lundi 6 décembre 2021
10h55
Ismaël Diallo demande que les journalistes quittent la salle
Débuté jeudi 2 décembre, le témoignage d’Ismael Diallo a pris fin, ce lundi 6 décembre 2021 à 10h15. Mais avant la reprise de l’audience, le témoin a demandé une faveur au président du tribunal, Urbain Méda.
Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, Ismaël Diallo a demandé que tous les médias se retirent de la salle d’audience parce que certains d’entre-eux « n’ont pas rapporté de manière juste » ses déclarations le jeudi dernier. « Je préfère qu’ils (les journalistes, ndlr) ne disent rien plutôt que de dire des choses que je n’ai pas dites », a-t-il avancé.
A la décharge des journalistes, le président du tribunal accusera la qualité du micro qui rend parfois inaudibles les déclarations du témoin. « Nous sommes à cinq mètres de vous mais on n’entend pas. Demander aux journalistes de se retirer ne me paraît pas la solution. J’accuse la qualité du micro », a justifié Urbain Méda avant de lancer « on va gagner en temps ».
Insatisfait, le témoin a comparé les comptes rendus des journalistes à du dilettantisme. « Si ce sont les mêmes qui étaient là jeudi, qui sont aujourd’hui dans cette salle, je ne vois pas en quoi ils feraient mieux », a déclaré Ismaël Diallo, avant de lancer qu’il peut se réserver le droit
de ne pas parler. Le président du tribunal lui rappellera qu’à la différence des accusés, il doit parler. Il dira également au témoin, qu’il a le droit à d’autres recours s’il estime que les écrits des médias sont diffamatoires.
« Je suis en désaccord avec le président du tribunal. Notez-le », a lancé le témoin au parquet militaire. Et Urbain Méda de répondre en s’adressant au greffe « Notez-le en caractère d’imprimerie ».
Mais à la fin de la déposition du témoin, le président du tribunal a attiré l’attention de la presse sur la fidélité dans la transcription des propos des témoins.
LeFaso.net
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12h19
: Confronté au témoin Ismaël Diallo, Jean Pierre Palm nie avoir été chez lui le 16 octobre 1987
« Je n’avais aucune information qui me permettait de penser qu’il y aurait un coup de force le 15 octobre 1987 », a déclaré Ismaël Diallo, témoin au procès sur l’assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons.
Proche de Thomas Sankara et de Blaise Compaoré, Ismaël Diallo a indiqué qu’il était en contact régulièrement avec les deux hommes. D’ailleurs, dans la matinée du 16 octobre 1987, il avoue avoir été reçu par Blaise Compaoré dans son bureau. Mais au préalable, il dit avoir posé deux questions au nouveau maître du pays.
Ismaël : As-tu dit de tuer Thomas Sankara ?
Blaise : Non. Je voulais le faire arrêter samedi et le forcer à démissionner
(Je lui ai dit que samedi c’est demain et que Thomas est mort jeudi)
Ismaël : Est-ce que la révolution continue ?
Blaise : Elle continue bien sûr.Alors qu’il était avec Blaise Compaoré, le commandant Boukari Lingani entre dans le bureau. Pour la partie civile, il n’y a nulle part les traces d’échanges avec Blaise après que ce dernier a répondu aux questions posées par Ismaël Diallo. « Je peux jurer sur tout ce que vous voulez, mais je vous dis ce qui s’est passé », a déclaré le témoin.
Par la suite, le président du tribunal a accédé à la demande de confrontation du parquet entre Ismaël Diallo et le colonel Jean-Pierre Palm. En effet, le témoin a déclaré à la barre avoir reçu la visite de Jean Pierre Palm, le 16 octobre 1987, avant 9h. Il serait venu à la demande de Blaise Compaoré prendre de ses nouvelles. Pourtant l’accusé Jean Pierre Palm est catégorique « Je ne suis pas parti chez Ismaël le 16 octobre. Je le respecte beaucoup mais je n’ai pas été chez lui. Le 16 octobre, je n’ai vu Blaise qu’une seule fois. Il m’a demandé de me mettre à la disposition du commandant Lingani », s’est défendu l’accusé.
Et le témoin de répliquer : « C’est sa parole contre la mienne. » Il dira par la suite être un bon ami de l’accusé. « Votre amitié, c’est très bien mais ça ne nous arrange pas dans ce dossier. Dites ce que vous savez », ordonne le président du tribunal.
