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14 novembre 2021 7 14 /11 /novembre /2021 17:45

Discours de Bernard de Montaut-Manse le 17 novembre 1921 à Nîmes.

"Tu as entendu l’appel... "

" Tu as entendu l’appel et tu es venu de tous les coins de la Provence et du Languedoc. A la voix de tes frères, les gardians tu t’es rangé autour du drapeau de la patrie. Beau peuple je te salue !

Aujourd’hui, sous le ciel de Nîmes, capitale de la tauromachie, la Nation Gardiane que tu as vu si souvent dans les fêtes de l’été, vient remplir une tâche sacrée.

Ses tridents sont, aujourd’hui, le signe de la cause Méridionale, les étendards de la terre, le symbole des revendications de notre race !

Il semble que s’accomplisse la prophétie de notre cher et grand d’Arbaud : « A la fête de nos croyances, Nous t’avons apporté, trident de taureaux, Toi que maniaient nos ancêtres depuis la Provence jusqu’au pays Cévenol »

...Mais puisque te voilà, peuple, nous allons nous remémorer ensemble, si tu le veux, la suite et le trésor de tes gloires incomparables.

Salut à toi, cité de Nîmes, qui fus aux premiers temps ; mère d’un empereur ! Ô cité, ton sang superbe a gouverné le monde avec force, avec sagesse, avec bonté !

Rome inattendue, tu as appris à la terre entière, ce qu’un enfant de Nîmes pouvait faire pour le bien de l’humanité, pour l’accroissement de la civilisation.

Ensuite, ô peuple, les années ont couru...Et toi qui avait fait des Rois et des Empereurs, tu as créé, tu as fait naître en ton sein : la liberté, la liberté... non point celle qui est folle, sotte et vaniteuse mais la liberté des hommes qui se gouvernent avec noblesse, avec économie, avec dignité : ô grand peuple, tu as su trouver, en plein Moyen-Age, cette forme féconde et magnifique de gouvernement : la République Consulaire.

Terre du Midi, génératrice de potentats, tu es encore la mère des premières Républiques !

Et tes succès dans le domaine de la politique, tu les a égalés par ceux que tu as remportés, aussi nombreux, aussi brillants, dans le domaine de l’art !

Tu es le peuple de la Reine Jeanne, cette femme d’une beauté divine demeure pour les jeunes gens, pour les poètes, pour tous ceux qui ont un rêve, un amour et une foi le comble de la grâce, la perfection de la grâce, la perfection de l’élégance, de la séduction et de la douceur !

Reine adorable, monument de notre apogée, étoile des vieux Provençaux ! Toi que les générations ont aperçue et verront toujours enveloppée dans l’éblouissement de ta robe de soie et de ta mer Méditerranée, Reine Provençale, devant ton peuple je te salue !

Souviens-toi donc, ô Midi, de tes Empereurs, de tes Républiques, de ta Reine...puis, souviens-toi de tes Troubadours !

Pendant que le monde se rapetissait et se repliait sur lui-même, au tumulte des batailles, dans la routine et dans l’ignorance, ce sont eux tes gais Troubadours qui ont effeuillé sur les coeurs dolents et sur les fronts soucieux la jeune et fraîche Marguerite de la poésie !

Peuple, pense à tes poètes : Ils ont porté le renom de ta langue et de ta politesse jusqu’aux limites du monde civilisé ! Leurs chansons harmonieuses adoucissaient la terre et la faisaient fleurir !

Peuple du Midi, souviens-toi de Bertrand de Born, de Bernard de Ventadour, de Raimbaud de Vaqueiras !...C’est grâce à eux, peuple que ton pays restera éternellement, aux yeux des hommes, la patrie de la poésie et de la beauté !

...Et maintenant, après t’être souvenu de tes gloires, ô mon peuple, souviens-toi de tes deuils, souviens-toi de Muret !

Muret, morne forteresse !

C’est là que par un clair matin sombra la liberté méridionale !

Muret...tombeau où toutes les mères du Midi purent venir se lamenter !

...Muret...Bataille suprême du Nord contre notre Midi ! Date décisive de la croisade où les hommes du Nord nous écrasèrent !...

Il faut que tu saches bien, ô peuple...« La Croisade » de Simon de Montfort venait moins pour protéger le Midi contre une hérésie...que pour lui arracher sa civilisation, ses richesses et sa liberté ! Muret ! Tempête affreuse, coup de corne du taureau en fureur

!...Muret, roche mortelle qui broya nos plus belles fiertés ! A la suite de leurs Comtes valeureux, les Catalans, les Provençaux, les Aragonais, les Aquitains, les Languedociens et ceux des Pyrénées succombèrent en rangs serrés ! Souviens-toi, peuple du Midi, qu’au soir de Muret, disparut le dernier soleil de la grande et libre patrie méridionale !...

Cependant le Midi sauva deux choses de la ruine et de l’oubli. Il garda sa Langue et, parmi ses traditions populaires : ses courses de taureaux !...

Et le Midi, avec le temps est devenu Français...Dès qu’il a fallu, il a volé au secours de la France...Dans la dernière guerre, combien de tes beaux enfants, peuple, ont fermé, en pleine bataille, leurs regards navrés à la lumière et aux douceurs de la vie !

Combien de tes grands hommes, ô peuple méridional, ont sauvé la France !...

Et maintenant, pour te remercier de tes ardeurs et de tes sacrifices, on voudrait t’enlever cette langue et ces coutumes que tu gardes, ô peuple, depuis sept cents ans !...On voudrait les arracher de ton coeur et de tes mains !...

Après que tu as donné tes Empereurs, tes Reines, tes Poètes, et ton sang, on voudrait te rouer de coups et te sucer la moelle des os !...

Ah ! Qu’ils soient maudits ceux-là qui te méconnaissent !

Malgré eux, en dépit de leurs lois, tu garderas ton langage et tu garderas tes courses de taureaux !

...Dans nos grandes arènes, lorsqu’un taureau d’Espagne fait preuve de traîtrise, quand il refuse d’accepter une lutte de vaillance et de loyauté, les matadors lui infligent « les banderilles à feu ». Tu feras de même, ô peuple, avec les lâches et les sots qui n’osent pas t’attaquer en face, qui veulent te prendre sournoisement par derrière, en s’abritant d’un tribunal...Tu planteras sur leurs épaules les banderilles à feu de ton mépris et tu cracheras à leur visage ton dédain !

Aujourd’hui, tu manifestes ta puissance et, te voyant, dans les rues de Nîmes, on peut voir ce que tu es capable de faire pour te défendre !

Peuple du Midi, conscient de ta noblesse et de ta majesté, peuple Roi, fils de Rome, fais savoir ta volonté !

Peuple, toi qui as vu jadis le monde se plier à ta loi, contemple ta capitale d’Arles, se presser dans tes palais et dans tes cours d’amour, s’agenouiller sous les tours d’Avignon, peuple, toi qui vois encore aux jours de courses, la foule innombrable envahir tes arènes et les places de tes villages, peuple, lève toi !

Sauve ta langue !

Sauve tes courses de taureaux ! "

 

Bernard de Montaut-Manse

Avec Fanfonne Guillierme en 1978 à Aimargues./ Nîmes, 14 novembre 2021.
Avec Fanfonne Guillierme en 1978 à Aimargues./ Nîmes, 14 novembre 2021.

Avec Fanfonne Guillierme en 1978 à Aimargues./ Nîmes, 14 novembre 2021.

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