(Photo journal l'Humanité)
LE MONDE AFRIQUE
Le Monde avec AFP
Publié le 20 mars 2023 , mis à jour le 20 mars 2023
Enfin libre. Otage depuis sept cent onze jours au Sahel, le journaliste Olivier Dubois a été libéré, lundi 20 mars. Travaillant à la pige – à l’article – pour le quotidien Libération et pour les hebdomadaires Le Point et Jeune Afrique, le journaliste indépendant avait été enlevé à Gao, dans le nord du Mali, le 8 avril 2021, où il s’était rendu pour interviewer un cadre jihadiste.
Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux le 5 mai 2021, le Français, qui vit et travaille au Mali depuis 2015, se disait entre les mains du Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (GSIM), une alliance djihadiste au Sahel, liée à Al-Qaida. Olivier Dubois était le seul otage français recensé non retenu par un Etat dans le monde depuis la libération, en octobre 2020, de Sophie Pétronin, également enlevée au Mali.
Près d’un an après son enlèvement, une deuxième vidéo d’Olivier Dubois avait été diffusée le 13 mars 2022 sur les réseaux sociaux, sans précision de la date à laquelle les images avaient été tournées. Dans la vidéo, l’otage, qui semblait en bonne santé, s’était adressé à sa famille et au gouvernement français en demandant de « continuer à faire son possible » pour sa libération.
Le journaliste, père de deux enfants, mentionnait également les messages de ses proches, qualifiés de « bouffées d’air frais », qu’il recevait par Radio France internationale (RFI). Mais la junte malienne a suspendu le 17 mars 2022 la diffusion de RFI et de la chaîne de télévision France 24 dans un contexte de tensions avec la France.
Emmanuel Macron a exprimé lundi son « immense soulagement », promettant que le journaliste serait « bientôt de retour en France ». « Je viens d’échanger avec Olivier Dubois : il est en bonne santé. Soulagement immense pour la Nation, pour ses proches et ses confrères journalistes », a-t-il tweeté, faisant part de sa « grande reconnaissance au Niger pour cette libération ».
Depuis sa capture, plusieurs actions avaient été menées par ses proches et des soutiens à la liberté de la presse pour sensibiliser à sa condition d’otage, notamment à travers plusieurs manifestations, des tribunes ou encore une pétition.
« Je me sens fatigué mais je vais bien », a-t-il déclaré à sa descente de l’avion, souriant et visiblement ému. « C’est énorme pour moi d’être là, d’être libre, je voulais rendre hommage au Niger pour son savoir-faire dans cette mission délicate et rendre hommage à la France et à tous ceux qui m’ont permis d’être là aujourd’hui », a-t-il ajouté devant plusieurs journalistes.
Libération de l’humanitaire américain Jeffery Woodke
La nouvelle de sa libération est un « immense soulagement » après cette captivité de presque deux ans, « la plus longue pour un journaliste français retenu en otage depuis la guerre au Liban », s’est félicitée Reporters sans frontières (RSF). « Nous avions eu des nouvelles rassurantes à plusieurs reprises ces derniers mois, et encore très récemment : il semblait en bonne forme, mais la durée de sa captivité nous inquiétait », a commenté le secrétaire général de RSF, Christrophe Deloire.
Le 19 août dernier, le gouvernement français avait assuré rester totalement engagé pour sa libération, malgré la fin de l’opération militaire « Barkhane » au Mali. « Tous les efforts sont déployés pour obtenir la libération de notre compatriote », insistait alors François Delmas, porte-parole adjoint des affaires étrangères, près de cinq cents jours après l’enlèvement du journaliste.
Après plus de six ans de captivité, l’Américain Jeffery Woodke est lui aussi apparu libre lundi à l’aéroport de Niamey, présent aux côtés d’Olivier Dubois. Cet humanitaire chrétien venait en aide aux populations nomades avec une ONG à Abalak au Niger, avant d’être enlevé le 14 octobre 2016 par des groupes jihadistes et conduit au Mali selon des sources sécuritaires nigériennes. Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, s’est dit « satisfait et soulagé » sur Twitter, remerciant le Niger pour « l’aide apportée ».
« Les otages ont été récupérés sains et saufs par les autorités nigériennes avant d’être remis aux autorités françaises et américaines », a déclaré lundi à l’aéroport, le ministre de l’intérieur nigérien, Hamadou Souley.
_______________________________
« Vers un armistice des braves ? »
Au-delà de la question d’une éventuelle rançon, le quotidien Aujourd’hui, toujours à Ouagadougou s’interroge : « quand des terroristes libèrent un prisonnier français, de surcroit un homme de médias, surtout si ce groupe est le GSIM, il y a bien des raisons à cette mansuétude. Le GSIM est-il en posture d’une main tendue au Sahel ? On a vu un Iyad Ag Ghali, son patron, recevoir l’allégeance de groupes terroristes, discuter avec des envoyés de la CMA et du GATIA… ». Alors « va-t-on vers un armistice des braves ? », s’interroge encore Aujourd’hui. « Pourquoi les hommes de Iyad Ag Ghali ont-ils finalement libéré Olivier Dubois ? Le GSIM est-il disposé à dialoguer avec le Mali, le Niger et le Burkina, lui qui sévit dans ces 3 pays et qui est en butte avec les hommes de l’EIGS d’Al-Sahraoui ?
_______________________________
Le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) est une organisation militaire, d'idéologie salafiste, formée le 1er mars 2017. Il est né de la fusion d'Ansar Dine, des forces d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) dans le Sahel, de la katiba Macina et de la katiba Al-Mourabitoune. Il a prêté allégeance à Ayman al-Zawahiri, l'émir d'al-Qaïda et à Abdelmalek Droukdel, l'émir d'AQMI. Iyad Ag Ghali a été désigné comme le chef de ce mouvement. B.D.