Rarement manifestation avait rassemblé autant de monde pour la Palestine. Nous étions entre mille et mille cinq cents (près de 350 selon Midi Libre) devant la Préfecture de Nîmes, ce samedi 15 mai, à l’appel de France-Palestine-Solidarité (Nîmes), l’Union Juive pour la Paix, BDS et la Ligue des Droits de l’Homme (Gard). Manifestation jeune, très féminine, dynamique, pacifique, autour d’un immense drapeau palestinien et alternant chants traditionnels et slogans pour la paix et contre l’occupation : « Israël casse-toi (yabtaeid), la Palestine n’est pas à toi ».
Plusieurs allocutions ponctuèrent ce rassemblement. Nicole Ziani, dénonça la situation dramatique des Palestiniens et le sens du combat de l’AFPS ; Bernard Deschamps apporta le salut de l’association d’amitié France-El Djazaïr et Jacqueline Charretier exposa les objectifs de l’Union Juive pour la Paix.
Nicole Ziani:
Merci à toutes et tous pour votre présence aujourd'hui qui marque notre solidarité avec le peuple palestinien et notre indignation en direction de ce qu'on appelle la communauté internationale, dont la France, qui porte une lourde responsabilité.
Notre rassemblement n'a pas été interdit. Vous le savez le ministre de l'intérieur a donné des ordres pour que les manifestations soient interdites à Paris, Le président de notre association AFPS a été arrêté, mis en GAV, menotté comme un grand criminel … Les préfectures ont pour consigne de ne rien laisser passer.
Nous avons le droit de contester le régime israélien d’oppression et de domination. Nous avons le devoir de dénoncer les violations du droit international. Nous avons le droit d'exprimer notre colère. On ne nous fera pas taire, mais nous ne leur donnerons pas prise sur nos actions. Ce qui est odieux, c'est que l'une des raisons pour interdire les manifs c'est qu'elles seraient antisémites … Nous luttons de tout temps contre toutes les formes de racisme.
Nous avions programmé ce rassemblement du 15 mai pour lancer la campagne internationale contre l'apartheid israélien, et marquer la commémoration de la Nakba … les événements nous ont rattrapés.
Voilà 73 ans que le peuple palestinien vit dans la négation de ses droits nationaux, 54 ans d’occupation à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, renforcé par 14 ans d'un blocus féroce sur la Bande de Gaza.
Depuis des semaines, l’armée d’occupation harcèle les Palestiniens de Jérusalem. Cette même armée a pénétré dans les lieux saints en pleine période de Ramadan (jusqu’à l’intérieur de la mosquée d’Al Aqsa) pour y tirer sur les fidèles, faisant de nombreux blessés.
Elle a assuré la protection de centaines de militants racistes criant « mort aux arabes » à Jérusalem.
Elle protège les colons armés qui agressent les Palestiniens menacés d’expulsion dans le quartier de Sheikh Jarrah, quartier résidentiel de Jérusalem-Est et à Silwan, autre quartier de Jérusalem, plus populaire, où des centaines de familles ont reçu des ordre de démolitions de leur maison, pour construire « le jardin de David ». Chasser les Palestiniens de Jérusalem pour régler ce qu'Israël considère comme un problème de démographie et sécuritaire.
En Cisjordanie la répression s’abat aussi sur la population : 10 morts hier, 14 mai, assassinés par l’occupant.
Les Palestiniens d’Israël quant à eux paient le prix d’un racisme institutionnel enraciné dans la société israélienne. De nombreux affrontements ont eu lieu dans les villes dites mixtes après qu'un colon ait abattu un Palestinien à Lod. Il faut savoir que la population arabe est victime d'une discrimination systémique, d'un accès inéquitable au logement, aux soins de santé et aux services éducatifs.
Quant à La population palestinienne de Gaza, elle subit, à nouveau, la terreur et les destructions commises par les bombardements intensifs israéliens. Vendredi, on comptait 126 victimes 126 dont 31 enfants depuis le début des affrontements lundi et plus de 950 blessés.
