Ô TEMPS, SUSPENDS TON VOL !
… et vous, heures propices, suspendez votre cours ! Laissez-nous savourer les rapides délices des plus beaux de nos jours !
Passer en quelques jours des années 60 dans la Casbah d’Alger à un concert de Julien Doré à Bercy est une expérience vertigineuse. Comme un saut dans le futur. C’était le cadeau d’anniversaire de mes petites filles Annélie et Cécilia pour mes 90 ans. J’avais eu l’imprudence de leur dire que je suis sensible au timbre de voix du chanteur et je me retrouve plongé dans un chaudron de 40 000 places pour accueillir l’enfant des Cévennes gardoises. Le sentiment d’être un dinosaure égaré dans un siècle qui n’est pas le sien. Ce fut une belle soirée. Un peu déstabilisé par la première partie en «showman», mais conquis à nouveau quand il reprend ses chansons les plus intimistes en s’accompagnant lui-même au piano dont il joue fort bien. Avec un moment très émouvant, Elle est pas belle la vie ? avec la participation d’une partie du groupe d’autistes qui l’avaient interviewé pour l’émission télévisée Les Rencontres du Papotin.
Julien Doré est un authentique poète qui cisèle les mots,
Je suis la courbe bleue tangible
Je suis l’herbe puis le vent
Tant mieux si ce soir je vous quitte
Je prends l’exil des corbeaux blancs
LE REGARD D’EDVARD MUNCH SUR LUI-MÊME
J’ai profité de cette escapade à Paris pour aller voir l’exposition Munch au Palais d’Orsay. J’ai été scotché par ses autoportraits. Il en a réalisé quelque 200. Impressionnant. Dans diverses situations, avec un regard sans concession sur lui-même. Une lucidité effrayante, non seulement sur son aspect physique mais également et surtout sur son moi intérieur. Dans la continuité des variantes du célèbre tableau Le cri, « Je sentis un cri infini qui passait à travers la nature ». La mélancolie, l’angoisse qu’expriment Nuit blanche. Autoportrait au tourment intérieur (1920) et Promeneur nocturne (1923-24). L’insatisfaction dans L’artiste et son modèle (1919-21). La dérision dans Autoportrait, réalisé à la suite d’une hémorragie de l’œil (1940-43). La jalousie dans Jalousie (1907).
Par contre, ses paysages, très colorés, sont apaisés, empreints de joie de vivre, Danse sur la plage (1899-1900), L’été au parc (1904), Alma Mater (1929), Les Dames sur le pont (1934-40).
SAINTE LUCIE
Mes petites filles, dont les parents ont habité Stockholm et dont la maman est finlandaise et de culture suédoise, n’auraient pour rien manquer la Sainte Lucie – la fête de la lumière - célébrée chaque année en Suède le 13 décembre, mais avancée au samedi 10 par l’Eglise suédoise d’obédience luthérienne de Paris 17e.
Ce fut un moment de grande douceur.
Menant la procession, Lucie est suivie des demoiselles d'honneur, des garçons d'honneur ou garçons étoilés et de bonhommes de pain d’épice. Des enfants participent à la procession. Lucie porte une couronne de bougies sur sa tête. Les demoiselles d'honneur, tout de blanc vêtues comme Lucie, arborent une couronne décorée de paillettes colorées..
Les garçons également vêtus de blanc, ont des chapeaux coniques et portent des baguettes ornées d’étoiles. Les hommes de pain d’épice porteurs de lanternes sont vêtus d’un costume complet de pain d’épice agrémenté de glaçage blanc.
La procession s’avance en chantant vers le chœur où sera donné un récital de chants traditionnels,
« La nuit avance à pas lourds
Autour de la cour et de l'âtre
Alors que le soleil quitte la terre,
Les ombres menacent.
Là, dans notre maison sombre
Marchant avec des bougies allumées
Sainte Lucie, Sainte Lucie !
La nuit avance fortement et en silence
Ecoutez maintenant ses ailes
Dans chaque pièce si silencieuse,
Murmurant comme des ailes.
Regardez, sur notre seuil se tient,
Habillée de blanc, de la lumière dans les cheveux,
Sainte Lucie, Sainte Lucie !
L'obscurité s'envolera bientôt
Des vallées de la terre.
Aussi nous dit-elle
Un mot merveilleux :
Un nouveau jour se lèvera à nouveau
Du ciel rose…
Sainte Lucie, Sainte Lucie !
Il faisait froid à Paris en ce mois de décembre. Heureusement nous avions pu nous réchauffer à midi en dégustant un bouillon Julien.
ALLEZ ! LA FRANCE.
Changement de décors, Charles le compagnon de Cécilia avait donné rendez-vous à des amis dans un bar pour voir le match Angleterre/France. Encore une expérience nouvelle pour moi, à laquelle je me suis prêté de bonne grâce, comme Annélie d’ailleurs qui n’est pas passionnée de foot. Sympas, la famille et les amis qui m’avaient réservée la meilleure place en raison de mes yeux fatigués. Et alors, nous sommes passés de la joie à l’inquiétude puis à l’enthousiasme de la délivrance dans une atmosphère survoltée. Mais il s’en est fallu d’un poil. C’est autre chose que vautré dans le fauteuil du salon. C’est à vivre. Mais ce n’est plus de mon âge. La France affrontera le Maroc en demi-finale. C'est Adil le mari d'Annélie qui va être heureux.