Dans la préparation du rassemblement contre l’appel à la sédition, islamophobe et raciste, de 20 généraux français, une amie m’a adressé un texte qui comporte le passage suivant :
« l'islamisme politique est une idéologie d'extrême droite ( rétablir l'ordre et verrouiller les libertés, imposition de modes de vie, de pensées, le religieux gouvernant, hiérarchisation de la sphère publique et politique en échos à celle du domus (le domicile), chacun à sa place, femmes infériorisées, discriminations multiples, xénophobie). Le tout au service d'un ou de clans, castes et classe sociale bourgeoise possédante dont l'enrichissement n'est jamais contesté mais encouragé. L'Arabie Saoudite en est un exemple manifeste. »
Alors que la pandémie de covid 19 amplifie et aggrave tous les maux dont souffrent nos sociétés, chômage, misère, difficultés à se soigner, etc, avec leur lot de souffrances vécues par une majorité de nos concitoyens, il est tentant de refuser le débat sur des sujets tels que la laïcité, l’immigration, l’islam…que les nantis nous jettent en pâture, comme des chiffons rouges, pour nous détourner des problèmes sociaux.
Une chose est de ne pas se laisser accaparer par ces leurres, et de déserter les problèmes du quotidien ; autre chose est de refuser le combat sur le terrain choisi par l’adversaire. S’il a choisi ces sujets complexes, c’est précisément parce qu’ils divisent. Nous ne pouvons donc pas éviter d’en débattre, à leur juste place, afin de surmonter ces divisions.
Alors réfléchissons au texte de cette amie. Que signifie l’expression « islam politique » ? Toutes les religions sont politiques. Lorsque le Pape se prononce contre l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG), c’est une prise de position politique, de même que ses déclarations en faveur de la Paix dans le Monde ou sa célébration de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 devant les membres du Corps diplomatique accrédités au Vatican. Nous ne les qualifions pas de « catholicisme politique ». Quand la Grande Mosquée de Paris et les fédérations musulmanes de France condamnent : «tous ceux qui instrumentalisent l’Islam à des fins politiques, diplomatiques ou mercantiles », c’est une déclaration politique. Pourquoi refuser aux musulmans les prises de position politiques et suspecter l’Islam à priori? Comme toutes les croyances religieuses, la foi musulmane est une quête de sens comportant des règles morales. Selon les époques et les pays ces règles évoluent et l’on trouve aussi bien dans les Evangiles que dans le Coran, des professions de foi d’amour du prochain que des proclamations guerrières historiquement datées. Je ne crois pas personnellement en un Etre suprême. Ce sont les humains qui créent les religions. Je critique donc et combats toutes les déclarations et les actes qui me paraissent in-humain(es), mais je ne considère pas la foi religieuse comme potentiellement porteuse d’actes contraires à l’humain. L’Islam n’est pas plus que la foi chrétienne, potentiellement terroriste. Ce que j’avais traduit lors d’une manifestation par: « Allahou Akbar n’est pas plus criminogène que « Je vous bénis au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », qui m’avait valu des menaces de la part du groupe d’extrême-droite Riposte laïque. La laïcité n’est pas antireligieuse, elle est au contraire le droit de croire ou de ne pas croire et de pratiquer sa religion y compris en public.
Le tableau de l’Arabie Saoudite que décrit cette amie est malheureusement exact, mais l’Islam n’en n’est pas responsable, même si ses dirigeants s’y réfèrent. Ce régime dictatorial et arriéré a des origines historiques de classes (sociales). Ne nous laissons pas entraîner sur le terrain des stigmatisations religieuses. L’histoire de la France et singulièrement de nos Cévennes devrait nous prémunir contre une telle dérive.
Bernard DESCHAMPS
29 avril 2021
(Dessin : Le Massacre de Nîmes, Michelade (30 septembre 1567)