La réponse de la France ? Macron a fermement condamné « les tirs revendiqués par le Hamas et d’autres groupes terroristes visant le territoire israélien, mettant en grave danger la population de Tel-Aviv et d’autres villes israéliennes et nuisant à la sécurité de l’État d’Israël », pas un mot sur les violences commises par Israël. Et Netanyahu n'a pas manqué de remercier tous ces chefs d'Etat : Macron, Biden, Merkel, Kurtz, Jonhson « qui ont défendu le droit naturel à Israel de se défendre ».
Les Marches du retour en 2018, qui se déroulaient dans la Bande de Gaza, chaque vendredi, pacifiques, pour la levée du blocus et réclamer le droit au retour,(résolution 194 de dec 1948) ont été réprimées sauvagement par les snipers israéliens faisant des morts et de nombreux blessés, des amputés, des handicapés à vie … sans que la France s'en émeuve outre mesure …
Ce qui est important dans la situation actuelle, c'est que la jeunesse se trouve à la pointe de la mobilisation, une jeunesse en colère qui a grandi sous le régime d'Oslo avec la promesse de vivre dans un Etat dans les frontières de 1967 et qui a vu toujours plus de colonisation, plus d'annexion, plus de contrôle et de violence de l'Etat israélien. Et surtout l'impunité dont jouit cet Etat qui viole en permanence le droit international et les droits humains. Et devant le peu de perspectives offertes par les dirigeants palestiniens, cette jeunesse en a conclu qu'elle ne devait compter que sur elle. Ces jeunes qui attendait les élections ont dû se rendre à l'évidence qu'elles n'auraient pas lieu.
Inès Abdel Razek, jeune Palestinienne brillante, directrice d'une ONG nous dit « À Jérusalem, ce qui est remarquable, c’est de voir que les jeunes ont brisé la barrière de la peur, car Israël a un système de répression extrêmement efficace ».
Mais ces jeunes paient et vont continuer à payer le prix fort tant que la complicité internationale persistera.
Nous dénonçons la façon dont la plupart des médias grand public reprennent en choeur la propagande israélienne d'apartheid, mettant moralement sur le même plan la violence de l’oppresseur et la résistance de l’opprimé. Il s'agit là d'une inversion typiquement coloniale de la vérité, qui blanchit la violence israélienne en la qualifiant d’« affrontements violents » entre les « deux côtés ».
Nous exigeons de nos responsables politiques, et particulièrement du président de la République française, une condamnation sans nuances et des sanctions contre l'Etat colonial israélien. Il faut en finir avec l'impunité dont jouit cet Etat. Il faut en finir avec l'apartheid israélien ! Les responsables israéliens auront à repondre devant la Cour pénale internationale, de « crimes de guerre » et de « crimes contre l'humanité ».
Nous devons renforcer la Campagne BDS contre Israël, comme nous le demande la Sté civile palestinienne depuis 2005, jusqu'à ce que cet Etat applique le droit international et les principes universels des droits humains.
Ce rassemblement a été appelé par les groupes AFPS Nîmes et Alès, l'UJFP, le Comité BDSF 30 et la LDH du Gard.
Nous remercions les associations, les organisations syndicales et les partis qui ont relayé notre appel ainsi que l'ensemble des personnes qui ont répondu à l'info diffusée sur les réseaux sociaux.
Palestine vivra, Palestine vaincra !
Bernard Deschamps:
Notre cœur saigne à l’évocation des souffrances endurées par le peuple palestinien.
Contrairement à ce que l’on tente de nous faire croire, la cause de ce nouvel embrasement ne réside pas dans l’envoi de roquettes sur Israël par le Hamas dont l’action est certes controversée parmi les Palestiniens eux-mêmes.
L’origine réside d’une part, dans les expropriations arbitraires de familles palestiniennes vivant à Jérusalem, pour les remplacer par des familles israéliennes afin de modifier la composition sociale de la ville, et d’autre part dans les ratonnades auxquelles se livrent des groupes d’extrême-droite contre les Palestiniens résidant en Israël.
Dans un contexte marqué par les manœuvres de Netanyahou pour s’attacher le soutien des partis d’extrême-droite ; par la complaisance du Président des Etats-Unis et par celle d’autres chefs d’Etat parmi lesquels Emmanuel Macron.
Le fait remarquable est la réaction massive et pacifique de la jeunesse à Jérusalem et en Israël contre la politique criminelle de Netanyahou et les agressions de l’extrême-droite.
