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27 novembre 2023 1 27 /11 /novembre /2023 07:53

par Yves Verdeil.

Dernier volet du récit de mon voyage 2023 en Bolivie, le séjour à Vallegrande et La Higuera.

Malgré mes nombreux passages à La Higuera, j'ai du mal à imaginer un voyage en Bolivie sans ce détour qui représente à la fois la fidélité à la mémoire du "Che" et le témoignage de l'actualité de sa pensée et de son action. Et cette année, c'est en compagnie de mon ami Jean-Pierre Hladky, le neurochirurgien de notre équipe, que je suis revenu en ces lieux qui parlent toujours à l'histoire.

Nous sommes donc partis de Trinidad le vendredi 14 juillet au matin, après 10 jours de travail dense, nous séparant à regret de nos amies et amis,  et chirurgiens, qui nous accueillent toujours avec chaleur et générosité, pour atterrir à Cochabamba où un taxi vétuste et bringuebalant nous attendait pour nous amener à Vallegrande à 380 kilomètres.

Sur cette route à deux voies, accidentée, en perpétuels travaux, empruntant un itinéraire montagneux, le trajet dura environ 9 heures, mais il était indispensable pour se plonger dans l'ambiance de la guérilla de "Che" Guevara.

C'est en effet par cette route que les 5 survivants de la guérilla (ils étaient 6 ,mais le Bolivien Julio Mendez dit el ñato fut, pendant leur fuite, blessé à mort par l'armée) Guido Peredo (Inti), David Adriazuela (Dario),Harry Villegas (Pombo),Leonardo Tamayo (Urbano) et Dariel Alarcon (Benigno), réussirent à rallier Cochabamba depuis Comarapa, petit village où un paysan bolivien habitant à proximité les cachait, en attendant qu'ils puissent contacter ce qu'il restait du réseau urbain.

Nous eûmes, en passant les villages de Comarapa et La Siberia une forte pensée pour ces 5 hommes héroïques au-delà du concevable.

Nous arrivâmes donc à Vallegrande de nuit, par un froid surprenant et paralysant après la chaleur tropicale de Trinidad, pour rallier l'hôtel Teresita, sobre et sympathique, heureusement doté de salle de bains avec douche chaude.

Sur un mur de l'entrée de l'hôtel, figure, démarche sympathique, une page du livre de Reginaldo Ustariz Arze : "Che Guevara, vie mort et résurrection d'un mythe". Malgré cela, je pense que ce livre, qui s'égare quelque peu en reprenant l'image rebattue de la fin christique du "Che", n'apporte rien de nouveau sur sa biographie, comme sur le déroulement de la guérilla.

Après un repas du soir fait d'un énorme pique macho, et une nuit sous d'épaisses couvertures, suivie d'un petit déjeuner plutôt frugal, nous projetons de nous rendre à l'hôpital señor de Malta, sur le lavoir duquel fut étendu le corps du "Che" puis à l'aérodrome où furent enterrés dans une fosse commune, de nuit, en secret, "Che" Guevara et cinq de ses guérilleros.

C'est grâce aux révélations d'un certain général Mario Vargas Salinas au New York Times, plus de vingt ans après,  l'on put savoir l'endroit précis où ils furent ensevelis et que fut possible, par la venue de légistes et anthropologues cubains, l'identification des ossements du "Che".

Le lavoir est aujourd'hui ceint d'un mur et inaccessible au visiteur, de même que le mausolée construit depuis sur l'emplacement de la fosse commune dans l'aéroport, et il a fallu que le hasard nous fasse rencontrer sur le chemin du retour Gonzalo, le guide unique travaillant à la maison de la culture, que j'avais rencontré en 2018, pour que nous pénétrions ces lieux.

C'est toujours avec émotion que l'on se retrouve devant le lavoir où fut exposé, à partir du 10 octobre 1967, le corps du comandante, torse nu et quasi squelettique, , transporté par hélicoptère, devant lequel fut contrainte de défiler, soumise et résignée, la population de Vallegrande, sous le regard d'obscène triomphe des militaires boliviens. A même le sol près de lui,, les corps des guérilleros exécutés un peu avant lui dans la petite école de La Higuera, Simon Cuba (Willy ),et Juan-Pablo Chang(Chino).

Et c'est dans la buanderie voisine qu'on lui coupa les mains au prétexte d'identification !!

Le mausolée, construit sur la fosse commune sous la présidence de Evo Morales,, comprend les stèles avec les noms des guérilleros enterrés ainsi que les portraits de tous les combattants, dont Tamara Bunke Bider (Tania), l'unique femme de la guérilla, et avoisine un musée qui reproduit fidèlement l'histoire des combats.

C'est là qu'il est chaque année rendu hommage au Che et ses guérilleros, et que tous les 10 ans est organisée par le gouvernement une grande cérémonie internationale avec présence des dirigeants ou ambassadeurs des pays latino-américains progressistes dont bien sûr Cuba.

C'est à midi et demie que nous prenons le taxi pour La Higuera, empruntant plus de 61 km d'une piste encore par endroits caillouteuse, en soulevant un nuage continu de poussière.

Après une halte à Pucarà, pour saluer Ernesto et sa famille, Pedro et Hyadée Calzadilla, nous arrivons à La Higuera vers 16h.

Mon ami Jean Lebras, qui vit en Bolivie depuis le début des années 2000 et a acheté à La Higuera l'ancienne maison du télégraphiste qu'il a transformée en posada "la casa del telegrafista", nous attend et nous accueille toujours avec chaleur et affection, ainsi que son ancienne compagne Ode et leur fils, mon cher filleul Inti (et oui !) qui a déjà bientôt 14 ans.

