Le procès devant le Tribunal militaire à Ouagadougou s’est poursuivi les 21, 22, 23 décembre, et il a repris le 4 janvier 2022 après douze jours d‘interruption. Que retenir des audiences qui se sont déroulées du 21 décembre 2021 au 5 janvier 2022 inclus ? (Résumé)
L’audition des témoins visait notamment à préciser les circonstances de l’assassinat du Président Sankara et à déterminer le rôle de chacun des protagonistes, subalternes pour la plupart. Parmi les noms qui sont cités le plus souvent, celui de Gilbert Diendéré, lieutenant au moment des faits, promu à la suite du coup d’Etat et aujourd’hui général de brigade et accusé. Un homme que beaucoup craignent. Celui de Hyacinthe Kafando, réfugié en Côte d’Ivoire d’où son extradition n’a pas été demandée et présenté comme l’auteur du coup de feu qui a abattu Thomas Sankara. Celui de Ouédraogo Nabonswendé membre du commando. Traoré Alouna, seul témoin survivant des événements du 15 octobre 1987. Celui de l’ancien Premier Ministre Yacouba Isaac Zida qui aurait organisé la fuite à l’étranger des auteurs de l’assassinat. Mais la question centrale autour de laquelle vont se focaliser les débats est celle de la responsabilité personnelle de Blaise Campaoré, ami-concurrent de Sankara et son successeur à la tête de l’Etat.
Un témoin fait état d’une note rédigée par la police 5 ou 6 jours avant le 15 octobre et faisant état de la préparation d’un coup d’Etat.
Au cours de son audition, l’ancien ambassadeur du Burkina Faso en Algérie sous la Révolution, Bassirou Sanogo, déclare : « la mort du président du Faso et de ses camarades est un « véritable gâchis qui a fait « reculer le Burkina de plus de 30 ans […] Sankara avait une démarche de bâtisseur, d‘oser inventer l’avenir ». A la barre, il a martelé que le coup d’Etat a été préparé de façon « minutieuse tant au niveau interne qu’au niveau externe »
« Le 15 octobre était un aboutissement », se convainc le témoin qui a déclaré qu’il y avait des signes avant-coureurs un an, avant le drame, car une puissance étrangère envisageait de remplacer le premier par le second, parlant de Thomas Sankara et Blaise Compaoré. Le témoin reconnaît tout de même que Thomas Sankara a « banalisé le pouvoir » auquel il n’était pas accroché, comme un forcené. »
Selon un autre témoin : "Il (Sankara) n’a jamais été d’accord que quelqu’un prenne une arme contre Blaise Compaoré", précise le témoin, qui dit avoir l’impression que le père de la révolution "voulait se faire tuer", tant il ne réagissait pas malgré toutes les informations qui lui étaient rapportées. »
Trois mois avant les faits, la garde présidentielle a exprimé des demandes en munitions qui n’ont jamais été satisfaites. Ce qui confirme selon des témoins la préparation minutieuse du coup d’Etat. La PKMS (mitrailleuse kalachnikov) positionnée au sein du palais avait été sabotée donc inutilisable.
Lors de l’audience du 24 décembre , Youssoufou Diawara, Sociologue du développement, ayant fait ses études universitaires en France à la Faculté des Sciences humaines de Poitiers et Paris VI Nanterre. Militant au sein du Parti africain de l’indépendance, proche de Thomas Sankara, indique dans une déclaration écrite : « Thomas m’a dit que Blaise a tenté à deux reprises d’attenter à sa vie à Bobo-Dioulasso, puis à Tenkodogo. Il m’a dit aussi qu’il ne sera jamais le premier à tirer sur Blaise ».
L’ancien ministre des sports Kaboré Abdoul Salam dit de Blaise Campaoré qu’il conçoit, et envoie quelqu’un d’autre exécuter à sa place. Il ajoute que Compaoré s’est laissé influencer par les personnes extérieures ( Houphouet Boigny, Jacques Chirac, Sassou N’guesso). « Blaise Compaoré ne croyait pas en la révolution. On a vu comment le pays est devenu après son accession au pouvoir", ajoute Kaboré Abdoul Salam qui précise que dans la préparation du coup d’état, un hélicoptère venu du Togo avec des soldats à son bord, était prêt à décoller avec Blaise Compaoré si le coup échouait. Ainsi à différentes reprises les responsabilités étrangères affleureront.
Un autre témoin : « Blaise Compaoré était le maître des armées devant Boukari Lingani.
« A en croire le témoin, le coup d’état qui a engendré la mort du père de la révolution a été très bien orchestré et Gilbert Diendéré était l’homme clé du coup, car c’est lui qui les a envoyés déposer leurs armes au magasin pour les empêcher de réagir. Il ajoute que le lieutenant d’alors, était au courant du coup car Blaise Compaoré ne pouvait rien faire sans lui. »
« Boukary Kaboré dit le lion […] ils essayent de convaincre "le lion" de ne pas réagir afin d’éviter une effusion de sang. Après ces échanges, le témoin […] souligne en passant, qu’il existait une inimitié entre Palm et Thomas Sankara, mais ne saurait situer la responsabilité de Palm dans la mort de Thomas.
Sur les responsabilités civiles et militaires de la mort du père de la révolution, le témoin affirme que les exécutants étaient les éléments du CNEC et pour les commanditaires il penche pour Blaise Compaoré. »
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Bernard DESCHAMPS