Vous remarquerez que je n’ai pas utilisé les termes de « Juifs racistes » ou « Juifs orthodoxes », comme je le lis dans certains journaux. Je mets en effet en cause la politique de l’Etat d’Israël et les exactions de l’extrême-droite et non la religion juive. Pas plus que je ne mets en cause l’Islam à l’occasion des attentats perpétrés ces derniers temps en France. Ce n’est pas la religion qui est en cause mais une politique et des actes criminels, même si leurs auteurs prétendent parler au nom d’une religion.
J’assure le peuple palestinien de la solidarité de l’association d’amitié franco-algérienne France-El Djazaïr.
Pour sa part, le Ministre algérien des Affaires Etrangères « a appelé le Conseil de sécurité de l'ONU à "prendre des mesures urgentes pour assurer la protection nécessaire au peuple palestinien et ses lieux sacrés et à mettre fin à ces actes criminels et à la politique d’occupation israélienne des territoires palestiniens. »
Ce déchaînement de violence est également condamné en Israël par le Parti communiste et la coalition Hadash dont il fait partie, en ces termes :
« Dans une tentative désespérée pour se maintenir au pouvoir, Netanyahou nous entraîne dans une guerre dangereuse qui va faire des ravages sur les deux peuples […] Nous exigeons la fin de l’incendie. Nous exigeons la seule solution à la situation : la fin de l’escalade, la fin du siège de Gaza, la fin de l’occupation et la création d’un Etat palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale aux côtés de l’Etat d’Israël. »
Parce que nous sommes sensibles aux souffrances humaines…
Parce que cet embrasement menace la paix mondiale…
Nous devons encore élever le niveau de notre protestation et exiger que la France, l’UE et l’ONU condamnent sans ambiguïté la politique et d’Israël et lui appliquent des sanctions.
Ce que Macron veut empêcher au prix d’une restriction du droit de manifester et en se livrant à une grossière provocation contre le Président national de France-Palestine-Solidarité mis pendant plusieurs heures, menotté en garde à vue.
Nous ne cèderons pas à ces pressions et nous continuerons de manifester notre solidarité avec le peuple palestinien.
Bernard Deschamps
Jacqueline Charretier:
Intervention au nom de l’UJFP .
L’essentiel sur la situation actuelle en Palestine-Israël ayant été très bien dit par Nicole au nom de l’AFPS, suivi du soutien de France El Djazaïr aux Palestiniens par Bernard, je voudrais alors simplement, en ce jour anniversaire de la Nakba de 1948, préciser la situation des familles palestiniennes de Sheikh Jarrah qu’Israël veut, encore une fois, mettre à la rue pour les remplacer par des colons juifs, dans la poursuite de la judaïsation forcée de Jérusalem. Ces familles avaient été chassées de chez elles en 1948 à la création de l’État d’Israël, puis expulsées à nouveau en 1956 de Jaffa et Haïfa où elles s’étaient réfugiées, pour être enfin relogées à Jérusalem Est dans des logements construits suite à un accord entre l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) et la Jordanie qui avait alors mandat sur la Palestine. Ces familles renonçaient alors à leur statut de réfugiées en échange de titres de propriété au bout de 3 ans d’habitation.
Avec leur nouvelle expulsion, nous assistons à la Nakba continue et à l’application du régime d’apartheid israélien.
Ce régime est dénoncé, en Israël même, par des Juifs conscients de leurs responsabilités et par des associations courageuses comme B’Tselem ? Ces juifs, hélas minoritaires, sont d’autant plus remarquables qu’ils sont alors mis au ban de la société israélienne.
Et en France, l’UJFP (Union Juive Française pour la Paix) qui a été créée en 1994 pour dire « pas en mon nom » face à la politique colonialiste et raciste d’un État, Israël, qui dit parler au nom de tous les Juifs, mène avec tous ses militants, juifs et non juifs, un combat :
- contre l’apartheid et toutes ses conséquences
- contre tous les racismes, dont l’antisémitisme
- pour l’appel palestinien au BDS
- et pour une paix fondée sur l’égalité des droits au Proche Orient, conscients hélas que sans sanctions, les massacres se reproduiront.
Jacqueline Charretier