Dans l’activité du parti communiste, quelle place doivent tenir nos initiatives en direction des immigrés ? Pour quelles propositions ?
Indépendamment de leur nombre, notre idéal internationaliste et d’amitié entre les peuples, nous font une obligation de solidarité. C’est une constante depuis la création du parti en 1920, qui s’est en particulier manifestée durant les guerres coloniales.
Aujourd’hui, avec le néocolonialisme, un accroissement des flux migratoires dus à la misère et les menaces que fait peser l’extrême-droite, ce devoir internationaliste n’est pas moindre.
Il a également une importance électorale. Selon les chiffres de la Direction générale des étrangers en France, sur 66 millions d’habitants, 5, 6 millions n’ont pas la nationalité française, soit 8, 2% de la population. En fait ce pourcentage est bien plus important si on y ajoute celles et ceux qui ont acquis récemment la nationalité française et les enfants nés de familles franco-étrangères. Cela est particulièrement visible dans nos quartiers populaires.
Devons-nous nous adresser spécifiquement à eux ? Sur quelles thématiques ? Quelle attitude devons-nous avoir à l’égard des comportements identitaires, nationalistes et religieux ? Que faire face au développement orchestré de l’islamophobie en France ?
Les réponses que proposent les documents de la Conférence nationale du 14 décembre prochain, ne répondent pas à mon sens aux nécessités politiques du moment.
La question posée dans le Document général : « Comment mieux dépasser les divisions identitaires entre catégories de travailleurs ? », et l’Annexe 1 : « La lutte contre la dynamique de confessionnalisation des conflits est une composante indispensable de la lutte pour la Paix. », sont indicatrices de l’orientation que nous propose la direction du parti.
Pour unir les travailleurs sur une base de classes, faut-il, comme il nous est proposé, ignorer les spécificités identitaires ou devons-nous les prendre en compte ?
Je pense qu’il faut les prendre en compte et je regrette que par exemple la lutte contre l’islamophobie ne figure pas dans les textes de la Conférence.
Il fut un temps – en 1949 - où Robert Jonis alors secrétaire du syndicat CGT des mineurs du Puits Ricard à La Grand’Combe, avant de devenir le secrétaire fédéral de notre parti, écrivait dans un tract de la CGT : « Travailleurs Nord-africains, en plus de ces revendications générales, vous avez également des revendications particulières » et il se prononçait pour « La reconnaissance des fêtes musulmanes » (Mon livre Le fichiez Z, p. 43 et 44, El Ibriz éditions,2013 )
Il faut comprendre l’arrachement douloureux que constitue l’expatriation, et l’attachement aux coutumes du pays natal. Le port, par des jeunes femmes, du voile est souvent une réaction, que je trouve courageuse, aux campagnes haineuses contre l’Islam. Foutons-leur la paix avec le voile ! Je suis athée et je pense que les religions ne sont pas d’essence divine. Elles sont des créations humaines. Je ne les combats pas, je dialogue avec elles, de façon contradictoire souvent, mais dans le dialogue.
Une dernière notation. Je trouve de plus en plus souvent, pour le flétrir, le terme « nationalisme » dans nos écrits. Rappelons-nous que c’est le terme employé par celles et ceux qui luttent pour l’indépendance de leur pays, en Palestine, au Sahara occidental, et ailleurs, et que les populations immigrées s’identifient à ces combats. « Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup y ramène » disait Jaurès. C’est le chauvinisme qu’il faut combattre.
Bernard DESCHAMPS
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Pour mémoire : le 17 décembre à 18 h. au Prolé à Nîmes, 20, rue Jean Reboul, Rencontre-signature autour de mon nouveau livre « Chroniques algériennes, 2020-2024 », préfacé par Jacques Fath, ancien responsable du secteur international du PCF (2006-2013)