Liberté DZ
Dimanche 2 janvier 2022
Un nouveau départ ?
Une année s’en va, une autre arrive. 2022 sera-t-elle celle de la continuité ou celle de la rupture ? Dans bien des domaines, l’année qui s’achève a été chargée de larmes et de drames.
Harassante et surtout angoissante, telle a été l’année 2021 dont les Algériens ont hâte de tourner la page. Ils en sortent épuisés car usante à tout point de vue. Qu’attendons-nous de l’année qui vient ? Ou, dit autrement, 2022 sera-t-elle meilleure que l’année qui vient de s’écouler ? Le climat général n’est pas à la joie. Blasés sans doute par une année aussi stressante qu’attristante, les Algériens guettent légitimement des signes un peu plus rassurants dans la chronique nationale. À commencer par l’instauration d’un climat d’apaisement succédant, espère-t-on, aux vagues d’arrestations tous azimuts.
À Alger, à Aïn Defla, à Béjaïa, à Tébessa, à M’sila ou encore à Annaba, les citoyens vivent dans la peur de se faire embarquer pour la simple raison qu’ils ont émis une opinion ou pour une publication sur les réseaux sociaux. Ils sont inquiets. Pas moins de 300 personnes croupissent déjà en prison à El-Harrach, à Koléa et dans d’autres centres pénitentiaires à travers de nombreuses wilayas du pays. Ce recours excessif des autorités à l’embastillement des citoyens, les Algériens le vivent comme un abus, en plus du fait qu’il est un affront clair, et visiblement assumé, par les autorités du pays.
Lundi dernier, lors du procès du militant et chef politique du parti du MDS, Fethi Ghares, un avocat a rappelé, face au juge, que lorsqu’on jette en prison un universitaire, des femmes, des personnes âgées, des chômeurs ou encore des activistes, ce ne sont pas seulement les concernés qui sont punis, mais tous leurs proches qui sont laissés dans la tourmente et la solitude. “Les familles des détenus d’opinion sont également punies”, a dit, à juste titre, cet avocat, sans doute mieux informé du désarroi des familles des détenus. L’affaire de Sirine Zerfa, 14 ans à peine, convoquée par le tribunal d’Annaba pour être entendue sur son “implication” dans le Hirak, a soulevé un tollé cette dernière semaine de l’année. Et même si le parquet de la même ville a fini par reconnaître “une erreur de procédure”, le coup était déjà parti, suscitant l’incompréhension, mais surtout l’angoisse au sein de l’opinion. De cette séquence effrayante, la justice algérienne ne sort pas grandie. Bien au contraire !
Actes forts
Chantier titanesque que celui de restaurer la confiance entre les citoyens et l’une des institutions les plus importantes dans la vie d’une nation. “Il faut des actes forts. Beaucoup de tort a été fait autant aux citoyens, injustement emprisonnés, qu’à l’institution judiciaire dont la réputation a été sérieusement écornée”, déplore Noureddine Benissad, président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme. Il espère que 2022 sera l’année des “décisions fortes”. “Il faut absolument lâcher du lest. Rien ne justifie l’emprisonnement de centaines de personnes pour avoir exprimé une simple opinion. Ils n’ont ni appelé à la violence ni leur discours n’a été haineux. Les détenus d’opinion, toutes catégories confondues, doivent être relâchés sans condition. C’est le seul moyen de restaurer, un tant soit peu, un climat de confiance et apaisé”, préconise l’avocat.
Les Algériens attendent donc des gestes forts. C’est bon pour le moral national et c’est doublement utile pour tous ces jeunes qui, de lassitude et de mal-être, se risquent dans une Méditerranée devenue un cimetière à ciel ouvert pour les candidats à l’émigration clandestine. Mais pour parer à cela, les dirigeants devraient aussi libérer le pays de ses pesanteurs qui empêchent le décollage au plan économique. Car 2021 est aussi cette année de toutes les inflations et dérèglements macroéconomiques.
La hausse des prix des produits de large consommation couplée aux pénuries cycliques ont mis à rude épreuve les ménages algériens. Toute une machine grippée est à revoir. Restées au stade de promesses, les réformes dans ce secteur névralgique doivent se traduire en actes forts et audacieux, comme la libération de l’investissement national et étranger. Mais pour assurer une bonne transition, il va sans doute falloir commencer par couper la tête de la pieuvre bureaucratique dont les tentacules ligotent l’économie.
Il n’est pas normal qu’en 2022, la création d’entreprise soit le grand otage du fonctionnaire qui résiste à toute forme de modernité, comme en témoigne le secteur bancaire algérien, obsolète et incapable d’assumer sa mission de locomotive de l’économie nationale. Les opérateurs économiques attendent, de ce point de vue, des réformes profondes et urgentes. Comme ils attendent une révision complète du cadre juridique du climat des affaires, aux antipodes des besoins d’une économie moderne et efficace. En somme, l’Algérie de 2022 devra rompre avec l’année qui s’achève. Et dans tous les domaines. Le temps presse.
Karim Benamar
(Photo Liberté DZ)