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22 novembre 2021 1 22 /11 /novembre /2021 22:40

On y accède par un monumental escalier en pierres. Le fronton de la  porte d’entrée du Salon Racine, à l’étage de l’Hôtel de ville d’Uzès, porte l’inscription « Théâtre ».  C’est dans cette salle,  aux larges baies vitrées qui s’ouvrent sur la silhouette élégante du Château ducal dont les tuiles vernissées réfléchissent les rayons du soleil de cette fin d’après-midi, que vont se produire trois jeunes altistes au talent prometteur : Tamara Durand (17 ans), Sara Hamdoun (14 ans) et Adèle Vannieuwenhuyze (16 ans),  qu’accompagne le maître Pierre-Henri Xuereb.

Cette salle me rappelle – c’était il y a plus de trente ans – les rencontres électorales que j’y ai tenues et surtout la foule qui s’y pressait lors des réunions avec Nicole Bouyala pour la défense du lycée alors menacé de suppression.

J’y retrouve avec plaisir mes ami(e)s de Viv’Alto, association co-organisatrice de ce concert avec Dal Segno, AMDF, Pradel association et l’Office municipal de la Culture. A la direction, Pierre-Henri Xuereb, professeur d’alto au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et au Conservatoire de Gennevilliers, et, depuis une dizaine d’années, au Conservatoire Royal de Musique de Liège ainsi qu’à l’École Normale de Musique de Paris ; animateur des master-class qui se tiennent à Pâques dans les Cévennes à Lasalle, suivies de la Fête de l’alto en août.

Un public de mélomanes se presse dans la salle. Pierre-Henri Xuereb, très pédagogue, nous présente les jeunes artistes. Je suis chaque fois subjugué par sa proximité amicale, dénuée de paternalisme, avec les artistes. Nous bénéficierons en plus ce soir d’un exposé à l’évidence improvisé sur les caractéristiques originales de la viole d’amour (la viole des Maures) dont il est avec l’alto, un spécialiste : « La viole d'amour est munie de sept cordes mélodiques et de cinq à sept cordes vibrantes en métal, appelées cordes sympathiques qui passent en dessous des cordes frottées, dans le manche, et viennent se fixer sur le chevillier de l'instrument. Elles vibrent (par sympathie, sans les toucher) dès qu'on actionne les cordes de mélodie. » Nous apprenons que la caisse de résonnance de son instrument personnel est en bois d’érable et la baguette de l’archet en épicéa.

Sara, Adèle et Tamara vont chacune à leur tour, nous interpréter en ouverture un morceau de leur répertoire. Successivement, de Jean-Sébastien Bach, l’Adagio  tout en douceur de la Sonate N° 1 ; un extrait très chantant des Menuets 1 et 2 et  le Prélude suivi de Sarabande dansée par Adèle.

De JS Bach à l’honneur ce soir, nous entendrons également Allemande et ses cascades d’une suprême élégance, par Tamara, ainsi que le virevoltant Presto joué par Sara. Outre Ludwig Van Beethoven qui clôturera cette soirée, deux autres compositeurs allemands sont interprétés avec beaucoup d’assurance par Tamara : Max Reger (1873-1916) avec le cri montant crescendo du Prélude, suite en sol mineur, composé à la fin de sa vie, et,  de Paul Hindemith (1895-1963), la longue plainte de la  Sonate opus 25 n°1.

Les quatre altistes, Pierre-Henri, Tamara, Sara et Adèle, nous transporterons en Hongrie avec Bela Bartok (1881-1945) et ses Duos inspirés du folklore. Bela Bartok, le patriote, le démocrate qui s’opposa à Horthy et refusa de jouer pour les nazis.

Deux compositeurs français contemporains étaient au programme : Florentine Mulsant (née à Dakar en 1962), avec le très expressif et déchirant Prélude dédié à son fils disparu à  vingt ans, interprété à la viole d’amour par Pierre-Henri Xuereb et dansé par Adèle (« Le cri furieux de l’art qui refuse l’exil »…),  et Fabien Waksman (né à Roubaix en 1980) que j’avais découvert à Lasalle et avec qui j’avais pu m’entretenir. Je suis à nouveau impressionné et ému par le Kaddish interprété également par Pierre-Henri Xuereb. Pour mémoire, les kaddish sont des prières juives de deuil dont l’origine remonte à la destruction du Second Temple de Jérusalem par les Romains en 70. Plus sombre, me semble-t-il, que lors de la Fête de l’alto de Lasalle en aoùt dernier, avec toujours cependant cette note d’espoir qui affleure par instants.

La soirée se clôturera avec les  Duos de Bela Bartok  par les quatre altistes, après le chant d’une infinie douceur de l’Adagio pour trois altos de Ludwig Van Beethoven, sous la caresse des archets complices de Pierre-Henri Xuereb, de Tamara et de Sara.

Bernard DESCHAMPS

25 novembre 2021

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