Sur les routes de la soie
(Dernières modifications, le 24 juillet à 13h.)
Cela allait de soi au pays des magnaneries. Pour son 10e anniversaire, la Fête de l’Alto nous conduit en Chine à la découverte de compositeurs contemporains résolument engagés dans un dialogue musical entre l’Orient et l’Occident : XU SHUYA, 61 ans, qui a fondé le Centre informatique et multimédia au Conservatoire de Musique de Chine à Pékin en 2002 ; XU YI, 59 ans, Prix de Rome en 1996 ; CHI FENG HUANG, 42 ans, formée à la Julliard School et qui réside à New York ; XIAOFU ZHANG, 68 ans, la figure la plus importante de la musique électronique en Chine ; LAMPO LEONG, 61 ans, peintre calligraphe artiste multimédia, professeur émérite Weiner à l'Université des sciences et technologies du Missouri , ainsi que Marc BATTIER, 75 ans, professeur émérite de musicologie à l'université Paris-Sorbonne et compositeur de musique électroacoustique.
Madame XU YI, qui honore cette soirée de sa présence à Lasalle, sera ovationnée par le public venu nombreux dans le Temple récemment rénové.
En ouverture, le percussionniste Thierry MIROGLO, professeur au Conservatoire Darius Milhaud à Paris, qui dispose d’une impressionnante batterie d’instruments, un véritable orchestre : marimba, gongs de différentes tailles, grosse caisse, toms, cymbales, des bois, des timbales, une amphore, des clochettes, un triangle et un synthétiseur, dont il va jouer en se déplaçant de l’un à l’autre pour interpréter « Paysage d’hiver n°2 » de XU SHUYA. Aux notes cristallines du synthétiseur, aigües comme des stalactites, se superpose la voix profonde des gongs dont les ondes se prolongent. Le froid, la glace, l’éclat de la neige, le bleu du ciel et l’ombre des rochers du Mont Hua, contrastes de l’hiver.
Première des deux compositions de XU YI, nous découvrons « Saveur » qui marie les sons des percussions et la danse par la soliste internationale Sophie Jegou formée à l’Ecole de danse de l’Opéra de Paris. Le synthétiseur aux sonorités successivement amères, aigres, douces, acides, salées et sucrées, illustre parfaitement les correspondances entre le goût et les sons auxquels la danse donne chair.
De XU YI, nous découvrirons également « Trois rotations » par Pierre-Henri XUEREB à l’alto, Thierry MIROGLIO aux percussions et la danseuse Sophie JEGOU qui est titulaire d’une licence de philosophie. Ce qui était sans doute de nature à la rapprocher de XU YI adepte du taoïsme, la philosophie de la sagesse, de l’harmonie, de la spontanéité, du paradoxe, démarche intellectuelle sous- jacente dans cette partition. Celle-ci est librement inspirée du Èrrénzhuàn ou rotation à deux personnes, danse et chant folkloriques du nord-est de la Chine, impliquant généralement deux interprètes, un homme et une femme. En l’occurrence, l’altiste et le percussionniste dans un duo illustré par la danse et qui débute par un long chant profond de l’alto dont le bavardage est relayé de façon espiègle au marimba et comiquement interrompu par la grosse caisse, avant que l’alto reprenne l’initiative par des sons étonnamment rauques tirés du corps même de l’instrument.
« Sublimation » de CHI FENG HUANG, puise dans le folklore chinois pour nous offrir au marimba une traduction musicale avant-gardiste de la richesse de nos émotions incarnées par la danse acrobatique de Sophie Jégou. Femme ou serpent ? Quelle est cette forme qui subrepticement s’avance par reptations à nos pieds ? Puis se relève sur un roulement de caisse et se déploie tandis que déferlent les notes ensorceleuses du marimba; ondule, roule et pivote et culbute. S’accroupit et s’élance. Et s’arrête soudain interrogative alors que des clochettes appellent à la méditation. Le gong la relance et l’enflamme et l’entraîne dans une danse endiablée qui occupe tout l’espace et dont la gestuelle n’est pas sans rappeler le mouvement des membres de « L'arachnide fabuleux » immortalisé par Louise Bourgeois. Avant qu’elle ne reprenne forme humaine et disparaisse dans l’ombre avec son mystère.
Le compositeur français Marc BATTIER exprime à sa manière l’âme chinoise à travers la richesse sonore de la partition de « Proxima», mêlant sons électro-acoustiques et percussions, cymbales, amphores, gongs et clochettes comme un appel lointain descendu d’un monastère perdu dans la montagne.
Il appartenait au maître des arts multimédias LAMPO LEONG, de terminer la soirée, avec le renfort de YIAOFU ZHANG, en projetant les deux vidéos de « Métamorposis » qui marient sons, images et danse. Le calligraphe avait pour un temps abandonné l’alphabet chinois pour nous présenter de longues séquences de volutes de fumées (d’opium ?) dont les circonvolutions communient avec l’accompagnement sonore psychédélique.
Cette première soirée augure bien de la 10e Fête de l’Alto qui se déroulera du 20 au 27 août (Lasalle, Saint-Christol-les-Alès, Saint-Jean-du-Gard et Saint-Martin-de-Corconac) et à laquelle je serais heureux de vous y rencontrer.
Bernard DESCHAMPS
*Les sentiments et impressions exprimés dans ce texte sont strictement personnels, à partir de mon état d'esprit du moment. Je conçois tout à fait que d'autres spectateurs aient un vécu différent.BD