La plus grande manifestation culturelle internationale en Algérie, avec 1 million de visiteurs, 300 000 titres, et cette année des hommages à Nelson Mandela et à Frantz Fanon, a été assombrie par la censure. Ouverte ou déguisée.
Ainsi je viens d’apprendre que M. Guy Dugas, professeur émérite de l’Université de Montpellier, spécialiste du domaine arabe et des minorités en Méditerranée, responsable du « Fonds Patrimoine méditerranéen », qui avait déposé le 5 octobre, une demande de visa pour la période du 1er au 5 novembre, afin de participer à l’invitation de l’Institut français d’Algérie à un hommage au poète Jean Sénac à l’occasion du 50e anniversaire de sa mort, n’a été informé que le 31 octobre à 16h.30, de l’accord des autorités algériennes pour une entrée le 2 novembre (Le consulat d’Algérie fermant à 17h. et le 1er novembre étant jour férié en Algérie et en France, le retrait du passeport était impossible avant le 2 ; invalidant ainsi les réservations faites depuis longtemps pour le 1er). Cela a été ressenti par la partie invitante et par l’invité comme une manœuvre visant à empêcher le professeur Dugas de participer à cet hommage. D’autant que dans le même temps, les Editions Koukou se sont vues refuser leur participation au SILA et que Annie Ernaux, prix Nobel 2022 de littérature, également invitée par l’Institut français, n’a pu obtenir de visa en raison de sa signature en 2021 d’une pétition en faveur du journaliste Ihsane El Kadi condamné à de la prison ferme pour avoir prôné un front commun des opposants incluant d’anciens dirigeants du Front Islamique du Salut (FIS).
Dans un texte publié le 6 janvier 2023 sur mon blog, j’avais déclaré : « Ce n’est pas en emprisonnant comme en Algérie, les auteurs de ces manœuvres malsaines - ce qui constitue une atteinte à la liberté d'expression - que l’on écartera le danger. Cela contribue au contraire à en faire des martyrs et à donner plus de poids à leurs écrits […] Cela relève du débat politique […] Le combat contre le fascisme sous toutes ses formes passe par une intransigeante et persévérante bataille des idées ».
Cette résurgence de la censure en Algérie est d’autant plus préoccupante, selon le directeur des éditions Koukou, que « des livres universellement controversés ont bénéficié d’une troublante tolérance, comme Mein Kampf, d’Adolf Hitler, ou les Mémoires de Mussolini, traduits vers l’arabe et exposés en bonne place au Sila, depuis 2016, par un éditeur égyptien. »
Les amis de l’Algérie sont légitimement inquiets et scandalisés et ils espèrent que les autorités algériennes reviendront à la raison.
Bernard DESCHAMPS
4 novembre 2023