Jeune Afrique
"Après une troisième réunion, dix historiens français et algériens suggèrent l’établissement d’une chronologie des crimes coloniaux et la restitution des biens de l’émir Abdelkader.
Aux dernières travées d’une année 2023 au cours de laquelle les relations France-Algérie ont fait grincer quelques incisives, au rythme du cha-cha-cha diplomatique Macron-Tebboune, la Commission mixte sur la colonisation tente de se frayer un chemin à perspective historique. Même si les moyens mis en œuvre ne semblent pas suffisants, tant aux dires des historiens algériens que de leurs collègues français, l’aréopage progresse, conscient qu’il marche sur des œufs, tentant d’extraire aux tabous les points de convergence.
Logique des restitutions
Chargée, depuis août 2022, de faire la lumière sur le passé commun des deux pays, du début de la colonisation à la fin de la guerre d’indépendance, la commission s’est réunie pour la première fois en Algérie, à Constantine il y a quelques jours. La rencontre suivait une visioconférence en avril, et une réunion parisienne, en présentiel, en juin. Les dix historiens viennent de rendre publiques leurs recommandations.
Plus de six décennies après les accords d’Evian, les membres de la commission suggèrent la poursuite académique de « la réalisation d’une bibliographie commune des recherches et des sources imprimées et manuscrites sur le XIXe siècle » et la mise en œuvre d’un « programme d’échange et de coopération scientifique comprenant des missions d’étudiants et de chercheurs algériens en France et de missions françaises en Algérie pour consulter les archives ». L’objectif est l’établissement d’une chronologie consensuelle des crimes coloniaux. Du moyen terme – voire long terme – qui ne surprend guère, mais qui a le mérite d’opposer aux filigranes politiciens le sérieux de démarches universitaires.
Pour ne pas faire bâiller avec du pur intellectualisme, les commissaires ont dû recommander des actes plus prosaïques et potentiellement porteurs de court terme, suggestions inscrites dans la logique des restitutions qui jalonnent déjà le calendrier culturel franco-africain. Les historiens français et algériens proposent notamment la restitution à l’Algérie de « tous les biens symbolisant la souveraineté de l’État » de l’émir Abdelkader ibn Muhieddine, acteur mythique de la lutte anticoloniale à qui l’on attribue les prémices d’un État algérien. Les débats devraient continuer sur le renvoi, en Algérie, de documents numérisés, de rouleaux, d’archives, d’un certain nombre de crânes de résistants et d’autres restes du XIXe siècle susceptibles d’être identifiés.
Certes, les commissions de cet acabit ont des avis essentiellement consultatifs qui doivent passer à la moulinette des interprètes politiques. Rendez-vous aux prochaines réunions…