Mesurons bien ce qui est en train de se passer, en notre nom, hors des frontières françaises. Samedi 21 mai, Sarkozy, seul chef d'Etat étranger, aux côtés de Martin Bouygues, Vincent Bolloré et Michel Roussin (Véolia) était présent à la cérémonie d'investiture de Ouattara, après avoir contribué, par l'engagement des forces militaires françaises, à la capture, dans sa résidence, du Président sortant Gbagbo. Aujourd'hui, nous apprenons que des helicoptères d'attaque permettant l'intervention de troupes au sol, vont être engagés en Libye, avec l'objectif d'abattre Kadhafi. Cette décision est-elle conforme à la Résolution 1973 du Conseil de Sécurité de l'ONU? Certains l'affirment. D'autres le contestent. La réalité est que cette résolution , sur laquelle la Chine, l'Inde et la Russie se sont abstenues et contre laquelle a voté l'Allemagne, est suffisamment vague pour permettre toutes les interprétations. Alors que la Charte des Nations unies prohibe par principe "l'emploi ou la menace" de la force dans les relations internationales (article 2 § 4) et qu'elle prône la non -ingérence dans les affaires intérieures des Etats souverains. Ces principes de base, élaborés au lendemain de la deuxième guerre mondiale, étaient le "fruit d'un combat historique remporté par les Etats les plus faibles...Mais l'ONU est peu à peu passée au "droit" puis "au "devoir d'ingérence" (Voir Le Monde Diplomatique n° 686 de mai 2011) qui permet, sous prétexte humanitaire, l'intervention des puissances occidentales majoritaires au Conseil de Sécurité d'intervenir en n'importe quel point du globe.
Nous sommes revenus à "la politique de la canonnière" du 19e siècle qui , prenant prétexte, ici, des menaces qui pesaient sur les missionnaires chrétiens, là, de la "nécessité" d'apporter l'instruction et la civilisation à des Peuples "barbares" (dont la civilisation était souvent plus ancienne que la nôtre), engagea notre pays - et d'autres - dans une séries de conquêtes coloniales dont les Peuples durent secouer le joug au prix d'immenses sacrifices.
Cette orientation décomplexée des politiques extérieures occidentales intervient précisément en appui de leur volonté de s'assurer le contrôle des richesses naturelles, notamment du sous-sol, de divers pays alors que se profile la raréfaction des ressouces mondiales en hydrocarbures. La position avancée de la France dans ce domaine constitue "une nouvelle politique africaine et même une nouvelle politique étrangère" a affirmé samedi N. Sarkozy. Derrière les proclamations officielles de suppression de la Françafrique, se cache, en fait, un renforcement de la volonté de domination politique et économique française. C'est moralement et politiquement condamnable et c'est contraire aux intérêts à long terme de notre pays, en raison des rancoeurs que cela suscite à notre égard.
Un dernier mot. De nombreuses voix s'élèvent pour dire que l'interventionnisme militaire français et occidental, ne menace pas que la Libye. L'Algérie et d'autres pays qui refusent les diktats de la Banque mondiale et du FMI et qui n'acceptent pas de bases militaires occidentales sur leur sol peuvent demain devenir eux aussi des cibles. Allons-nous le tolérer ?