mercredi 6 avril 2022
21h49
Blaise Compaoré, Gilbert Diendéré et Hyacinthe Kafando condamnés à la prison à vie
L’ex-président Blaise Compaoré, en exil à Abidjan, a été condamné, ce mercredi 6 avril 2022, à la prison à vie dans le procès sur l’assassinat de Thomas Sankara et douze de ses compagnons. Même condamnation pour le général Gilbert Diendéré et le fugitif Hyacinthe Kafando. Le président de la Chambre a prononcé la déchéance des décorations de tous les accusés condamnés ayant bénéficié d’une ou de plusieurs distinctions honorifiques.
Au terme d’un procès médiatisé de près de six mois, la chambre de jugement du tribunal militaire a rendu son verdict dans l’affaire Thomas Sankara où 14 accusés étaient jugés. Contrairement au parquet militaire qui avait requis 30 ans de prison ferme contre les fugitifs Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando et 20 ans contre le général Gilbert Diendéré, le tribunal militaire a condamné les trois hommes à la prison à vie . La chambre de jugement a maintenu les mandats d’arrêt décernés contre Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando, ce en application des dispositions de l’article 261-128 alinéa 4 de la loi n°040-2019/AN du 29 mai 2019 portant Code de procédure pénale.
En effet, la chambre de jugement a reconnu Blaise Compaoré et Gilbert Diendéré coupables des faits d’attentats à la sûreté de l’Etat et de complicité d’assassinat à la majorité absolue. Ils ont été cependant déclarés non coupables des faits de recels de cadavres. Le général Diendéré a été également reconnu non coupable des faits de subornation de témoins.
Trois accusés ont été acquittés. Il s’agit du soldat Bossobè Traoré, accusé - à tort ou à raison- par des témoins, d’être le traître parmi les éléments de la garde de Thomas Sankara. Aucune des charges de complicité d’attentat et d’assassinat n’a été retenue contre lui.
Les deux autres accusés acquittés par la chambre de jugement sont les médecins militaires, Diébré Alidou et Kafando Hamado. Ils ont été acquittés pour cause de prescription de l’action publique. Ils étaient respectivement accusés de faux en écriture publique ou authentique pour avoir porté la mention « mort naturelle » sur le certificat de décès de Thomas Sankara et « mort accidentelle » sur le certificat de décès de Bonaventure Compaoré, employé à la présidence. Ils avaient expliqué à la barre avoir agi par « humanisme » et avaient reconnu leur faute professionnelle.
Le colonel-major à la retraite Jean Pierre Palm, contre qui le parquet avait requis 11 ans de prison avec sursis, a été condamné à 10 ans de prison ferme. Même condamnation pour le colonel à la retraite Tibo Ouédraogo, commandant de l’Escadron motocycliste commando (EMC) au moment des faits, en faveur de qui le parquet avait pourtant requis l’acquittement.
L’adjudant-chef Albert Pascal Sibidi Bélemlilga et l’adjudant-chef major Diakalia Démé, tous les deux en service à l’EMC au moment des faits ont été condamnés chacun à 5 ans de prison avec sursis. Ils ont été reconnus coupables des faits de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, mais avec des circonstances atténuantes.
La chambre de jugement a suivi les réquisitions du parquet en condamnant à 11 ans de prison ferme, Yamba Élysée Ilboudo. Il était l’un des chauffeurs du commando qui a assassiné Thomas Sankara et ses compagnons. L’on se souvient que les parties au procès avaient salué sa sincérité dans la narration des faits.
Ses coaccusés Idrissa Sawadogo et Nabonswendé Ouédraogo, eux, ont pris chacun 20 ans de prison ferme. Les deux avaient été cités par Yamba Élysée Ilboudo comme faisant partie du commando. Des accusations que ceux-ci avaient réfutées qualifiant Élysée Ilboudo de fou. Pour eux, l’accusé ne jouit pas de toutes ses facultés depuis un accident qu’il a eu vers la fin des années 90.
Enfin, l’accusé Tondé Ninda Pascal a été condamné à trois ans de prison ferme pour les faits de subornation de témoin.
