Secrétaire de la section communiste de Sétif, célébré par le Parti Communiste Algérien pour avoir été une des victimes du 8 Mai 1945, survivant à ses blessures et poursuivant son activité militante pour une Algérie algérienne.
Né en 1893, il avait cinquante-deux ans au 8 Mai 1945, Albert Denier est alors contrôleur principal des PTT à Sétif. Homme de relations, très accessible aux Algériens « indigènes », fort estimé, Albert Denier est le secrétaire communiste de la ville ; bien que sans fonction élue, il est donc le premier responsable du PCA (Parti communiste algérien).
Le matin du 8 Mai 1945, le cortège de célébration de l’armistice se rend au Monument aux morts pour déposer des fleurs, y compris le groupe des Scouts musulmans avec ses bouquets, et le cortège propre des AML, comptant environ 2 000 personnes, le plus généralement des ruraux. L’avancée des manifestants est rompue en deux parts quand un policier français abat le porteur du drapeau algérien dans le cortège scandant « Libérez Messali » sur lequel s’abattent des tirs depuis les balcons des maisons « européennes ». L’arrière du cortège est refoulé en arrière vers l’entrée de la ville ; les gendarmes français ouvrent le feu et font un massacre. La panique et la bousculade gagnent les manifestants arrivés sur la place du monument aux morts ; parmi les victimes « européennes », quelques dizaines, le maire de la ville Édouard Deluca, atteint par une balle au ventre et le communiste Albert Denier, gravement blessé aux poignets en se protégeant des coups.
Le maire E. Deluca, avoué de profession, était radical-socialiste (et non pas socialiste), franc-maçon, « ami personnel de Ferhat Abbas » et venait de rétablir la collaboration de la municipalité avec ce dernier et ses partisans, malgré l’hostilité de colons puissants. Selon F. Abbas, E. Deluca envisageait d’adhérer aux AML. Sur son lit de mort, le maire désignera comme étant l’assassin, un ancien adjoint municipal « Français-européen ». Les témoins confirment que le ou les deux tireurs, l’ancien adjoint au maire et un complice, étaient « européens ».
Albert Denier est renversé dans la bousculade et blessé aux avant-bras par une serpe, outil paysan. « La tradition orale, rapporte Annie Rey-Goldzeiguer, veut qu’il ait été agressé parce qu’il portait un chapeau ». En toute méconnaissance, pris pour un colon. Il fut sauvé par un collaborateur de Ferhat Abbas qui l’avait reconnu. .Transporté à l’hôpital, les entailles seront mal soignées et il sera amputé des deux mains. Prise de zèle, la police fit défiler devant son lit d’hôpital des suspects arrêtés en nombre. Albert Denier se refusera toujours à quelque reconnaissance que ce soit.
Dans la presse, et particulièrement dans la presse communiste, sera reproduite fréquemment une photographie d’Albert Denier montrant les moignons que les chirurgiens lui ont laissés, malheureusement avec une légende disant qu’il a été mutilé à coups de hache par les émeutiers. Albert Denier restera communiste exemplaire par sa dignité jusqu’à sa mort à Sétif en 1956.
POUR CITER CET ARTICLE :
https://maitron.fr/spip.php?article156941, notice DENIER Albert [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 21 février 2014, dernière modification le 1er mars 2017.
Par René Gallissot