Notre ami Jacques Inrep est décédé samedi 25 mai. Un recueillement aura lieu lundi 3 juin à 10h. au crématorium de Nîmes. Que Daniele, son épouse trouve ici le témoignage de notre profonde tristesse et sache combien nous prenons part à son immense chagrin.
En mémoire de Jacques, je publie ci-dessous la notice biographique qu'il avait lui-même rédigée pour mon livre Les Gardois contre la guerre d'Algérie.
Bernard DESCHAMPS
INREP Jacques. Né le 23 avril 1939 à Paris. 14è. Père communiste de la première génération (congrès de Tours). Mère catholique non pratiquante. Etudes secondaires jusqu’en 3è (seul diplôme obtenu : le certificat d’études primaires). Travaille à 16 ans (employé de bureau). A 19 ans, face à la guerre d’Algérie, hésite entre deux positions : aller à l’armée ou devenir insoumis. Va demander conseil à un militant du P.C.F., ami de son père ; celui-ci l’encourage à partir pour deux raisons : 1) « il faut toujours être là où est le peuple » (donc en Algérie), 2) « si tu pars, tu pourras éviter une dérive fasciste de l’armée ». Il décide donc d’y aller. En janvier 1959, lors des 3 jours de sélection, le psychologue militaire s’aperçoit que son Q.I. ne correspond pas à son absence de diplôme. Incorporé le 5 mai 1959 (classe 59 1 B) au C.I.T. 156 à Toul au peloton des E.O.R. Au bout de deux mois de classe, il refuse de devenir officier. Premiers 8 jours de prison, des semaines, puis des mois suivront. Muté au peloton dit des« brêles », il apprend des rudiments de secrétariat : dactylographie et comptabilité. Muté à la 6è C.R.T. à Metz le 20 octobre 1959.Toujours à la prison. Privé de permission. Violente algarade avec un capitaine, résultat : première mutation disciplinaire en Algérie. Muté au G.T. 510 dans les Aurès à Batna. Un mois plus tard, très violente dispute avec un lieutenant. Condamnation de 4 à 6 semaines (?) à casser des cailloux dans un bagne semi-clandestin. Deuxième mutation disciplinaire : commando C.R.A. (centre de renseignement et d’action). Participe à plusieurs accrochages, échappe à 5 attentats, dont un très meurtrier : 8 morts et 56 blessés. Par deux fois, refuse d’être décoré. Miracle : quelques mois plus tard, il est muté au Q.G. du secteur de Batna. Contacts nombreux avec les services de renseignements : 2è bureau, D.O.P., C.R.A., etc... Participation très active à l’échec du putsch d’avril 1961. Lors de son séjour au C.R.A., a eu l’occasion de rencontrer l’équipe de la « gégène » : 4 appelés (2 fils de paysans, un séminariste et un militant de la C.G.T.), plus des militaires de carrière. Au Q.G., la hiérarchie lui demande de taper une note de service où il est question de sévices à l’égard des Algériens. Atterré, il cherche alors dans les archives et découvre d’autres documents secrets sur la torture. Il décide alors de les dérober pour témoigner devant l’histoire. Le dimanche 31 juillet 1961, il photographie une douzaine de directives, se fait surprendre par son supérieur hiérarchique et n’a donc pas le temps de photographier 2 notes de service : une du général S., commandant en chef en Algérie, et une du général M., commandant de la 10è D.P. Angoisse ! Libéré le 17 août 1961 avec une permission libérable de 44 jours ! Au mois de septembre 1961, se rend au siège du journal France Observateur où il remet ses pellicules à Gilles Martinet. Les documents photographiés paraîtront dans diverses revues et journaux, ainsi que dans les livres de Pierre Vidal-Naquet : « La raison d’Etat » et « La torture dans la république ». Quelques années plus tard, il reprend ses études supérieures : D.E.S.S. de psychologie clinique (thème du mémoire : la torture). En 1978, il réalise un film en 16mm en noir et blanc de 56 minutes : « La mort blanche ». Sortie en salles commerciales et dans les sections d’Amnesty International. Participe à de nombreux débats sur le sujet.Militant des Droits de l’Homme.
J. Inrep