« Tous les citoyens ont droit au travail », stipule l’article 55 de la Constitution algérienne. Qu’en est-il dans la réalité ? Une étude réalisée en 2011 par Marie France Grangaud, une consultante française restée en Algérie après la guerre, pour le Centre d’Information et de Documentation sur les droits de l’enfant et de la Femme (CIDDEF) algérien tente de répondre à la question. Avec l’appui financier de l’Union européenne, le CIDDEF a coordonné l’ambitieux projet de « Réduire les inégalités entre hommes et femmes en favorisant l’accès à l’emploi et la création d’activités rémunératrices dans différents pays du sud (Egypte, Tunisie, Maroc et Algérie) ». Afin de mieux définir les besoins, une première étape a été l’étude de la situation de l’emploi féminin en Algérie, en pointant « les discriminations de toute nature propres aux filles et aux femmes dans l’accès à l’emploi », et dont voici quelques données.
Fin 2010 un million et demi de femmes travaillaient en Algérie, soit trois fois plus qu’en 1990. Elles ne représentent que 17% de la population active et occupent des postes dans des secteurs toujours considérés comme traditionnellement féminins, l’enseignement, la santé, l’administration et les services. 64% des emplois occupés par des femmes sont dans le secteur tertiaire et sont presque totalement absentes de secteurs tels que l’agriculture, l’industrie ou les BTP. Plus leur niveau scolaire augmente plus les femmes sont présentes sur le marché de l’emploi. Les femmes qui travaillent sont majoritairement des urbaines ayant fait des études supérieures ou qui sont non mariées. Elles sont 68% chez les diplômées à occuper un emploi contre moins de 6% chez les non diplômées. Quant au chômage il touche davantage les femmes que les hommes pour l’ensemble du territoire, 8,1% des hommes contre 19,1% des femmes, 20% dans les zones rurales et 18,8% dans les villes. 90% des chômeuses enfin, ont moins de 35 ans.
L’étude montre également que le travail féminin évolue parallèlement à la société : les Algériennes font plus d’études, se marient plus tard et ont moins d’enfants. Le mariage n’est plus un frein au travail, puisque 84 % des célibataires disent qu’elles comptent continuer à travailler après leur mariage ; même si 30% des femmes aspirent toutefois à ne pas travailler et 38% des hommes se disent réfractaires au travail féminin.
Une autre étude menée il y a quelques années par le Centre National de Recherche en Anthropologie sociale et culturelle (CRASC), avait déjà montré que l’emploi féminin, bien que protégé par la loi, évolue trop lentement à cause de facteurs tels que la garde des enfants et les tâches ménagères entièrement dévolues aux femmes, les transports, la mobilité (80% des femmes refusent de travailler dans une autre région contre 47% des hommes), et surtout les stéréotypes qui ont la vie dure : « la place des femmes est à la maison », ou encore « ce sont des métiers d’homme », alors que la moitié des femmes considèrent que la majorité des métiers peuvent être occupés indifféremment par des hommes ou des femmes. Dans les textes, hommes et femmes sont égaux devant le travail, ils ont les mêmes droits et devraient avoir les mêmes salaires. L’article 19 du Code de la famille modifié prévoit d’ailleurs une clause protégeant « le droit au travail des épouses », qui ne peut « constituer un motif de déchéance du droit de garde des enfants », en cas de divorce, prévoit l’article 67.
Le travail des femmes est un enjeu important pour l’économie algérienne, l’Etat en a conscience puisqu’il a débloqué 10 milliards de dinars (95 millions d’euros) pour la période 2009- 2014 afin d’aider les femmes surtout dans les zones rurales à s’insérer dans la vie professionnelle. De nombreuses associations se sont donnent le même objectif. Cela passe par la création de micro-entreprises qui ont le vent en poupe en Algérie et qui offrent des opportunités que les femmes sont aujourd’hui nombreuses à saisir, analyse le CIDDEF.