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19 mars 2022 6 19 /03 /mars /2022 08:28

(Dernière mise à jour: le 19 mars à 19 H.)

Hier vendredi 18 mars 2022, accueilli-es aux Archives départementales du Gard par M.Oucine Benchouyeb, Président de l'association d'amitié franco-algérienne France-El Djazaïr; salué-es par M.Christian Bastid au nom du Conseil départemental; en présence du M. le Vice-consul d’Algérie à Montpellier, de MM. Alain Clary, Maire honoraire de Nîmes et Vincent Bouget, Secrétaire départemental du PCF, Conseiller départemental;  nous avons été terriblement ému-es à l’écoute des textes de M. Mostefa Boudina, Président national des Anciens Condamnés à mort, empêché d’être parmi nous  en raison du refus de visa de la part de l’Ambassade de France à Alger.

Michèle Decaster, Secrétaire générale de l' AFASPA* nous a présenté le riche contenu du numéro spécial de Aujourd'hui L’Afrique consacré à ce 60e anniversaire et nous a lu le poème Ils ont osé, de notre amie  Annie Steiner, récemment disparue, écrit le jour de l’exécution de Fernand Iveton et nous avons écouté passionnément Zoheir Bessa, le Directeur du journal Alger républicain, nous raconter comment, enfant puis adolescent, il a vécu les lendemains du 18 mars 1962 à Alger.

Ci-dessous un résumé de mon intervention L’Algérie et les Accords d’Evian.*

 

Les accords d’Evian signés le 18 mars 1962 par les représentants du G.P.R.A. (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne) et non par le FLN (Front de Libération Nationale), avec ceux du gouvernement français, ainsi que le cessez le feu du 19 mars à midi, mettaient fin à 7 ans, 4 mois et 18 jours d’une guerre atroce et à 132 ans de domination coloniale. Ils ouvraient la voie à l’indépendance de l’Algérie qui sera proclamée le 3 juillet 1962.

Ces accords constituaient un compromis qui intervenait à l’issue de plusieurs années de rencontres et de négociations, officieuses ou officielles, interrompues à de nombreuses reprises, jalonnées d’échecs, de reculs et d’avancées, au gré de l’évolution du rapport des forces entre le peuple algérien en lutte pour la liberté et la puissance coloniale dominante.

Une première approche avait eu lieu dès le premier semestre de 1955, peu de temps après le déclenchement de l’insurrection du 1er novembre 1954, à l’initiative de l’ethnologue Jacques Soustelle, le futur gouverneur de l’Algérie qui évoluera par la suite vers l’extrême-droite et se convertira à l’ « Algérie française ». Elle sera suivie en 1956 de l’envoi par Guy Mollet, devenu Président du Conseil des Ministres, d’émissaires proches de l’aile libérale de la SFIO, mais cette démarche ne sera pas approuvée par le gouvernement français. Dès l’origine, le FLN algérien oscilla, selon les circonstances, entre l’option armée incontournable à ses yeux pour vaincre l’oppression coloniale et la nécessité de négociations avec la France. Krim Bel Kacem qui dirigera  la délégation du GPRA à Evian était acquis à cette nécessité. L’arraisonnement en 1957, par l’armée française, de l’avion qui transportait les chefs du FLN du Maroc au Caire mit fin brutalement à ces premières tentatives. Certaines de ces amorces de négociations eurent lieu à l’initiative de Bourguiba, de l’Egypte et de la Yougoslavie. Contraint de reculer, pas à pas, De Gaulle reconnaîtra le 16 septembre 1959, le droit du peuple algérien à l’autodétermination.

La Déclaration Générale ratifiée par les deux parties affirme : « De l’indépendance de l’Algérie. L’Etat algérien exercera sa souveraineté pleine et entière à l’intérieur et à l’extérieur.» (Chapitre II/A/1).  Pour en mesurer la portée, rappelons que le FLN avait toujours fait de la reconnaissance de l’indépendance la condition préalable à toute négociation, à laquelle les négociateurs français opposaient le triptyque : « cessez le feu, élections, négociations ».Dans les Accords d’Evian, le cessez le feu est la conséquence de la reconnaissance de l’indépendance et non l’inverse. L’unité territoriale de l’Algérie était maintenue, contrairement aux prétentions de l’Etat français qui voulait en dissocier le Sahara. En contrepartie, l’Algérie concédait ; « par bail à la France l’utilisation de la base de Mers El-Kebir pour une durée de quinze ans, renouvelable […] (et) l’utilisation de certains aérodromes, terrains, sites et installations militaires… » (III/al. 3 et 4). Cette clause permettra à la France de poursuivre ses essais nucléaires au Sahara. Dix-sept explosions nucléaires, dont quatre dans l’atmosphère,  eurent lieu de 1960 à 1966, donc y compris quatre ans après l’indépendance. De nombreuses personnes dans la population algérienne furent irradiées et les zones concernées n’ont pas été décontaminées par l’Etat français, ce que continue de demander l’Algérie.

