(Modifié le 2 décembre 2021 à 20h.)Le 20 janvier 2001, Georges W. Bush devient officiellement le 43ème président des Etats-Unis. Le 2 février, Alfred Sirven, ex PDG d'Elf-Aquitaine, est arrêté pour corruption à 60 km de Manille aux Philippines. Le 10 mai, le parlement français vote une loi déclarant l'esclavage crime contre l'humanité. Le 11 septembre, deux avions de ligne piratés par des terroristes percuteront les tours géantes du World Trade Center, à New-York. Un avion s'écrasera à Washington sur le Pentagone et  un autre en Pennsylvanie. Les talibans d'Afghanistan et Oussama Ben Laden, chef du réseau terroriste Al-Qaida, seront accusés d'avoir organisé ces attentats-suicides qui feront  2976 morts.

   En Algérie, la page sanglante de la « décennie noire » n’était pas tournée. Quelques mois après son élection à la présidence de la République, Abdelaziz Bouteflika avait fait adopter le 8 juillet 1999, la loi de « Concorde civile » destinée à réintégrer dans la vie civile les terroristes qui manifestaient leur volonté de renoncer à la violence armée. Ce projet de loi avait été approuvé par voie référendaire le 16 septembre 1999, à 90 % de votants. Poutine avait reçu Abdelaziz Bouteflika en visite officielle à Moscou du 3 au 6 avril 2001.

   Le 18 avril 2001, à deux jours de la commémoration du Printemps berbère d’avril 1980, Massinissa Guermah, un jeune lycéen âgé de 18 ans, est mortellement blessé par une rafale d'arme automatique tirée par un gendarme dans les locaux de la gendarmerie de Beni Douala (Ath Dwala) en Kabylie. Cet événement est l'élément déclencheur de la révolte kabyle.

   Le 23 avril, des milliers de citoyens affluent vers Amizour. De violentes émeutes ont lieu pour dénoncer les injustices et les abus d'autorité. De nombreux bâtiments officiels sont détruits par le feu ou pris d'assaut par les jeunes émeutiers. Les manifestations sont réprimées par les forces de l'ordre (notamment la gendarmerie nationale) qui tirent à balles réelles. La répression fera plusieurs dizaines de morts et des centaines de blessés, très jeunes pour la plupart.

    Le 22 mai, plus de 500 000 algériens manifestent à Tizi Ouzou en Kabylie et le 16 juin, 600 000 défilent à Alger, contre la répression en Kabylie.

    C’est dans ce contexte que le 8 août 2001 s’ouvre à Alger, le 15^e Festival de la Jeunesse et des Etudiants organisé par la Fédération Mondiale de la Jeunesse Démocratique, organisation marxiste et anti-impérialiste. Ce rassemblement de délégations venant de 140 pays (Danemark, Grèce, Congo, Sénégal, Emirats arabes-Unis, Syrie, Jordanie, Brésil, Islande, Palestine, Viêtnam…), avait pour thème: «Globalisons la lutte pour la paix, la solidarité, le développement, contre l’impérialisme». ll fut à l’époque dénoncé par les organisations démocratiques en France et en Algérie, comme une mascarade destinée à faire oublier la répression de la Révolte Kabyle du mois d’avril 2001. Le Mouvement de la Jeunesse Communiste de France notamment avait refusé d’y participer et le quotidien l’Humanité, sous la plume d’Hassan Zerrouky, écrivit:   « " C'est quoi ce Festival de jeunesse " has been ", sous haute surveillance, quand on sait que près de 80 jeunes ont été tués en Kabylie ", s'insurge Nazim, membre du CEA (Comité estudiantin autonome)[…] Tout a été mis en oeuvre pour sa réussite. Alger a subi un véritable lifting : façades des immeubles repeintes en blanc, trottoirs et rues refaits, cités universitaires, dont la plupart étaient dans un état d'abandon, et qui doivent accueillir les délégations, remises à neuf, salles de spectacles et de concerts rénovées, etc. Et pour ce faire, pas question que cette messe grandiose […] soit perturbée par des manifestations hostiles au pouvoir. Les accès au stade du 5-Juillet ont été bouclés dès lundi soir par d'importantes forces de police antiémeutes. La capitale est ni plus ni moins quadrillée comme aux plus forts moments du terrorisme du GIA. En outre, la Kabylie est coupée du reste du pays depuis lundi. »

    Près de 8 000 jeunes participèrent à ce festival boycotté par la Kabylie « en deuil ». La délégation marocaine, forte de 142 membres, s’était retirée dès le deuxième jour du festival à la suite d’un incident avec une délégation de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD, proclamée par le mouvement indépendantiste du Polisario).

   Ce Festival de la Jeunesse n’était-il qu’une mascarade destinée à faire oublier la répression du Printemps noir ? Certes, il tombait à point nommé, mais la réalité, comme souvent en Algérie, est plus complexe. D’une part, ce n’est pas Bouteflika qui avait décidé de la tenue de ce 15^e Festival, mais la FMJD, et l’on dit que le militant communiste français Claude Gâtignon, son ancien secrétaire général, joua un rôle important dans son organisation. D’autre part, Abdelaziz Bouteflika se démarquera ultérieurement de la répression d’avril 2001 qu’il condamnera le 27 février 2009 lors d’un meeting à Tizi-Ouzou.(1) Enfin, et c'est sans doute l'essentiel, les mots d'ordre du festival étaient en adéquation avec la traditionnelle politique extérieure de Paix de l'Algérie.(2)

Bernard DESCHAMPS

1^er janvier 2021

        1- (REVOLUTION, Bernard Deschamps, juillet 2020, pages 204 à 207.

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2-   Ouvrage cité, pages 246 à 257)