Nicole Bouyala aura marqué de son empreinte la vie sociale et politique de notre département. J’avais fait sa connaissance - ce devait être en 1977 – à l’occasion d’une manifestation pour le maintien du lycée d’Uzès alors menacé de fermeture. Responsable de la FCPE (Fédération Cornec des Parents d’Elèves), elle animait le comité de défense avec une énergie et un charisme hors du commun. Alors que certains considéraient qu’il s’agissait d’un combat d’arrière-garde, perdu d’avance, elle l’avait au contraire engagé avec la volonté de gagner. Et elle le gagna. Le lycée d’Uzès existe toujours, plus florissant que jamais avec ses 730 élèves et ses 28 classes. Nicole Bouyala était ainsi, surmontant les obstacles, allant jusqu’au bout de ses convictions.
Elue conseillère municipale de Saint-Quentin-la-Poterie en 1976, elle présidera comme Maire aux destinées de cette commune de 1983 à 2001. Sous ses trois mandats, la commune se modernisera et redeviendra la Capitale de la céramique.
Lors des législatives de 1981, dans la foulée de l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, le candidat socialiste Georges Benedetti dont elle était la suppléante, arriva en tête de la gauche au premier tour. Député sortant, je me désistai en leur faveur. Ils furent élus barrant ainsi la route à la droite.
De 1981 à 1983, elle sera chargée de mission au cabinet de la Secrétaire d’Etat chargée de la famille, Georgina Dufoix. Elle y siégea aux côtés d’un ami proche, Jean-Pierre Rosenczveig, ancien juge des enfants au tribunal de Bobigny et elle participera avec Bernadette Roussille à la rédaction du rapport « L’enfant dans la vie » publié en 1982. C’était un rapport novateur qui affichait une volonté et une politique spécifiques pour la petite enfance.
Elle sera également dans le cabinet d’Edmond Hervé, Secrétaire d’Etat chargé de la santé de 1983 à 1986.
Membre du conseil d'administration du Centre National d'Information des Femmes et des Familles (CNIDFF) de 1982 à 1987, elle s'impliqua dans des actions en faveur de la reconnaissance des Droits des femmes tant dans la vie privée que professionnelle. Elle présida ce mouvement dans le Gard de 1989 à 2002.
D’une distinction aristocratique, elle avait au cœur les valeurs humanistes de la gauche. Elle avait adhéré au parti socialiste en 1976 dans le courant généré par le Programme commun conclu quatre ans plus tôt par le PCF, le PS et les Radicaux de Gauche et qui portera François Mitterrand au pouvoir en 1981. Elle en sera exclue en 1998 pour un différend de caractère électoral.
Persuadée de la nécessité de la limitation du nombre de mandats électifs, elle ne brigua pas un quatrième mandat de Maire, responsabilité à laquelle pourtant elle était très attachée. Afin de se retrouver face à elle-même, elle décida de partir comme passagère unique sur un cargo pendant deux mois. De Saint-Quentin-la-Poterie à Tampico, port du Mexique. Sa traversée de l'océan se fit sur un cargo chypriote, en compagnie d'un équipage philippin, au départ d'Anvers. Cinquante-deux jours de mer et de solitude. Elle y rédigea une réflexion autobiographique qui sera publiée sous le titre de Cargo Solo, qui recevra le prix Pierre Loti.
Nicole Bouyala était une adhérente de notre association France-El Djazaïr. Elle participa au voyage en Algérie organisé par l’association en 2012 sous la conduite de Michel Berthier. Elle y noua de solides amitiés et sympathisa notamment avec nos ami(e)s Annie Steiner – une des « jeunes filles de la casbah d’Alger » et Si Tahar Arbaoui, ancien Maire de Constantine. Elle était présente, le 8 mai 2015, lors de la pose par le Consul d’Algérie d’une plaque commémorative des massacres du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata, sur le tronc du cèdre de mon jardin à Nîmes, planté le 8 mai 1945 par mon beau-père Daniel Mourgues.
Nous étions nombreux, très nombreux ce jeudi après-midi pour lui rendre un dernier hommage. Une cérémonie émouvante et d’une grande dignité organisée par la famille sur le terrain de la propriété du Moulin neuf à Saint-Quentin-la-poterie. Aucun discours officiel, seuls quelques amis, en dehors de la famille, délivrèrent un message. Ce fut avant tout une symphonie familiale. Chacune, chacun des enfants et des petits enfants nous livrant, comme autant de perles, une évocation d’un instant de leur vie avec leur maman ou leur grand-mère. Nous disant la combattante, libre, indépendante et avant-gardiste. Respectueuse des autres et de leurs opinions. C’était une cérémonie civile, mais à un certain moment, un vol d’étourneaux s’éleva dans le ciel, comme s’il emportait cette âme pour son dernier grand voyage. Et il y eut de la musique dont le choix nous en dit long sur la personnalité de Nicole Bouyala : La montagne de Jean Ferrat, Le temps des cerises, Si toi aussi tu m’abandonnes, Tout le Bonheur du Monde…
Que ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, parent(e)s et allié(e)s, trouvent ici, en ces moments douloureux, le témoignage de notre amitié.
Bernard DESCHAMPS