Un compromis avait également été conclu au sujet des  « Français d’Algérie ». Alors que les négociateurs français exigeaient pour eux un statut particulier au sein de l’Algérie indépendante, ce que la partie algérienne refusait au nom de l’égalité de tous les citoyens du futur Etat, l’accord se fit sur la formule : « Dispositions concernant les citoyens français de statut civil de droit commun (Les Pieds noirs) […] Pour une période de trois années à dater du jour de l'autodétermination, les citoyens français de statut civil de droit commun[…] ne peuvent exercer simultanément les droits civiques français. Au terme du délai de trois années susvisé, ils acquièrent la nationalité algérienne par une demande d'inscription ou de confirmation de leur inscription sur les listes électorales; à défaut de cette demande, ils sont admis au bénéfice de la convention d'établissement. […] Afin d'assurer, pendant un délai de trois années, aux nationaux exerçant les droits civiques algériens et à l'issue de ce délai, de façon permanente, aux Algériens de statut civil français (Les Pieds Noirs), la protection de leur personne et de leurs biens, et leur participation régulière à la vie de l'Algérie, les mesures suivantes sont prévues : Ils auront une juste et authentique participation aux affaires publiques. Dans les assemblées, leur représentation devra correspondre à leur importance effective. Dans les diverses branches de la fonction publique, ils seront assurés d'une équitable participation. » (Chapitre II/A/II/a)

En d’autres termes, les « Français d’Algérie » disposaient de trois années pour choisir entre la nationalité algérienne ou la nationalité française.

Enfin, les accords décidaient d’une amnistie pour les : « opinions émises à l’occasion des évènements survenus en Algérie avant le jour du scrutin d’autodétermination ; (et des)  actes commis à l’occasion des mêmes évènements avant le jour de la proclamation du cessez-le-feu » (Chapitre II/A/II).

Les accords signés à Evian constituaient pour les Algériens une importante victoire morale et politique acquise au prix d’immenses sacrifices : un million de morts sur dix millions d’habitants. Le CNRA (Conseil National de la Révolution Algérienne) réuni du 22 au 28 février 1962, les approuva contre l’avis de quatre de ses membres dont Houari Boumediene, le chef de l’Etat-major de l’armée des frontières qui deviendra Président de la République Algérienne Démocratique et Populaire après le coup d’Etat de 1965.

Les Accords d’Evian seront approuvés par référendum en France à 91% le 8 avril 1962 et à 98% en Algérie le 1er juillet 1962. L’Algérie accèdera officiellement à l’indépendance le 3 juillet 1962, mais ces accords n’auront pas formellement d’existence  juridique, car le jeune Etat indépendant les jugeant « néocolonialistes » ne les publiera pas au Journal Officiel et ne les traduira pas en lois.

Ces accords, y compris les clauses relatives à l’indemnisation des propriétaires expropriés et celles concernant le code pétrolier et le développement des « infrastructures du sous-sol » (Chapitre II/B/2e/a et b) ne seront pas des obstacles à la première réforme agraire décidée en 1963 par Ahmed Ben Bella, ni à celle de 1972, ni à la nationalisation des hydrocarbures en 1971 par Houari Boumediene.

Bernard DESCHAMPS

 

* AFASPA: Association Française d'Amitié et de Solidarité avec l'Afrique.

* Texte punlié dans le numéro spécial de Aujourd'hui l'Afrique; ainsi que Mineurs algériens en Cévennes.

 

 

 

Mostefa BOUDINA, la Délégation à Evian, Annie Steiner, Christian Bastid, Bernard DESCHAMPS, Siège à Alger de l'Association des Anciens Condamnés à mort., Zoheir Bessa (Photod Mireille Berthier et Marcel Rubio).
Mostefa BOUDINA, la Délégation à Evian, Annie Steiner, Christian Bastid, Bernard DESCHAMPS, Siège à Alger de l'Association des Anciens Condamnés à mort., Zoheir Bessa (Photod Mireille Berthier et Marcel Rubio).
Mostefa BOUDINA, la Délégation à Evian, Annie Steiner, Christian Bastid, Bernard DESCHAMPS, Siège à Alger de l'Association des Anciens Condamnés à mort., Zoheir Bessa (Photod Mireille Berthier et Marcel Rubio).
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Mostefa BOUDINA, la Délégation à Evian, Annie Steiner, Christian Bastid, Bernard DESCHAMPS, Siège à Alger de l'Association des Anciens Condamnés à mort., Zoheir Bessa (Photod Mireille Berthier et Marcel Rubio).
Mostefa BOUDINA, la Délégation à Evian, Annie Steiner, Christian Bastid, Bernard DESCHAMPS, Siège à Alger de l'Association des Anciens Condamnés à mort., Zoheir Bessa (Photod Mireille Berthier et Marcel Rubio).

Mostefa BOUDINA, la Délégation à Evian, Annie Steiner, Christian Bastid, Bernard DESCHAMPS, Siège à Alger de l'Association des Anciens Condamnés à mort., Zoheir Bessa (Photod Mireille Berthier et Marcel Rubio).

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