Je les retrouve tous les trois avec plaisir et émotion et les présente à mon ami Jean-Pierre, ravi de faire leur connaissance.

Grâce à Jean, qui a une connaissance parfaite de l'histoire de la guérilla en ce lieu ,qui a parcouru toutes les "quebradas" (ravins) de La Higuera, qui m'en a fait connaître la plupart, dont celle du dernier campement guérillero et celle (le churo ou yuro) de la blessure et de la capture du "Che", la posada est devenue le lieu où se retrouvent régulièrement les guévaristes du monde entier, les voyageurs désireux de connaître le lieu où fut assassiné le "Che",et même des dirigeants cubains , des écrivains et des journalistes.

Et pour nous, mon ami Jean-Pierre particulièrement, la visite des lieux historiques commence dès le lendemain.

C'est d'abord la escuelita" où furent assassinés le 9 octobre 1967, vers 13 heures, "Che" Guevara, après une nuit éprouvante en raison de son asthme et de sa blessure à la jambe, et Willy, Chino et Aniceto, découvert blessé et agonisant dans le ravin puis ramené et exécuté sur le sol même de la petite école.

Il faut se représenter l'état misérable de cette école en 1967 : des murs en pisé (adobe) un toit délabré, un sol de terre battue et des bancs d'écoliers tout branlants. Un triste décor pour une exécution décidée depuis les Etats Unis, dont le bras armé fut un obscur sergent de l'armée bolivienne, que j'ai "débusqué" avec des amis à Santa-Cruz, qui vit dans la crainte de représailles et hanté par le fantôme de sa victime. Il est décédé depuis peu, dans l'oubli et certainement la déréliction.

Puis ce fut la montée vers le hameau de Abra de Picacho, un peu au-dessus de La Higuera et la descente dans le ravin du Churo.

Le nom de ces lieux résume l'histoire de la fin de la guérilla. Après l'embuscade tendue par l'armée sur trahison, qui a permis d'exterminer l'arrière -garde de Joaquin, il ne reste plus à la guérilla que 17 hommes affamés, épuisés et en guenilles qui arrivent d'abord à Abra de Picacho où ils vont camper pour la nuit.Ils boivent de la chicha (alcool fait de maïs fermenté) en l'honneur de l'anniversaire d'in des leurs.

C'est au petit matin qu'ils descendent à La Higuera où habite alors un télégraphiste (d'où le nom de la posada) chargé de renseigner l'armée cantonnée à Vallegrande sur la présence des guérilleros.

Après l'avoir neutralisé et sectionné les fils du télégraphe, ils reprennent leur chemin mais subissent d'emblée une attaque de l'armée au cours de laquelle 2 d'entre eux sont abattus ( Coco Peredo et Miguel Hernandez ) et un troisième, Benigno gravement blessé à l'épaule en portant Coco blessé mortellement.

Et de là les survivants descendent dans les quebradas bordant La Higuera, où ils vont errer près de 2 semaines, assoiffés et épuisés avant d'être aperçus par un paysan, à l'aube, colonne fantomatique qui traverse son champ, lequel s'empresse de les dénoncer contre récompense .

C'est le lendemain au matin que commencent les derniers combats

(Guevara confie alors à Benigno que cette journée sera la dernière)

qui s'achèvent par la capture du "Che" et ceux qui l'entourent, Willy et Chino.

Les autres guérilleros sont pourchassés jusqu'au Rio Grande et meurent sous les balles de l'armée.

C'est la fin de la guérilla.

Les 6 puis 5 guérilleros survivants mentionnés plus haut vont, au prix d'un héroïsme proprement inouï, réussir à rompre l'encerclement, rejoindre Cochabamba puis La Paz grâce à ce qui reste du réseau urbain. Les 2 Boliviens, Inti et Dario, vont rester en Bolivie où ils reprendront le combat en 1969 mais mourront à La Paz victimes d'un piège tendu par l'armée.

Les 3 Cubains, Benigno, Pombo et Urbano, après avoir rallié le Chili par l'Altiplano, arriveront à Cuba, après un voyage interminable qui les fera transiter par Tahiti.

Avec la visite des ultimes théâtres des affrontements de la guérilla vaincue par une armée inévitablement victorieuse par sa supériorité numérique, avec le récit de sa fin tragique après laquelle le "Che" est entré dans la légende, s'achève notre séjour à La Higuera.

Nous devons être le 19 juillet à Santa-Cruz,et nous avons prévu de partir de bon matin. Mais notre taxi est pessimiste quant à notre arrivée en raison d'un bloqueo (un de plus) organisé par les riverains d'un village situé 30km avant notre destination.

Nous nous séparons de Jean, Ode et Inti dans l'émotion, avec fuertes abrazos et promesses de retour, et prenons la route dans l'incertitude.

Il faut finalement toute la connaissance des lieux et l'habileté de notre chauffeur à contourner les obstacles, pour arriver de nuit à notre hôtel, avec plus de 3 heures de retard. Mais peu importe, nous sommes rendus !

Après une dernière soirée passée en compagnie de nos amies et amis médecins résidant à Santa-Cruz, nous préparons nos bagages.

Demain, c'est le départ pour la France via Madrid et Barcelone.

Ici s'achève mon récit 2023.

Merci de votre patience.

Un fuerte abrazo, venceremos !!

 

JE REVIENS DE BOLIVIE (3)
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commentaires

S
magnifique voyage merci de nous l'avoir fait partagé
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C
merci pour ce partage !
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