquent d’encourager l’islamophobie… Cela fait beaucoup et dès lors témoigne d’une ligne que l’on ne peut qualifier autrement que néo-colonialiste. Etrange façon de préparer une future visite en Algérie.
Bernard DESCHAMPS, 15/10/2012