Surenchère entre Bamako et Ançar Eddine par Salem Ferdi, Le Quotidien d'Oran, 6 janvier 2013
Un dialogue inter-malien regroupant autour du président burkinabé Blaise Compaoré, des représentants de Bamako et des mouvements targuis, Ançar Eddine et le MNLA, devrait avoir lieu le 10 janvier prochain à Ouagadougou. Rien n'indique que les protagonistes maliens de la crise veulent réellement engager des discussions. A Bamako, des politiciens liés aux putschistes accusent Compaoré "d'ourdir" un complot contre le capitaine Sanogo. Désigné médiateur dans la crise malienne par la Cédéao, le président burkinabé a été fustigé, vendredi à Bamako, par des partisans du capitaine Sanogo, qui l'accusent d'avoir "ourdi un grand complot" contre leur champion. C'est le président d'un Collectif des Patriotes (COPA), Makan Konaté, qui s'est chargé de transmettre la défiance du capitaine Sanogo qui fait la pluie et le beau temps politique à Bamako. Compaoré, affirme-t-il, "veut en finir" avec Sanogo et ses compagnons. Il l'accuse de "former des agents, des militaires pour attaquer le capitaine Amadou Haya Sanogo et ses camarades". Attaquer le médiateur est donc l'entrée en matière des discussions de la part des politiciens de Bamako liés au capitaine Sanogo. Mais d'une manière générale, c'est l'ensemble des factions de Bamako, y compris les responsables intérimaires officiels, qui ne veulent pas de discussion. Le gouvernement malien semble envoyer pour la forme des émissaires non pour négocier sérieusement mais pour faire mine de satisfaire à une exigence du Conseil de sécurité. L'instance onusienne a en effet autorisé sous condition une intervention militaire au nord du Mali mais elle préconise également une reprise du processus politique devant se terminer, en avril par la tenue des élections présidentielles et l'ouverture de négociations avec les groupes rebelles targuis qui doivent se désolidariser des groupes terroristes. Ce volet de la négociation paraît en panne. Contrairement d'ailleurs au volet militaire, comme en témoigne les annonces d'envoi de formateurs pour reconstituer l'armée malienne. L'ACCORD ENTRE TOUAREGS IGNORE PAR BAMAKO Le Conseil de sécurité avait pourtant demandé aux autorités maliennes de transition d'engager des négociations "crédibles" avec les Touaregs qui se dissocieront des "organisations terroristes" contrôlant cette région, dont Al-Qaïda au Maghreb islamique et le Mujao. L'accord de "partenariat" signé à Alger entre les deux groupes de rebelles targuis MNLA (Mouvement national de libération de l'Azawad) et Ançar Eddine (islamistes) était, pour ce dernier, une manière de se plier aux exigences du Conseil de sécurité. Alger, qui a défendu cette option d'intégration des groupes targuis dans la solution et de ne pas les traiter en ennemis, avait mis la pression sur Ançar Eddine d'Iyad Ag Ghaly. L'accord de "partenariat" a cependant été totalement ignoré par les responsables à Bamako qui, comme d'ailleurs la plupart des dirigeants de l'Afrique de l'Ouest, sont dans l'optique unique d'aller en découdre, rapidement, au nord du Mali. Les signaux venant de Paris ont apparemment galvanisé les sentiments guerriers à Bamako où l'on ne parle plus que de reconquête. Les responsables maliens ont eu tendance, à l'instar du ministre des Affaires étrangères, à dénier la qualité d'interlocuteur aux deux groupes rebelles targuis. Le peu d'intérêt des responsables maliens de Bamako à négocier avec les rebelles targuis n'est pas une surprise. Une telle négociation implique de discuter des demandes des habitants du nord du pays qui remontent à plusieurs décennies. ANÇAR EDDINE EN RAJOUTE L'absence d'une volonté de traiter ces questions a créé une situation de rébellion endémique au nord du pays. Or, les esprits sont montés à Bamako contre les Touaregs et un discours qui n'hésite plus à jouer la fibre "raciste" les voue aux gémonies et à l'éradication. Ançar Eddine a réagi à l'absence de répondant de Bamako, en annonçant un retrait de l'offre d'arrêt des hostilités faite à Alger dans le cadre du "partenariat" avec le MNLA. Par ailleurs, la divulgation des propositions d'Ançar Eddine réclamant l'autonomie et l'application des lois islamiques est de nature à créer des difficultés avant l'entrée en matière. Selon l'AFP, Ançar Eddine a mis en cause les différents régimes maliens qui ont traité les habitants du Nord en "citoyens de seconde zone". Il ne réclame pas l'indépendance mais une "large autonomie", mais dans le cadre d'un Etat malien qui proclamerait dans sa Constitution son "caractère islamique", au motif que "le peuple malien est musulman à plus de 95%". La question de la refonte de l'Etat malien pour permettre une prise en charge des revendications des populations du nord est essentielle. Bamako, où le pouvoir reste indéfini et la situation instable, n'est pas prête à des discussions de fond. Ançar Eddine, en mettant en avant l'exigence d'une application de la Charia, lui offre un moyen de ne pas engager le débat de fond. Le dialogue entre Bamako et les touaregs est déjà parsemé de grands obstacles.
Photo/ Les dirigeants d'Ançar Dine à Bamako. A gauche, leur chef, lyad Ag Ghaly. | | |||
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