Mercredi 10 novembre 2021
Le général Gilbert Diendéré plaide non coupable
« Monsieur le président, pour l’ensemble des quatre chef d’accusation, je plaide non coupable », a déclaré à la barre le général Gilbert Diendéré, accusé d’attentat à la sureté de l’Etat, complicité d’assassinat, recel de cadavre et subornation de témoins.
Avant de raconter sa version des faits sur les événements du 15 octobre 1987, l’accusé qui s’est présenté à la barre avec une pile de documents, s’est incliné devant la mémoire des illustres disparus de ce jour tragique et a présenté ses condoléances aux familles.
« Le 15 octobre 1987, à 9h, j’avais une réunion au conseil de l’Entente avec les responsables de la sécurité du conseil de l’Entente, du capitaine Thomas Sankara et du capitaine Blaise Compaoré. Ceux qui n’étaient pas de service étaient là. Seul Hyacinthe Kafando était absent. Mais il a envoyé trois ou quatre éléments qui devaient lui rendre compte après. C’était une réunion que je qualifierai de régulière car j’avais l’habitude de la tenir pour parler du corps. Mais à cette réunion et compte tenu de la situation, j’ai insisté sur le fait que nous devons faire attention à ce que nous entendons comme rumeurs et qui pourraient avoir un impact négatif sur les éléments de la sécurité que nous étions. Il y avait beaucoup de rumeurs tendant à dire que Thomas Sankara voulait arrêter Blaise Compaoré et que Blaise Compaoré voulait faire un coup d’Etat à Thomas Sankara. Il y avait beaucoup d’intoxication et de tracts orduriers qui s’attaquaient aux deux hommes de façon intime. Ce qui faisait que les gardes des deux camps se regardaient en chiens de faïence. Au niveau des groupes politiques, il y avait des batailles rangées. Au sein du conseil national de la révolution (CNR), il y avait ceux qui voulaient que le CNR explose parce qu’ils avaient été brimés ou sanctionnés. J’ai donc réuni les hommes pour leur dire que nous ne devons pas nous laisser embarquer par les groupes politiques et que nous devons rester militaires », a déclaré le général Gilbert Diendéré.
Il a expliqué à la chambre de jugement qu’après la réunion, il s’est rendu à son domicile sis à la Cité An 3 (Villa 182) pour se restaurer avant de revenir au conseil de l’entente pour se mettre en tenue de sport et se rendre au sport de masse. Une fois au sport, il entend des coups de feu et décide de revenir au conseil en évitant son itinéraire de départ. Pour savoir ce qui se passe, il se déporte à la permanence au niveau de la villa Togo. Il voit des soldats qui lui disent que ça tire au niveau de la salle de réunion. Là, il décide d’avancer, tout en prenant le soin d’éviter les balles.
Il trouve deux soldats près de quelques corps : il s’agit de Nabié N’Soni et de Ouédraogo Arzouma dit Otis. « Je leur ai demandé ‘’qu’est ce que vous avez fait ?’’ Ils m’ont dit que Thomas Sankara voulait arrêter Blaise, donc ils ont pris les devants. Je leur ai demandé où était Blaise. Il (Nabié) m’a répondu ’’ A la maison’’. Je leur ai demandé si Blaise était au courant de leur initiative. Il m’a dit qu’il s’en fout. J’ai fait demi-tour pour aller me changer en tenue treillis à la villa Togo. J’ai appelé Boukari Lingani pour lui rendre compte de ce que j’ai vu. Il m’a dit
de renforcer mes positions. Il m’a demandé si Blaise était là, j’ai répondu non », a déclaré le général Gilbert Diendéré.
« Vers 19h, 20h, Lingani est arrivé avec Blaise. J’ai donné les explications que j’avais reçues du soldat. Lingani et Blaise se sont dirigés vers le bâtiment à trois ailes. Je suis allé à la permanence pour calmer les hommes et prendre les dispositions pour me défendre en cas d’attaque », a déclaré l’accusé qui indique que le bruit courait que l’Escadron de transport et d’intervention rapide (ETIR) de Kamboinsé envisageait un assaut.
Recel de cadavres dans l’affaire Thomas Sankara et douze autres
Accusé de recel de cadavres dans l’affaire Thomas Sankara et douze autres, le général Gilbert Diendéré dit ne pas comprendre pourquoi il est mêlé à cela puisque les corps ont été récupérés par le régisseur de la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou, Tapsoba Karim, sur instruction du commandant Boukari Lingani, alors commandant en chef de l’armée.
« Ce n’est qu’après l’enterrement que le régisseur est venu me tendre un bout de papier contenant les noms de ceux qui ont été enterrés. Il m’a dit qu’il a fait apposer des étiquettes avec les noms des victimes sur les corps. C’est grâce à ces étiquettes que le génie militaire a pu aménager les tombes et que certaines familles ont pu aller se recueillir. J’ai demandé s’il avait rendu compte à Lingani. Il m’a dit oui. », a déclaré Gilbert Diendéré à la barre.
LeFaso.net
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Mercredi 10 novembre 2021
L’Etat, à la fois civilement responsable et victime !
Le procès bat son plein avec l’interrogatoire des accusés. Outre le procureur militaire, qui est la partie poursuivante, la partie civile qui défend les victimes et les avocats des accusés, le procès a également l’Etat burkinabé comme partie. L’Etat y est à la fois comme civilement responsable, cité par une partie des victimes, mais aussi comme victime.
L’Etat est représenté à ce procès par l’Agence judiciaire de l’Etat qui suit de bout en bout le déroulement et intervient au même titre que les autres parties. Quand bien même ils sont, à ce stade de l’interrogatoire, moins intervenants par rapport aux trois autres, ces défenseurs des intérêts de l’Etat « veillent au grain ».
Structure du ministère de l’Economie, des finances et du développement, l’Agence judiciaire de l’Etat est créée en remplacement de l’agence judiciaire du Trésor. Elle a pour principale mission d’assurer une meilleure représentation de l’Etat devant les juridictions et les instances nationales et internationales. Elle exécute également les décisions de justice rendues au profit ou non de l’Etat, recouvre les créances contentieuses ainsi que la gestion des indemnisations des victimes d’accidents de circulation impliquant les véhicules de l’Etat.
La structure est dirigée par le magistrat Karfa Gnanou. Il est assisté par 38 adjoints (agents judiciaires adjoints de l’Etat), spécialistes de divers secteurs d’activités. Ils ont prêté serment le 17 février 2021 devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou.
« Dans ce procès, nous (Etat) sommes cités par une partie des victimes » pour avoir failli à la mission de protection de citoyens à savoir, Thomas Sankara et ses douze compagnons.
« L’Etat est aussi victime, parce qu’il a subi un préjudice. C’est quand même un chef d’Etat qui a été tué. Il était à la tête de l’Etat. De ce fait, il était celui-là même qui était censé donner des ordres par rapport au fonctionnement du pays. Donc, l’Etat a subi un dommage », explique un des membres de l’Agence judiciaire de l’Etat.
Au-delà de cet aspect, poursuit-il, « ce sont nos (Etat) munitions, notre carburant, nos armes…bref, notre matériel qui a été utilisé dans ce drame ».
Dès lors, l’Etat, en tant que partie civile, pourrait poursuivre les coupables pour dommage et intérêt. Et ce, solidairement ou individuellement. Tout comme il pourrait être poursuivi par les victimes pour dédommagements.
Lire aussi Procès Sankara et ses douze compagnons : « L’Etat burkinabé ne dispose, jusqu’à présent, d’aucune pièce du dossier » (Agent judiciaire de l’Etat)
O.L
Lefaso.net