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25 avril 2022 1 25 /04 /avril /2022 07:41

Ce nouveau roman de Jérôme Leroy (La Manufacture de livres, février 2022) est passionnant, mais je ne suis pas certain qu’il réconcilie les lecteurs avec la politique. Car c’est  un roman  politique. Un roman policier politique qui, à l’instar de Vivonne dont j’ai rendu compte sur ce blog (www.bernard-deschamps.net, 8 février 2021), nous brosse,  à partir  de faits et de personnages réels toujours vivants, un tableau peu reluisant de notre société.

Le Président de la République française, dont la cote de popularité est au plus bas, ne se représentera pas. L’allusion est claire, mais en l’occurrence il s’agit d’une présidente, Nathalie Séchard, «  la cinquantaine rugissante », qui laisse à l’issue de son mandat « un pays riche peuplé de pauvres ». Des pauvres qui se révoltent, ce sont les Gilets Jaunes durement réprimés ainsi que les antivax par son ministre de l’Intérieur. Après moult rebondissements scabreux, c’est un officier supérieur à la retraite, proche de l’extrême-droite, qui sera élu. J’écris cet article le jour même du vote du 2e tour de l’élection présidentielle. Foi de mécréant, « Dieu nous garde » qu’il en soit ainsi dans la réalité!

Nathalie Séchard, issue de la gauche socialisante, avait, dans son gouvernement « Nouvelle société », réussi à marier la carpe et le lapin. Aux côtés du falot premier ministre Vendenesse, une amie personnelle, Emilie Darthèze, ministre sans pouvoir  de la Défense et des Forces armées ; Patrick Beauséant  une prise de guerre venant de la droite dure, ministre de l’Intérieur, un intriguant qui sera candidat à sa succession ; un doux rêveur écolo Guillaume Manerville, ministre de l’Ecologie Sociale et Solidaire qui mangera son chapeau tout au long du mandat présidentiel mais  sera cependant également candidat - sans enthousiasme - sur l’insistance de Séchard… Et les coups tordus se succèdent entre les candidats à la succession. Emilie Darthèze est tuée dans un attentat maquillé en attentat islamiste, de même que Lucien Valentin, le « nègre » de Beauséant qui a découvert un secret qui met en péril l’avenir de son patron. Clio, la fille de Manerville sera menacée d’enlèvement  et de séquestration par Beauseant qui en fin de compte sera mis hors course grâce à un magistrat intègre Deville et sur dénonciation de Marité l’épouse du fils du ministre  et amante de Lucien Valentin.

Intègres, peu de personnages du roman le sont. Ce sont des idéalistes comme Manerville ou Valentin qui ne sont pas de force à résister aux intrigues des « tueurs ». Même le juge Deville qui envoie Beauséant en prison, ne pourra éviter l’élection de l’ancien général Peyrade soutenu par l’Association, un groupe occulte de comploteurs de haut rang.

Dans l’ombre, loin des regards, évolue une faune haute en couleurs de tatoués couverts de cicatrices terriblement inquiétants, membres ou à la marge des services secrets, qui enlèvent, tuent, torturent, mutilent, sous- traitent des attentats à des sous-traitants qui sous-traitent eux-mêmes afin de préserver l’identité des décideurs politiques. La lieutenante Corentin au regard froid qui poignarde Lucien Valentin sans état d’âme. Peyrade-le-jeune, fils du général et organisateur des basses œuvres pour le compte de Beauséant son parrain. Abel Caliban ancien compagnon d’armes de Beauséant au 2e REP et qui sera éliminé par ses propres ami-es. On assiste également aux exploits d’un groupe de pieds nickelés du Bloc patriotique d’extrême-droite ; les AVA-Zéro pour Assaut-Viking-Année Zéro. Dans cette galerie de reîtres, le « Capitaine » se distingue. Ami d’enfance de Manerville et de Pauline l’épouse décédée de ce dernier, qui ont fait serment de rester fidèles et de s’entraider. C’était un petit voyou qui a fait de brillantes  études  et s’est engagé dans l’armée avant de devenir un agent secret. Il a traîné ses guêtres dans divers territoires d’opérations extérieures (OPEX)…Revenu en France, en semi retraite, chef d’une milice armée de protection d’une résidence hyper sécurisée, Alphaville, il veille sur Clio  la fille de Manerville, dont on apprendra qu’il en est le père génétique. Cultivé, ses planques secrètes sont situées dans des lieux qui ont été fréquentés par des écrivain-es célèbres. Il réchappera au nettoyage par le vide entrepris par ses adversaires, grâce à l’intervention de Clio, l’intellectuelle  à qui il a appris le maniement des armes.

Beauséanr en prison, Manervile obtient 15% des suffrages, comme la candidate du  Bloc patriotique, Agnès la fille du vieux Dorgelles, et Peyrade, le général comploteur  est élu au premier tour avec 50,2% des voix. « En quelques années, la France sombre, comme la plupart des pays européens dans une manière de fascisme soft qui permet, face aux nouvelles épidémies et aux nouvelles catastrophes climatiques, de maintenir l’ordre en sacrifiant les libertés, sauf celles de la circulation des marchandises.»

« Une manière de  fascisme soft » ? L’histoire nous apprend que le fascisme n’est jamais soft. Curieuse conclusion du livre de Jérôme Leroy qui par ailleurs est un bon polar à défaut d’être un manifeste politique.

Bernard DESCHAMPS

24 avril 2022

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