Avant de terminer sa déposition, Ismaël Diallo dira que ce qu’il a dit au tribunal est le résultat de ses observations et non le résultat de révélations de qui que ce soit. « Il pouvait y avoir des bisbilles entre deux personnes. Mais des bisbilles entre notre Thomas et Blaise pouvaient porter un coup à la pérennité de la révolution. A qui le crime a-t-il profité ? Je ne peux pas affirmer que Blaise était le maître d’œuvre de A à Z, mais je peux affirmer qu’il n’était pas étranger à ça. »
LeFaso.net
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12h19
« Nous n’avons jamais envisagé que l’un tue l’autre », dixit le témoin Laurent Ilboudo
Membre de la garde rapprochée du président Thomas Sankara au moment des évènements du 15 octobre 1987, Laurent Ilboudo a déposé ce matin devant le tribunal militaire. Sergent chef au moment des faits, le témoin était de service le jour des évènements. Il dit avoir accompagné le président Sankara au conseil.
C’est une fois au secrétariat, qu’il entend des coups de feu. Sorti voir ce qui se passait, il tombe nez à nez avec Hyacinthe Kafando qui le désarme. Il est ensuite conduit avec d’autres personnes par Arzouma Ouédraogo dit Otis et d’autres éléments, derrière le bâtiment. C’est étant couché, qu’il entend les tirs s’intensifier. Avec les autres "otages", ils sont ensuite conduits dans une villa où ils sont enfermés.
Selon Laurent Ilboudo, Hyacinthe Kafando lui a laissé savoir qu’il a eu la vie sauve, parce qu’il ne savait rien des évènements qui se déroulaient. C’est le lendemain 16 octobre, que Hyacinthe Kafando, Ouédraogo Tibo et Gilbert Diendéré sont venus les libérer en leur disant de se tenir tranquilles.
"Nous avons été sacrifiés", dixit Laurent Ilboudo
A la question du président du tribunal de savoir si les éléments de la garde rapprochée du président Sankara n’étaient pas armés au moment des faits, le témoin a affirmé que comme c’était jeudi, jour de sport, ils n’avaient que leurs P.A (Pistolets automatiques) sur eux. Les armes étaient restées dans les véhicules, comme d’habitude. De plus précise-t-il, ils se sentaient en sécurité au sein du conseil puisque même en cas de difficulté les éléments du conseil étaient sensés leur porter secours. Malheureusement déplore le témoin, il n’a vu personne intervenir pour les secourir. Ce qui lui fait dire, que lui et ses compagnons ont été sacrifiés.
Laurent Ilboudo ajoute que c’est Bossobè Traoré, également membre de la garde du président Sankara qui les a trahis, en alertant le commando qui a mené l’attaque. "Si personne ne les alertait, personne n’aurait su à quel moment nous avons démarré et nous sommes arrivés".
"Est ce qu’il y avait des tensions entre la garde du président Sankara et celle de Blaise Compaoré," interroge le président du tribunal. "Oui", répond le témoin. "Et comment se manifestaient ces tensions ?" "Chacun se méfiait de l’autre". Et lorsque le président du tribunal lui demande s’il a évoqué ces tensions avec le président, Laurent Ilboudo répond par l’affirmative. "Mais il disait que si Blaise Compaoré le cherche, il sait où le trouver. Il a dit de ne pas toucher à un seul cheveu de Blaise Compaoré... C’était comme des frères, nous n’avions jamais envisagé que l’un tue l’autre", confie l’adjudant chef major à la retraite.
Armelle Ouédraogo
Lefaso.net
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16h14
L’accusé Bossobè Traoré affirme qu’il était membre du groupe qui assurait la sécurité de Thomas Sankara
Dans une confrontation avec le témoin Laurent Ilboudo, l’accusé Bossobè Traoré affirme qu’il était membre du groupe dirigé par le témoin et qui assurait la sécurité du président Thomas Sankara le jour du drame du 15 octobre 1987.
Dans son récit, il s’en mêle les pinceaux, affirmant tantôt qu’il est monté dans le véhicule de Gouem Abdoulaye pour rejoindre la présidence, tantôt qu’il a fait le trajet à pied.
