Aux images bouleversantes des Twin Towers en flamme qui s'effondrent le 11 septembre 2001 et de cette femme qui se jette dans le vide, se superposent dans ma mémoire, le souvenir des avions de Pinochet et de ses conseillers américains bombardant le Palais de la Moneda, le 11 septembre 1973 et les récits de la mort héroïque de Salvadore Allende et de Victor Jarra brandissant ses moignons en sang du haut des gradins du stade de Santiago. Les milliers de morts de part et d'autre ne s'annulent pas, dans je ne sais quelle comptabilité macabre, mais nous incitent à réfléchir sur la marche du Monde.
Le 11 septembre 1973, l'Amérique arrogante et dominatrice se sentait assez puissante pour organiser, en toute impunité , en divers points du globe, des coups d'Etat afin de mettre en place des fantoches à sa dévotion. Deux ans plus tard, elle essuyait un échec cinglant au Viet Nam et devait quitter Saïgon précipitamment et de façon piteuse. Cependant, l'implosion de l'Union Soviétique en 1991 et l'éclatement du "camp socialiste", en lui conférent le statut de super puissance, la confortèrent dans sa volonté de domination sans partage. Cela ne pouvait qu'engendrer la haine des peuples.
Les attentats intégristes, que je condamne car je pense qu'il est criminel de s'attaquer à des populations sans défense, s'inscrivent dans ce contexte de haine suscitée par les politiques impérialistes. Ils sont un dévoiement du combat légitime des Peuples pour leur émancipation et leur portent tort.
L'Amérique pour la première fois frappée sur son sol et touchée au coeur même du Temple de la Finance, allait-elle en tirer les leçons? Il n'en fut rien, comme l'ont montré les expéditions en Irak et en Afganistan. J'avais espéré que l'élection de Barack Obama (mais j'étais sans doute un peu naïf !) serait le point de départ d'une nouvelle politique. Son discours du Caire m'avait conforté dans cet espoir. Et il y eut la Libye. On me rétorquera qu'en Libye ce sont la France et la Grande Bretagne qui sont en pointe. Mais elles n'auraient pu se lancer dans cette aventure sans le feu vert des USA. On me dira aussi qu'en Libye, c'est au nom du "droit de protéger" que l'OTAN intervient. Mais le "droit de protéger" adopté à l'unanimité par l'assemblée générale de l'ONU en 2005, ne se substitue pas au "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes" réaffirmé avec force en 2007. Tant que le droit de protéger sera apprécié par quelques grandes puissances, au sein d'un Conseil de Sécurité qui n'est pas représentatif de l'ensemble des Nations, le risque demeurera qu'il soit interprété comme un droit d'ingérence. L'Amérique et les autres pays occidentaux continueront dès lors de vivre avec la menace de nouveaux 11 septembre 2001.
Alors que montent les accents puissants du IVe mouvement de la symphonie de Malher, "La Résurrection", interprêtée au Lincoln Center de New York en souvenir du 11 septembre 2001, et retransmise par Arte, je m'interroge. De quelle résurrection rêve la foule nombreuse qui ce soir a suivi le concert ? Espère -t-elle un retour mythique à une Amérique intouchable ? Ou rêve-t-elle d'une Amérique à l'écoute des Peuples qui substituerait une politique de cooprération aux politiques de force pratiquées jusqu'alors?
Je crois l'Amérique multiculturelle, dont le multiculturalisme nous rend ce peuple si attachant, capable de vaincre les lobbies du fric et de s'émanciper de Wall Street. Alors "la mort sera vaincue".