(Dernière mise à jour 2 janvier 2022)
Séquence nostalgie
C’est un rituel, pour rien au monde je ne manquerais le concert du Nouvel an donné en direct par l’Orchestre symphonique de Vienne. Pour le plaisir de la musique bien sûr, mais aussi parce qu’il me replonge dans l’atmosphère de l’Autriche que j’ai découverte en 1959 à l’occasion du Festival mondial de la Jeunesse et des Etudiants organisé par la FMJD (Fédération Mondiale de la Jeunesse Démocratique). J’étais délégué au titre du Mouvement de la Jeunesse Communiste de France qui avait été reconstitué à la fin de 1956. La somptuosité de Vienne, le Château de Schönbrunn, le Kunsthistorisches Museum et les tableaux d’Albrecht Dürer à l’Albertina, les jardins du Prater…
Pour la première fois, le Festival se tenait dans un pays situé hors de la zone d’influence soviétique. Nous étions hébergés dans des chambres à plusieurs lits. J’ai fait chambre commune avec deux joyeux lurons, journalistes à notre hebdomadaire l’Avant-Garde, Claude Lecomte qui sera ensuite un des piliers de l’Humanité et Claude Angeli qui deviendra le directeur du Canard enchaîné . Pour situer l’époque, c’était six ans après la mort de Staline en 1953, dont les crimes avaient été dénoncés en 1956 par Nikita Khrouchtchev. Mais trois ans après la répression sanglante du soulèvement de Budapest par les troupes soviétiques. L’affrontement était particulièrement vif, voire agressif, à chaque coin de rues entre les festivaliers et les équipes de propagandistes diligentées par les organisations et les officines antisoviétiques. Nous parlions de paix, de coexistence pacifique, eux dénonçaient le goulag et l’écrasement de Budapest. Dans cette capitale qui s’était donnée aux nazis en 1938, les communistes autrichiens étaient peu nombreux et isolés de la population. J’y fis cependant la connaissance de deux camarades, Wilma et Frédéric Lettner qui devinrent par la suite des amis. Wilma était allemande et Frédéric autrichien. Fuyant le nazisme, ils s’étaient réfugiés en France où ils furent arrêtés et internés au camp de Gurs. Finalement libérés avant l’arrivée des troupes nazies, ils avaient rejoint la Résistance en Haute-Savoie. Frédéric deviendra sous-préfet d’Annemas à la Libération. De quoi faire baver de haine Zemmour et Le Pen.
Ce sont ces souvenirs qui me reviennent en mémoire en écoutant valses et polkas de la famille Strauss interprétées cette année sous la direction – tout un symbole - de Daniel Barenboim, sous les moulures dorées des plafonds du Musikverein de Vienne. Le concert se terminera par le Beau Danube bleu et la peu progressiste Marche de Radesky, du nom du Maréchal autrichien qui écrasa la première guerre pour l’indépendance de l’Italie. Mais auparavant nous aurons eu le plaisir d’entendre Les feuilles du matin, valse composée par Johann Strauss en 1864 en l’honneur de la presse et des journalistes. Elle débute timidement, comme la presse elle-même, hésitante à s’affirmer, ou comme une nouvelle information non encore confirmée, puis elle prend de l’assurance pour éclater enfin en fanfare, cordes (nombreuses) et cuivres déchaînés. Trente-quatre ans plus tard, Zola publiera J’accuse !
Joies d’aujourd’hui
Le vieil instit se réveille au contact de la jeune élève Anna-Sofia. Ce matin, j’ai aidé mon arrière-petite-fille à faire ses devoirs de vacances. Les méthodes ont beaucoup changé et je suis quelque peu largué, aussi je lui laisse la direction des opérations, me limitant à rectifier si elle se trompe. Aujourd’hui, c’était lecture. Après avoir révisé différents sons et notamment ceux composés avec la lettre z, et quelques phrases négatives, afin de bien placer le verbe par rapport à la négation ne…pas, elle m’a lu quelques pages d’une histoire étudiée en classe. A part, quelques hésitations sur la lettre r d'imprimerie qu’elle avait des difficultés, me dit-elle, à assimiler avec la même lettre r manuscrite, elle lit presque couramment. Pour en avoir le cœur net, j’ai choisi une page de la fin du livre non encore étudiée en classe. Elle l’a déchiffrée pratiquement sans hésitation…J’étais bluffé. Alors que mes capacités d'assimilation s'amenuisent avec l'âge, celles d'Anna-Sofia se développent de façon remarquable. C'est cela le progrès.
BD