Le témoin Laurent Ilboudo lui ne tergiverse pas, Bossobè Traoré n’était pas de son groupe le jour des évènements et ce n’est que le 16 octobre qu’il l’a vu à l’hôpital Yalgado Ouédraogo. Il ne faisait donc pas à l’en croire, partie des hommes qui ont assuré la sécurité du président Sankara le 15 octobre 1987.
Il faisait certes partie de l’escorte du président et avait dans le passé servi dans le même groupe que Laurent Ilboudo, mais avait été envoyé dans un autre groupe après un remaniement. Bossobè Traoré contre attaque, en affirmant qu’il avait été rappelé pour réintégrer le groupe de Laurent Ilboudo et que celui-ci avait dû oublier cet aspect des choses.
Face aux tiraillements des deux anciens compagnons d’armes devant le tribunal, le président a tenu à rassurer l’accusé que ce n’est pas parce que Laurent Ilboudo est témoin qu’il dit forcément la vérité et que lui Bossobè Traoré qui est accusé ment. Il ajoute que le tribunal dispose d’assez d’éléments pour réfléchir et que les questions posées ici ne le sont que pour avoir plus de précisions.
Lefaso.net
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18h15
Zidwemba Claude François relate sa version des faits
Zidwemba Claude François était le troisième témoin à déposer ce lundi 06 décembre 2021 devant le tribunal militaire. Membre de la garde rapprochée du président Sankara, il était de service le 15 octobre 1987 avec Ilboudo Laurent comme chef de groupe, son adjoint So Drissa, ainsi que Ouédraogo Walilaye, Ouédraogo Nounou et Tuina Alphonse.
Sa version des faits, est presque la même que celle des deux premiers témoins du jour Ilboudo Laurent et So Drissa. Il affirme avoir pris service à 07h le jour du drame, être resté de 07h à 15h au palais avec le président, avant de faire un tour à la présidence puis d’aller au conseil aux environs de 15h30.
C’est après avoir pris place dans le couloir à proximité du bureau du président en compagnie de Ouédraogo Nounou et du gendarme Soré Paténéma, qu’une voiture fonce sur eux et des tirs se font entendre après. Lui, arrive à se sauver et entre dans le bureau du camarade président. Celui-ci lui demande qui tire et Zidwemba Claude François de répondre, "ce sont des éléments de Blaise Compaoré". Le père de la révolution a alors secoué la tête. Ayant sorti leurs P.A pour se défendre, les assaillants les somment de sortir.
Zidwemba Claude François sort alors en premier et Hyacinthe Kafando le fait coucher par terre. Arzouma Ouédraogo dit Otis, a ensuite tiré sur Der Somda et Ouédraogo Walilaye et se dirigeait maintenant vers Zidwemba. C’est Hyacinthe Kafando qui a alors interpellé Otis en ces termes " ne tire pas sur les enfants".Et ce sont ces propos qui ont sauvé la vie au témoin. Hyacinthe Kafando a ensuite demandé à Otis, qui était sorti en courant du bureau de Thomas Sankara.
Et Otis de répondre que c’était Bossobè Traoré. Et Hyacinthe Kafando de répliquer en ces termes "pourquoi tu ne l’as pas tué ? Il est au courant des choses et il vient ici ?". Ces derniers propos de Hyacinthe Kafando rapportés par Zidwemba Claude François, viennent accabler un peu plus Bossobè Traoré, accusé d’avoir été la taupe qui a alerté le commando qui a attaqué et tué le président Sankara et ses compagnons.
Armelle Ouédraogo
Lefaso.net
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22h54
L’accusé Bossobè Traoré est-il dans de beaux draps ?
L’étau semble se resserrer autour de l’accusé Bossobè Traoré qui avait déclaré être de la sécurité rapprochée de Thomas Sankara. Ce lundi 6 décembre 2021, deux témoins ont battu en brèche ses déclarations. Il s’agit du sergent-chef Laurent Ilboudo et du sergent Drissa Sow. Le premier était le chef de la sécurité du président Sankara et le second, son adjoint.
Accusé de complicité d’attentat à la sureté de l’État et de complicité d’assassinat, Bossobè Traoré s’est toujours présenté comme membre de la sécurité rapprochée du président Thomas Sankara. Lors de son audition le 2 novembre dernier, il avait tracé l’itinéraire du chef de l’État, du palais au conseil de l’Entente en passant par la présidence.
