« Le petit garçon courait sur la plage éclairée par le soleil de l’aube.
Le monde était rose, orange, bleu, mauve.»
Cette image paisible est cependant bientôt démentie. Titos, c’est son nom, fuit le village de la Douceur dont les habitants pacifistes, les Amis - « L’égoïsme n’existait pas dans la Douceur.» - ont été atrocement massacrés et leurs maisons détruites par les Autres, venus du continent pour les convertir au Vrai Dieu . Il sera bientôt rejoint par Galia, fille d’une autre communauté, les Solitaires, également pacifique mais sachant se battre, qui le prendra sous sa protection.
La scène se passe dans les Iles Cyclades aux alentours de 2030, dans un monde détruit par les dérèglements climatiques et la Grande Panne qui a anéanti tous les réseaux électriques et informatiques. Un monde ravagé par des guerres intercommunautaires.
VIVONNE (Jérôme Leroy, Editions La Table Ronde, Paris, janvier 2021) est le patronyme d’un poète confidentiel Adrien Vivonne, dont les ouvrages imprégnés de douceur et de joie de vivre, vont devenir les livres de chevet de millions d’êtres humains en quête de nouveaux horizons.
Paris, 2005. Un typhon d’une puissance sans précédent s’est abattu sur la France. Plusieurs villes sont inondées dont Paris et Montpellier. Les grands boulevards parisiens sont submergés par des eaux boueuses qui charrient des cadavres et des carcasses de voitures. Des immeubles s’effondrent. Alexandre Garnier, son directeur, et le personnel de la maison d’édition Les Grandes Largeurs sont cloîtrés dans leurs bureaux. Les Dingues, un groupe fascisant, ont accédé au pouvoir dans une France « libanisée » où s’affrontent des milices armées de diverses obédiences, La Colonne de l’Ouest et Nation Celte, , les Nouveaux FTP dans le Limousin, Les Occitans, les Salafs, ZAD Partout…Les drones gouvernementaux sillonnent le ciel de l’Ile de France, seule région encore sous contrôle de l’Etat.
Alors que je terminais la lecture de ce roman d’anticipation, la télévision montrait les images des crues en Charente et le déluge qui a déferlé dans la vallée de Dhauliganga en Inde, à la suite de l’effondrement, en raison du réchauffement climatique, d’un glacier de l’Himalaya, et le journal l’Humanité, analysant la situation politique en France, évoquait lundi 8 février, le danger d'une possible victoire de Le Pen en 2022 . L'épilogue de VIVONNE se déroule dans les Iles Cyclades, où les protagonistes de ce récit croyaient pouvoir échapper à l’effondrement de nos sociétés. Mais nulle partie du monde n’est à l’abri. La fuite pour un Ailleurs est illusoire, c’est ici, sur place que nous devons nous battre pour enrayer la marche à la catastrophe. Ce que ne dit pas l’auteur, mais que son ouvrage me suggère.
Par contre, il nous dit la société française des années 80, à travers le parcours d’Alexandre Garnier, d’Adrien Vivonne, de Françoise et Michel Vivonne, ses parents et de ses grands-parents communistes; de leur(e)s ami(e)s, Lili Vascos un amour de jeunesse, Estelle Nowak dont Vivonne aura une fille Chimène qui deviendra un temps une terroriste de Nation Celte, Béatrice la bibliothécaire de Doncières, Corinne la libraire de Saint- Malo, Agnès Villehardouin qui entrera dans les Ordres…Il nous dit le parcours sanglant du Nain et de Chimène…Et partout, les livres d’André Vivonne, notamment Mille visages qui dans sa quête inlassable de l’au-delà de « la porte du fond du jardin », suggère aux lecteurs ce que pourrait être « la joie du siècle doré ». Une sorte de « communisme primitif » à l’image de « Au temps d’harmonie » de Paul Signac (photo ci-dessous).
Dur, insoutenable parfois, ce roman n’est pas désespéré. L’espoir existe tant qu’il y aura des poètes et des peintres pour imaginer le futur…
Bernard DESCHAMPS
8 février 2021