Fredo Bassolé
LeFaso.net
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Deutsche Welle
Blaise Compaoré a été condamné ce mercredi (06.04) par contumace à la prison à vie par le tribunal militaire de Ouagadougou.
L’ancien président du Burkina Faso, qui vit en exil à Abidjan, est reconnu coupable d’avoir participé à l’assassinat de son prédécesseur en 1987.
L’autre grand absent de ce procès, Hyacinthe Kafando, l’ancien commandant de la garde de Blaise Compaoré, a également été condamné à la perpétuité.
Enfin, présent lors des audiences, le général Gilbert Diendéré, l’un des principaux chefs de l'armée lors du putsch de 1987, écope également de la prison à vie.
L’émotion de Mariam Sankara
Thomas Sankara, leader de la révolution burkinabè et douze de ses collaborateurs ont été assassinés le 15 octobre 1987, alors qu’ils étaient réunis à Ouagadougou. Réouvert au lendemain d’une insurrection qui a entrainé la chute de Blaise Compaoré, ce procès fera date dans l’histoire politique du Burkina Faso.
Ce verdict est ainsi un grand jour pour Mariam Sankara. Pour la veuve de Thomas Sankara, "l’opinion publique sait maintenant qui est le président Thomas Sankara, qui est l’individu, qui est l’homme politique et ce qu’il voulait. Mais aussi ce que voulaient ceux qui l’ont assassiné. On l’avait traité de tout dans les discours."
Douze des quatorze accusés étaient présents à la barre. Ils étaient accusés de complicité d’assassinat, d’assassinat, de recel de cadavres et d’attentat à la sureté de l’Etat.
Maître Mathieu Somé, l’un des avocats du général Gilbert Diendéré, déplore que la justice n’ait pas pris en compte le fait que son client a coopéré avec la justice.
"Elle est excessive de mon point de vue. Il a pris la même peine que ceux qui étaient absents. J’ai trouvé cela, sans rentrer dans les détails, pas tout à fait juste. Il est venu quand même apporter sa contribution en s’expliquant devant le peuple", explique l'avocat.
Le verdict tombe plus de 34 ans après l'assassinat de Thomas Sankara
Être allé au bout du procès
Au-delà des peines prononcées, le plus important était d’établir la vérité devant la justice, explique maître Prosper Farama, avocat de la partie civile :
"Les familles n’étaient pas accrochées sur les peines à donner à qui que ce soit. Les familles voulaient la vérité, la justice. Les peines relevaient de la souveraineté des juges. Ils ont prononcé les peines en estimant que pour certains il n’y avait pas de circonstances atténuantes. Ce qui nous intéressait est d’aboutir à un verdict qui nous rende justice, de conduire ce procès jusqu’à son terme, que les accusés aient eu la possibilité de se défendre à l’exception de ceux qui n’ont pas eu le courage et l’honnêteté de faire face à la justice de leur pays."
Le rêve burkinabè est permis, estime-t-il. Pour Alouna Traoré, "ils ont attaqué notre rêve pensant pouvoir le tuer. 35 ans après, je me rends compte que le rêve burkinabè tient la route. Cela enthousiasme tout le continent, les lignes sont en train de bouger. Thomas a fait œuvre utile, son exemple est en train d’être suivi. Notre joie c’est que les jeunesses, les
générations futures s’en servent pour des combats meilleurs, pour qu’on puisse faire de ces territoires dits de misère et de précarité, des territoires de bonheur et de bien-être."
Le dossier Thomas Sankara n’est pas, pour autant, totalement bouclé. Il peut toujours connaître des rebondissements.
Au-delà de la possibilité de faire appel de ce jugement, Maître Propser Farama note qu’un "volet international est toujours en cours. Nous attendons qu'un juge soit nommé. Enfin, le combat pour la justice et la vérité ne s'arrête jamais à un procès. Pendant que nous luttons tous les jours pour que ces choses n'arrivent pas, vous apercevrez que nous ne sommes pas très loin du recommencement de ces événements malheureux. C'est un combat continuel qui ne s'arrête jamais, pas pour les avocats, mais pour tout le peuple burkinabè."
Le tribunal militaire a par ailleurs prononcé la déchéance des décorations de tous les accusés condamnés.