L’Assemblée générale de l’association d’amitié France-El Djazaïr qui s’est tenue le 8 mai, après avoir rappelé l’importance de cette date historique pour l’Algérie et approuvé à l’unanimité le rapport moral et le bilan financier présentés par son président, a renouvelé le Conseil d’administration et sa confiance au Président Oucine Benchouyeb.
Ci-dessous l’allocution que j’ai prononcée à cette occasion.
Bernard DESCHAMPS
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Notre AG se tient à quelques semaines de la visite d’Etat qu’effectuera le Président Tebboune en France, durant la 2e quinzaine de juin.
Ce sera que la neuvième visite officielle en France, d’un président algérien, depuis celle du Président Chadli Bendjedid en 1983 ; dont sept effectuées par le Président Abdelaziz Bouteflika.
C’est chaque fois un évènement. Selon le quotidien L’expression proche du pouvoir : « Les deux hommes vont parler coopération, partenariat, codéveloppement. Il ne sera pas question de guerre, de colonisation.» Ce qui n’est pas sans inquiéter les anciens mudjâhidûn et les anticolonialistes.
Comment caractériser l’Algérie d’aujourd’hui, ce pays et ce peuple qui nous sont chers ?
Je distingue trois époques dans l’histoire de l’Algérie depuis l’Indépendance. La première, de 1962 à la mort de Houari Boumediene en 1978. C’est la phase socialiste, sous la direction du parti unique FLN, au cours de laquelle l’Algérie s’affirme et décolle économiquement, socialement, culturellement. La seconde, couvre en gros les quatre mandats du Président Bouteflika. C’est la phase de l’ouverture au pluralisme politique et de la conversion à l’économie de marché codifiée dans la Constitution, avec l’essor d’une bourgeoisie algérienne nationaliste encouragée et aidée financièrement par l’Etat, et dans le même temps le maintien d’un important secteur public. Période cruellement marquée par la guerre civile déclenchée par les intégristes islamistes responsables de quelque 200 000 morts et le retour à la paix grâce à la Charte pour la Paix et la Réconciliation nationale approuvée par référendum et promulguée par le président Bouteflika. Depuis 2019 et l’immense mouvement populaire, pacifique et enthousiaste, le hirak, l’Algérie - selon le sociologue Saïd Belguidoum - est entrée avec le président Tebboune, dans une troisième phase d’accélération de l’ouverture au capitalisme mondial. La règle du 51/49 qui imposait que les capitaux algériens soient majoritaires dans les entreprises privées a été abrogée, afin d’encourager les investissements étrangers en Algérie, et plusieurs lois récentes permettent désormais au capital privé de prendre des participations dans les entreprises publiques algériennes.
Selon le FMI et autres organismes internationaux, le chômage était officiellement de 11,4% à la fin de l’année 2022 et le taux d’inflation de 9,7%. Le SMIG mensuel est depuis le 1er juin 2020 de 20 000 dinars soit 134,43 €. Un pain de 500g coûte entre 0,1 et 0,7 € et le litre d’essence sans-plomb, 0,30€.
Contrairement à une image malveillante répandue par de nombreux média français, l’Algérie n’est pas une dictature, mais un régime présidentiel que l’on peut qualifier d’autoritaire. Les syndicats et les démocrates algériens dénoncent plusieurs lois récentes qui limitent le droit syndical et le droit de grève. Pour sa part, Amnesty international pointe les atteintes à la liberté des journalistes et la condamnation à la prison de militants du hirak par les tribunaux, tandis que plusieurs journaux privés de publicité d’Etat ont récemment disparu. Cette situation préoccupante a été dénoncée au cours des manifestations syndicales qui se sont déroulées le 1er mai en Algérie, où la Journée internationale des travailleurs est officiellement commémorée.
Dans le prolongement de la tradition instaurée à l’Indépendance, l’Algérie continue de pratiquer une active politique de paix et de coopération au plan international. Elle vient à nouveau de remporter deux succès diplomatiques importants, pour lesquels le ministre Ramtane Lamamra a joué un rôle décisif. D’une part, en faveur de l’unité des organisations palestiniennes face à Israël et, d’autre part, pour le soutien apporté , les 1 et 2 novembre, par le Sommet des pays de la Ligue arabe, à un Etat Palestinien souverain , dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale, au côté de l’Etat d’Israël. Face aux prétentions hégémoniques du Maroc, l’Algérie, conformément à la position de l’ONU, soutient le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, et elle a un rôle important de médiateur en Afrique, notamment en Lybie, et au Mali avec l’Accord d’Alger de 2015. Elle condamne le blocus étatsunien de Cuba. Le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique-du-Sud voient d’un œil favorable sa demande d’adhésion aux BRICS.
L’Algérie et la moitié des nations africaines, étaient parmi les 35 pays sur 193, qui, ne se considérant pas concernés par le conflit entre la Russie et l’Occident, se sont abstenus le 2 mars 2022 sur la Résolution de l’Assemblée générale de l’ONU condamnant l’agression de l’Ukraine par la Russie.
L’islamisme intégriste est en recul, mais, au sein de l’Assemblée populaire nationale, il apparait comme la seule opposition au pouvoir, en l’absence des partis de « gauche » et progressistes qui ont refusé de présenter des candidats à l’élection législative de 2021, alors que plusieurs d'entre eux étaient présents dans les précédentes législatures.
Tel est ce pays de 42 millions d’habitants, dont le président sera reçu en France le mois prochain.
Bernard DESCHAMPS