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8 mai 2022 7 08 /05 /mai /2022 05:30

El Moudjahid

8 mai 2022

Afin que la mémoire n’oublie pas. Les habitants de Sétif dont le cri du sang et de la liberté fut porté en ce mardi 8 mai 1945 dans les contrées lointaines de Kherrata, Amoucha, Ain El Kebira, El Ouricia et Beni Azziz commémorent dans la dignité et non sans un profond sentiment de fierté, les moments douloureux d’un crime resté impuni.

En cette matinée du mardi 8 mai 1945, jour hebdomadaire de marché, il y avait foule à Sétif. Le soleil printanier dardaient ses rayons sur les toits et ravivaient l’espoir de nombreux citoyens venus des plusieurs coins de ce département pour faire leurs emplettes, vendre, acheter ou faire du troc, mais surtout aux dernières nouvelles de la cité. Le mot d’ordre est donné et des milliers d’Algériens se regroupent à proximité de la mosquée «Abou Dher El Ghiffari» édifiée grâce à des fonds recueillis auprès de citoyens algériens.

La foule compacte qui gagne de plus en plus les quartiers environnants de cette mosquée est aussitôt désarmée, même de ses cannes, par des militants du mouvement national : «Nous voulions montrer une grande force sans l’utiliser », me confiait un jour Abdelkader Yala, responsable du groupe des scouts, qui avançait en tête de cet immense cortège.

Au fur et à mesure des minutes, la foule qui prend des proportions importantes attire l’attention de la police dont les responsables avisent aussitôt le sous-préfet qui convoque dans son cabinet des responsables algériens marqués politiquement, maître Mostefai, avocat au barreau de Sétif membre influent du Bureau des «Amis du manifeste», Hassene Belkhired, président des Scouts musulmans El Hayat, Haffad Hocine conseiller municipal et président de la section des «Amis du manifeste de Sétif», Guenifi Mahmoud, membre du bureau.

Algérie libre

A l’origine de cette interpellation, le commissaire central Torre, chef de la police d’état de Sétif. Les quelques responsables algériens sont alors soumis à un interrogatoire intimidant : «Si c’est pour fêter l’armistice pourquoi ne vous joignez-vous pas à nous et la fête n’en sera que plus grande», dira le sous-préfet qui reproche à ces responsables «d’exposer des enfants scouts à un danger certain», s’inquiétant du caractère de cette marche. Les responsables algériens rétorquent alors qu’il s’agit d’un jour de marché et la présence d’une forte affluence est toute indiquée pour marquer l’événement, sans jamais renoncer à l’idée de faire entendre pacifiquement la voix de l’Algérie.

Vers 9 heures, le haut fonctionnaire français donne son accord, au moment où des milliers d’Algériens sont déjà rassemblés devant la mosquée Abou Dher el Ghiffari et les environs, encadrés de plusieurs militants parmi lesquels Merad Ali, Ould Braham Lamri, Talbi Salah, Bentoumi Bouzid, Lakhdar Taarabit et Bella Slimane. Le cortège s’ébranle précédé par les jeunes Scouts musulmans El Hayet avec Abdelkader Yala et à ses cotés Sabri Seghir. La foule débouche sur les actuelles avenues 8-Mai 1945 et 1er-Novembre, brandissant les drapeaux des pays alliés avec l’emblème national en tête. Sur les différentes banderoles on pouvait lire «Algérie libre», «Vive la charte de San Franscisco», «Libérez les détenus politiques» et d’autres slogans à portée politique hautement significative. Main dans la main, les artisans évoluent en rangs ordonnés et chantent «Min Djibalina» et «Hayou Chamel», et arrivent tout doucement à proximité de l’ancien café de France où l’irréparable est commis par la police française dont les éléments sont dissimulés à l’intérieur du café, dans les bars et à l’intérieur des voitures stationnées aux environs.

La chasse à l’arabe

Les manifestants sont alors pris à partie et le commissaire Olivieri offusqué à la vue de l’emblème national ordonne que l’on abaisse les couleurs nationales et les banderoles. Sans hésitation aucune, un refus lui est catégoriquement opposé. C’est alors qu’il dégaine son revolver et tire. Un jeune homme atteint mortellement à la poitrine s’écroule. Saâl Bouzid à peine âgé de 22 ans est ainsi le premier martyr. Des «Tahia el Djazair» s’élèvent dans le ciel et de vibrants youyous s’en suivent. Cet assassinat sonne la charge d’une répression barbare, la chasse à l’arabe est menée par les troupes françaises, Sétif est à feu et à sang. L’écho sanglant de «Mai» est porté à Ain el Kebira, Kheratta, Amoucha, Tizin Bechar, Beni Azziz, El Ouricia et plusieurs autres localités par les citoyens venus dans la matinée faire leur marché. Dans son rapport, le commissaire Tort souligne : «La population européenne estime qu’à ce jour la répression est nettement insuffisante pour Sétif. Elle réclame des armes pour assurer sa sécurité et se faire justice». Le lendemain à 13 heures l’état de siège est décrété, les prisons et casernes sont bondées d’Algériens et les troupes du général Duval qui se déplace à Constantine transforment Sétif en une morgue à ciel ouvertt. 

F. Zoghbi

(Photo Kherrata: Bernard Deschamps)

 

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