« Je suis une femme racisée, une femme issue de l’immigration, peu importe le mot, tu comprendras aisément ce que je veux dire. Et ce fait est important, car cela fait de moi la femme que je suis, et que mes combats pour l’égalité et contre les discriminations est essentiel, il est inscrit en moi. En adhérant au parti communiste, je m’étais faite une promesse, celle de rester cohérente avec moi-même, et d’avoir la liberté de partir quand l’heure viendrait sans me perdre, sans me salir et sans déshonorer mes luttes et engagements, sans oublier d’où je viens.
Cette heure est venue. Cela fait des mois que je me couche en me disant je rends ma carte, mais à la veille de la conférence nationale, je me suis levée ce matin et je rends ma carte. »
Le parti communiste partage une des plus grandes crises de son histoire. Si le débat stratégique l’illustre, comme en témoigne la violence du débat en cours autour des enjeux de 2022, la crise se situe surtout sur les champs organisationnels et idéologiques.
Partout en France, les communistes débattent sur la seule alimentation d’un conseil national miné par son incapacité à affronter les débats politiques de notre temps. Si nous pourrions longtemps débattre des nombreuses thématiques sur lesquelles nous sommes en difficulté, soit parce que nos propositions sont obsolètes et peu transformatrices, soit parce qu’elles ne rassemblent pas les communistes, bien au contraire, nous avons décidé aujourd’hui de prendre la main sur la question de l’antiracisme.
Depuis des années, un débat larvé entre deux visions du monde au sein de notre parti empêche tout véritable débat sur ces questions. Une commission nationale existe pourtant depuis des années, animée par des camarades compétents et volontaires, elle a toujours été reléguée au rang de faire valoir, ou pire humiliée et marginalisée.
Les derniers votes de nos parlementaires, ainsi que le positionnement de notre secrétaire national sont les gouttes d’eau qui nous amènent aujourd’hui à proposer la mise en place d’un nouvel espace de discussion et de construction entre les communistes.
Que veulent dire ces votes et ces expressions ? Que signifie le soutien ou la non opposition de la majorité des parlementaires communistes (comme on l’a souvent dit, s’abstenir c’est voter F-Haine) ?
Que signifie le positionnement hasardeux de Fabien Roussel sur les réunions non-mixtes, réunions désavouées parce qu’elle mettrait en doute l’universalité des luttes ? Mais elle est où l’universalité des luttes ?
L’offensive raciste, particulièrement islamophobe est sans précédent et d’une extrême dangerosité. Et nous prenons la mesure de cette offensive à la fois dans la dimension décomplexée des pouvoirs en place et de l’extrême-droite, mais également en lisant dans des contributions de notre parti que celui-ci ferait l’objet d’une forme d’entrisme islamiste (fallait quand même y penser).
Plus que jamais, nous pensons que si l’antiracisme est boycotté par notre direction, c’est parce qu’elle est d’un côté composé de personnalités n’ayant jamais vécu cette domination, mais également parce que nous n’avons jamais dépassé la peur de perdre notre électorat. C’est certainement ce dernier élément qui nous inquiète le plus. D’abord parce qu’il reste à démontrer quel est notre électorat et ensuite parce qu’il révèle la conception larvée que nous en avons. Cet électorat serait-il si abêtit qu’il ne pourrait résister au discours de l’extrême-doite ?
Nous pensons exactement l’inverse, nous pensons d’ailleurs que si nous devons reconstruire un électorat, ce doit être non pas en cherchant le plus grand dénominateur commun mais au contraire en additionnant dans un tout multiple la somme des plus petits. Nous ne croyons pas à un commun universel gommant les différences, nous croyons à un commun multiple permettant à chacun de s’insérer dans un collectif humain sans jamais renier ce qu’il est fondamentalement.
En bref, nous refusons de continuer sur cette pente glissante. Et nous refusons de seulement nous indigner, nous vous proposons de nous réunir afin de définir un nouveau corpus antiraciste pour le PCF. Une analyse fine, une parole donnée aux victimes que se soit par leurs nécessaires échanges ou en leur donnant les moyens d’animer directement la lutte, et enfin des propositions et engagements de combat capables de nous mettre en mouvement.
Aussi nous proposons la mise en place d’un nouvel espace de débat et de travail au sein du PCF, un espace ouvert, propriété de ceux qui l’alimenteront et qui fera des propositions constructives aux directions du PCF.
Un dernier mot, il y a deux manières d’envisager l’universalité des luttes. La première consiste à les hiérarchiser et à choisir celle, prioritaire, qui doit guider les masses vers leur libération. La seconde consiste à reconnaître tous les mouvements engagés pour la libération humaine, ce mouvement que nous pourrions appeler communisme…
Mehdi MOKRANI