Bossobè Traoré a déclaré avoir relevé dans la matinée du 15 octobre 1987, le groupe de soldats qui a passé la nuit au palais où le capitaine Thomas Sankara accordait des audiences. C’est de là que l’escorte composée du véhicule du chef de l’État et d’un véhicule de la garde aurait fait mouvement vers la présidence. Mais faute de place et en l’absence du troisième véhicule parti en ville pour des courses, Bossobè Traoré affirme avoir fait le chemin à pied avec le soldat Tuina Alphonse.
C’est de la présidence que tous les éléments de la garde rapprochée se sont rendus au conseil de l’Entente en compagnie de Thomas Sankara. Bossobè Traoré dit avoir embarqué dans le véhicule conduit par le soldat Abdoulaye Gouem. Au conseil, l’accusé dit avoir reçu également des instructions de Drissa Sow lui demandant de placer des éléments autour du bâtiment où se tenait la réunion à laquelle participaient le président et ses compagnons.
Ces déclarations qui semblaient tenir la route ont été balayées en partie d’un revers de main par Laurent Ilboudo et Drissa Sow. Les deux soutiendront que Bossobè ne faisaient pas partie de la garde du président Sankara comme il le prétend. Selon le chef de la sécurité, en plus de son adjoint, le groupe de sécurité était composé de trois chauffeurs et des soldats Oualilahi Ouédraogo, Noufou Ouédraogo, Claude Zidwemba et Alphonse Tuina. Mieux, les deux témoins diront à la barre que les véhicules qui ont fait mouvement du palais à la présidence étaient au nombre de trois et non deux. « Il n’y a pas eu de courses en ville. Personne n’est sorti. Tous les véhicules étaient là », a déclaré Drissa Sow.
A propos des instructions qu’il aurait données à Bossobè Traoré, le numéro 2 de la sécurité de Thomas Sankara est catégorique « On ne place pas les gens. Depuis 1983, chacun connait sa place dans le dispositif de sécurité. »
Les avocats de la partie civile ont fait remarquer une autre contradiction dans les propos de Bossobè Traoré. C’est la présence supposée du nommé Paténéma Soré dans la garde rapprochée de Thomas Sankara et qui a été abattu lors des événements du 15 octobre 1987. Pour les témoins, ce dernier ne faisait nullement pas partie de la garde du président. Sûr de ses déclarations, l’accusé sera par la suite hésitant. « Comme ça fait longtemps… J’ai entendu qu’il y a un membre de l’escorte qui est mort, je pensais que c’était le même Paténéma Soré que je connaissais. J’ai raté »
Mais qu’est-ce qui explique l’inaction de la sécurité rapprochée du président Sankara au cours des événements du 15 octobre 1987 ? À cette question de la défense, les témoins brandiront la carte de l’effet de surprise. « On ne s’attendait pas à ça. C’est la même maison. Les soldats ne sont pas venus d’ailleurs », a déclaré Drissa Sow.
Pour le conseil de Bossobè Traoré, Me Maria Kanyili, les deux chefs militaires (Laurent Ilboudo et Drissa Sow) se sont concertés pour mettre la faute sur leur subalterne Bossobè. « Ce sont eux qui ont livré le président au regard de leur inaction, leur non-résistance, leur passivité. Laurent Ilboudo a déclaré devant le juge d’instruction avoir vu Bossobè Traoré au conseil de l’Entente. Et ce soir, il dit autre chose. Pour moi leur témoignage n’est pas du tout sincère ».
À sa suite, Me Aouba Zaliatou dira ne pas comprendre l’absence de riposte de la part de la garde de Thomas Sankara. « On nous dit que c’est l’effet de surprise. On n’informe pas avant de faire une attaque de ce genre. Toute sécurité rapprochée doit être prête à tout moment à être attaquée. Aucun des assaillants n’a été blessé. Personne n’a été inquiété. On reproche à nos clients d’avoir continué à servir le pouvoir de l’époque. Les mêmes éléments de la sécurité de Thomas Sankara ont aussi continué à servir. Et il n’y a rien eu. »
L’audience a été suspendue. Elle reprendra mardi 7 décembre 2021 à 9h à la salle des banquets de Ouaga 2000 avec le témoignage de Claude Zidwemba.
Lefaso.net