Une assistance frémissante, plus jeune que d’habitude m’a-t-il semblé, et majoritairement féminine, se pressait dans la Filature du Pont de fer pour l’ouverture à Lasalle de la 12e Fête de l’Alto qui avait débuté mardi soir à Valleraugue.
Nous avons été accueillis par la secrétaire de Viv'Alto, Mme Françoise Schmid-Granier, qui, sensible et enthousiaste, nous présenta le programme du festival, et par Pierre-Henri Xuereb, son directeur artistique qui nous dit les raisons du choix de Beethoven pour cette première soirée.
C’est la lecture des oeuvres de Romain Rolland qui l’a incité à faire ce choix. Romain Rolland, le pacifiste, un des fondateurs du Mouvement Amsterdam-Pleyel, l’ancêtre du Mouvement de la Paix, prix Nobel de littérature en 1915, l’admirateur de l’Union soviétique avec laquelle il prendra ses distances au moment des Procès de Moscou, le compagnon de route du Front populaire… L’auteur de Jean-Christophe et de Colas Breugnon qui ont bercé mon adolescence. Pierre-Henri Xuereb n’a pas fait ces rappels, mais je ne serais pas étonné, qu’il ait eu ces engagements de Romain Rolland à l’esprit. J’ai en effet remarqué d’année en année que ses programmations ont toujours un lien avec l’actualité. La Paix et Beethoven s’imposaient donc alors que de tragiques conflits se déroulent en plusieurs points du globe.
Pierre-Henri Xuereb rappela le rôle que joua, à l’âge de seize ans, dans la vie de Romain Rolland, la découverte de Beethoven, « celui qui fut [s]on grand compagnon de toute une vie de combats : - notre Beethoven ». Comme Beethoven « il [était] animé d’un idéal humaniste et la quête d’un monde meilleur ».
Pierre-Henri Xuereb à l’alto seul, puis en communion avec Pascal Mantin au piano, vont interpréter sept variations de Beethoven inspirées de la Flûte enchantée de Mozart (de l'Ouverture, me semble-t-il). A une conversation enjouée succédera une voix grave, réfléchie qui laissera exploser quelques éclats de colère avant d’évoquer avec nostalgie quelques souvenirs égayés de réminiscences de danses endiablées.
Ce fut ensuite pour moi un des moments les plus forts de cette soirée. Les voix des deux altos de Ruixin Niu et de Pierre-Henri Xuereb, d’une intensité tragique qui montent des profondeurs vers le ciel, accompagnées du piano de Pascal Mantin. Avant la mort, enfin.
Transition joyeuse avec le sherzo de la Symphonie n°7 aux altos de Ruizin Niu et de P.H. Xuereb. Dans la même veine, le menuet très enlevé du Septet en mi bémol majeur, opus 20, menuetto, suivie, dans la même partition, d’une conversation enjouée de salon. Drague et séduction.
L’Ode à la joie de la 9e symphonie à l’alto accompagné du piano était un défi. Les notes basses de l’alto évoquent la voix humaine. Nous étions presque en présence d’un chœur.
Contrairement à Romain Rolland, j’aime Chopin et son lyrisme slave raffiné. L’adagio sostenuto de l’opus 8 du trio avec piano. Tempête sous un crâne d’un promeneur solitaire. Suivi d’un autre romantique Robert Schumann.
Il revint à Pascal Mantin de clore ce concert avec deux partitions de Chopin exécutées avec beaucoup de virtuosité et de sensibilité. A l’évidence Pascal Mantin aime Chopin et je souffrais pour lui des quelques touches désaccordées du piano.
Bernard DESCHAMPS
23 août 2024