« Féministe avec Marx » de Saliha Boussedra (Editions Fondation Gabriel Péri, septembre 2024) est une étude très élaborée, de 79 pages, par une docteure en philosophie spécialiste de Marx. Je ne vous cacherai pas qu’il faut faire un effort pour la lire, car c’est un livre savant, mais à la portée de toutes/tous et qui mérite d’être lu par les militant.es de l’émancipation humaine. On en sort plus fort, plus assuré.
Le mouvement féministe est traversé par plusieurs courants qui, par leurs initiatives de luttes, contribuent tous, nous dit l’auteure, à faire progresser la cause des femmes. Il est cependant utile de réfléchir à ce qui les différencie afin de mesurer leurs éventuelles limites ou impasses.
Les féministes « essentialistes [qui] postulent qu’il existe une essence des femmes, un être au monde des femmes qui aurait été empêché de s’exprimer et de se développer ». « Les matérialistes rejettent ce postulat, car, pour elles, « l’être des femmes » n’existe pas, il est tout entier façonné par l’histoire des rapports de domination. » (p .11). En réaction à la conception essentialiste du corps des femmes, les féministes matérialistes empruntent à Marx la notion de classes sociales en considérant que « il existe une classe sociale de sexe » (p.13) et que « Les deux sexes forment deux classes sociales distinctes en lutte, elles n’ont plus un intérêt commun avec les hommes. » (p.13). D’où la volonté d’« autonomie politique du mouvement des femmes » qui les conduit à quitter les organisations réunissant hommes et femmes et à la création dans les années 1970 du MLF (Mouvement de libération des femmes).
L’ouvrage est structuré en deux chapitres. Dans une première partie, l’auteure étudie « La réception de Marx par les féministes matérialistes » et leur rejet de l’essentialisme et de l’idée de nature, et elle rappelle ce qu’est la conception de classe chez Marx et dans ce cadre, sa théorie du matérialisme historique en opposition au matérialisme naturaliste.
Dans une deuxième partie, elle confronte les thèses de la philosophe états-unienne Judith Butler au marxisme.
A l’inverse d’une lecture partielle, Marx, a reconnu à la fois « la matérialité du corps » des femmes qui implique des revendications spécifiques liées à la maternité par exemple, et son inscription dans le combat de classes qui oppose la classe des propriétaires des moyens de production, à la classe ouvrière, hommes et femmes compris.
Il aurait peut-être été utile de rappeler la relation entre le niveau de développement des forces productives et la formation de classes sociales antagonistes. Mais cette remarque est secondaire en regard de la richesse de l’étude de Saliha Boussedra qui nous apprend beaucoup sur les mouvements féministes et nous aide à réfléchir. Merci Saliha.
Bernard DESCHAMPS
30 novembre 2024