C’est la découverte de deux musiciens d’Occitanie, Marion Picot et Jean-Baptiste Morel qui ont fondé en 2009 le duo Hors des sentiers battus. Marion Picot s’est formée au violoncelle et au violoncelle baroque au sein des conservatoires de Montpellier, Nantes et Aix-en-Provence. Jean-Baptiste Morel, contrebassiste de formation classique, est diplômé du Conservatoire à rayonnement régional de Montpellier dans la classe de Raphaëlle Buisine.
L’une et l’autre ont le goût des métissages culturels. JB Morel plus particulièrement pour les musiques des Balkans, Russes, Tziganes et pour le tango.
Le concert qu’ils ont donné vendredi 14 juin au Temple de Lasalle nous conduisit des rives de la Méditerranée au Grand nord canadien, en passant par le Moyen Orient et l’Europe centrale.
J’ai été agréablement surpris de l’a tonalité orientale de leur composition Préambule « à la manière d’un Choral de J.S.Bach ». Plus oriental, selon mon oreille, que le libanais Nassam alayna el hawa qui lui succéda.
La Sonate en la mineur de Maria Jacchini et Tarentella de Giulio Ruvo (avec une 5e partie de la composition des deux instrumentistes) nous entraînèrent successivement à Bologne et à Naples. Avant la bouleversante plainte juive, Kaddisch, de Maurice Ravel ; suivie d'une chanson populaire turque, Uskuda’a gider iken, et de la chanson polonaise, Chodzony od Josefa.
La soirée fut incontestablement couronnée par Inukjuak, une composition de Marion Picot et de Jean-Baptiste Morel.
Un long trait lisse, aigu, tranchant du violoncelle, nous transporta vers les immenses étendues glacées du Grand Nord canadien. Des milliers de kilomètres de forêts et de steppe peuplées d’ours, de caribous, de wapitis, de bisons à peine dérangés par les Inuits et quelques chercheurs d’or qui, de loin en loin, se croisent en s’ignorant. La partition musicale est une mosaïque de sons à l'image de cette existence côte à côte. Parfois, le violoncelle et la contrebasse se déchaînent lorsqu’un ours rencontre une meute de chiens. Puis le vent se lève et rejette au loin la symphonie de grognements et d’aboiements
L’homme va son chemin, en couple souvent, et le violoncelle nous fait entendre une petite musique résignée qui, sans être triste, témoigne de leur accoutumance à cet environnement inhospitalier auquel cependant ils tiennent. Ils rejoignent leur igloo et les cordes évoquent les bruits familiers de leur modeste demeure, quand soudain retentit au dehors, dans le lointain, le glapissement d’un renard, bientôt recouvert par les vocalises rauques d’une troupe de morses.
Pour célébrer le retour du soleil après les longues nuits sans lumière, des fêtes sont organisées, et le violoncelle et la contrebasse nous font vivre leurs danses rythmées par les battements de tambour, qui se terminent par un Chant à la gloire du Grand Nord. Après être monté, monté, peu à peu celui-ci s’estompe dans le lointain, bientôt recouvert par la petite musique mélodieuse et résignée du quotidien…
Bernard DESCHAMPS
17 juin 2024