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30 mars 2022 3 30 /03 /mars /2022 14:09

QUEL SIGNAL NOUS ADRESSE L’ABSTENTION DE 35 PAYS SUR LA RESOLUTION DE L’ASSEMBLEE GENERALE DE L’ONU CONDAMNANT L’AGRESSION DE LA RUSSIE CONTRE L’UKRAINE ?

(Dernière mise à jour: le 1er avril 2022 à 8h.)

Cette résolution condamne en outre « la décision de la Fédération de Russie d’augmenter le niveau de préparation de ses forces nucléaires,

Exige [… ] que la Fédération de Russie retire immédiatement, complètement et sans condition toutes ses forces militaires du territoire ukrainien à l’intérieur des frontières internationalement reconnues du pays (Point 4)

Demande instamment que le conflit […] soit immédiatement réglé de manière pacifique par le dialogue, la négociation, la médiation et d’autres moyens pacifiques (Point 14)

« Le texte de la Résolution a été adopté par 141 votes pour, 5 votes contre (Russie, Bélarus, Érythrée, Corée du Nord et Syrie) et 35 abstentions. La résolution était parrainée par 96 États membres. Elle nécessitait une majorité des deux tiers pour être adoptée.

Liste des abstentions : Afrique du Sud, Algérie, Angola, Arménie, Bangladesh, Bolivie, Burundi, République Centrafricaine, Chine, Congo, Cuba, Guinée Équatoriale, Inde, Iran, Irak, Kazakhstan, Kirghizistan, Laos, Madagascar, Mali, Mongolie, Mozambique, Namibie, Nicaragua, Ouganda, Pakistan, Salvador, Sénégal, Sud Soudan, Sri Lanka, Soudan, Tadjikistan, Tanzanie, Vietnam, Zimbabwe. »

La Résolution de l’Assemblée Générale de l’ONU, conforme au droit international, est pleinement justifiée. Comment dès lors interpréter l’abstention de 35 pays dont 17 pays d’Afrique ?

Ils auraient pu voter contre. Ils ne l’ont pas fait. Leur abstention constitue en réalité un désaveu de la Russie. Ce désaveu est d’autant plus remarquable que la plupart  de ces pays dépendent plus ou moins de la Russie pour leur armement, leurs équipements industriels ou leur alimentation, en blé en particulier.

Selon la Banque Mondiale (2020), les principaux clients de la Russie sont la Chine (14,6 % des exportations), les Pays-Bas (7,4 %), le Royaume-Uni (6,9 %), l'Allemagne (5,5 %), la Biélorussie (4,7 %) et la Turquie (4,7 %).

Selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) : « La Russie est devenue le principal pourvoyeur d’armes de l’Afrique. Elle fournit ainsi presque la moitié des équipements (49%) vendus aux pays du continent. L’Algérie et l’Egypte sont aujourd’hui les deux plus importants clients africains de l’industrie militaire russe.»

Moscou vend presque deux fois plus d’armes aux Africains que leurs deux autres gros fournisseurs, Etats-Unis (14%) et Chine (13%). La France est le 4e plus important, avec 6,1% du marché.

L’Algérie est, et de loin, le plus gros débouché de l’industrie militaire russe en Afrique. Alger achète du "lourd". Notamment des avions, chasseurs, appareils de transport, mais aussi des hélicoptères et des sous-marins. Ainsi que des "systèmes de défense antiaérienne et antimissile sophistiqués, des chars", comme le rapportait franceinfo Afrique en 2018. Selon le SIPRI, l’Algérie achète plus que tous les autres Etats africains réunis ! (J’ai été injuste à son égard dans mon article « Au fil des jours, 160 » du 4 mars sur ce blog)

Second client de Moscou,: l’Egypte. En 2019, celle-ci a notamment signé un accord pour la fourniture de plus de 20 avions chasseurs SU-35. Troisième gros client : l’Angola. Suivi et de très loin par le Nigeria, le Rwanda, le Mali, le Soudan… Ils sont aujourd’hui 21.

"Invité à Alger en mars 2006, Poutine décide d’effacer la dette militaire algérienne, d’un montant de 4,7 milliards de dollars, mais en contrepartie de l’engagement de son hôte à acquérir 7,5 milliards de dollars d’armement russe", signale Le Monde. Même méthode avec l’Angola. En 1996, les Russes ont effacé 70% de la dette de Luanda à leur égard, d’un montant de 4,5 milliards d’euros."

Dans le domaine alimentaire, selon la CNUCED, vingt-cinq pays africains sont dépendant du blé russe : Egypte, Benin, Togo, Burkina Faso, Sénégal, les deux Congo, Soudan, Tanzani ,Burundi…

En dépit de cette dépendance économique, ces pays n’ont pas soutenu la Russie dans son agression contre l’Ukraine.

Par-delà la diversité de leurs régimes politiques, aussi différents que sont ceux de Chine,  de l'Inde,  de Cuba , de l'Iran,  d' Afrique du Sud, du Vietnam  ou de Algérie, ils avaient une motivation commune. Celle-ci tient pour une large part aux attendus de la résolution.  Celle-ci condamne à juste titre l’agression de la Russie, mais elle fait l’impasse sur les éléments qui ont fourni un prétexte à cette attaque criminelle et notamment la présence agressive des troupes de l’OTAN aux frontières de l’Est. Qu’on m’entende bien, cette présence de l’OTAN  n’excuse pas l’agression russe, mais l’impasse déséquilibre la résolution et la fait apparaître aux yeux de nombreux pays qui ont souffert de l’occupation coloniale ou de la politique néocoloniale de l’Occident, comme le prolongement de cette volonté de domination. Ils sont d’autant plus réservés qu’ils ont en mémoire les précédents fâcheux des interventions militaires occidentales en Irak, en Lybie et ailleurs, dont les conséquences désastreuses perdurent.

Cette abstention des 35  témoigne de l’émergence d’une volonté de s’affirmer face à deux blocs antagonistes. Ce n’est pas Bandoeng et sa démarche tiers-mondiste entre le Bloc soviétique et l’Occident. L’antagonisme des deux blocs aujourd’hui relève des contradictions entre régimes capitalistes concurrents. Mais cette volonté de se démarquer peut être le ferment d’une démarche pour imposer une solution pacifique aux  conflits mondiaux de notre époque. Acceptons-en l’augure.

Bernard DESCHAMPS

30 mars 2022

 

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