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23 décembre 2020 3 23 /12 /décembre /2020 07:18

A la lecture de Naissance du communisme gardois, 1914-1926, par Raymond Huard, préfacé par Vincent Bouget, secrétaire départemental du PCF, j’éprouve un  profond sentiment de gratitude pour ces militants qui firent en 1920 le choix d’adhérer à la IIIe Internationale et de créer le Parti communiste Français.

Je suis d’autant plus sensible au récit de Raymond Huard que j’ai connu plusieurs de ces militants dont certains avaient à peu près l’âge que j’ai aujourd’hui : Fernand Corbier l’emblématique dirigeant des mineurs CGT des Cévennes, Maire de La Vernarède,  qui sera membre du cabinet de Marcel Paul le  ministre communiste de la Production industrielle à la Libération; Isidore Michel également mineur et syndicaliste CGT alors Maire de Le Martinet la première commune communiste de France; Jules Monleau modeste et efficace agent de liaison dans la Résistance, instituteur à Fourques dans le canton de Beaucaire dont je fus le Conseiller général pendant 19 ans ; Charles Plantier, petit propriétaire terrien, Maire de Canaules dont l’éloquence et l’érudition me subjuguaient ; Louis Roddes d’AIgues-Mortes où j’ai exercé pendant dix ans comme instituteur. Louis Molinier (le père de Jean Molinier) qui fut secrétaire départemental (on disait fédéral) du parti dans le Gard…

Au Congrès de Tours du Parti Socialiste en décembre 1920, la question posée était celle de l’adhésion ou non à l’Internationale communiste (la IIIe)  donc de l’acceptation des 21 conditions imposées par les bolcheviques russes.

Avec le recul, connaissant ce que l’on sait aujourd’hui de l’Union Soviétique, ce choix peut  paraître singulier,  voire comme une erreur. Et pourtant. Rappelons-nous ce qu’était la situation en 1920. La Première guerre mondiale, dont la France et l’Europe étaient sorties depuis deux ans à peine, avait fait dix millions de morts civils et militaires  et  vingt millions de blessés. Tous les villages de France en demeurent marqués dont  les Monuments aux Morts en portent témoignage. Non seulement les partis socialistes avaient été dans l’incapacité d’éviter cette hécatombe, mais dans certains pays comme la France, leurs parlementaires avaient voté en faveur des crédits de guerre demandés par les bourgeoisies au pouvoir. Il fallait rompre avec ces pratiques de collaboration de classes à l’exemple des révolutionnaires russes, les Bolcheviques qui venaient en 1917 d’accéder au pouvoir sous la direction de Lénine. Ils devenaient le phare et le modèle du changement fondamental qu’appelaient nos sociétés. Certes les 21 conditions témoignaient de conceptions autoritaires et ne tenaient pas compte des spécificités nationales. Ainsi la 12e condition : « Les partis adhérents à la 3e Internationale devront être édifiés sur le principe de la centralisation démocratique, ils auront une discipline de fer confinant à la discipline militaire. », ou encore la 3e, reflet d’une autre époque : « Création dans tous les pays d’un organisme clandestin parallèle à l’organisation légale du parti.» Mais elles permettaient d’engager une rupture radicale avec les pratiques de la social-démocratie et certaines d’entre-elles comme la 8e permirent au jeune parti d’être fidèle à son idéal internationaliste : « Lutte contre l’impérialisme colonial et soutien actif aux mouvements d’émancipation. »

Par-delà les erreurs et les fautes (et les crimes)  du PCb.  et de l’Union Soviétique – souvent imputables d’ailleurs aux conditions historiques de la Révolution d’Octobre - je suis reconnaissant aux camarades de cette époque d’avoir fait ce choix et d’être à l’origine d’un parti qui a marqué profondément  la France au cours du XXe siècles. Ce fut un choix difficile et il serait injuste de leur reprocher les hésitations, les erreurs, les allers et retours. Je sais gré à Raymond, en historien conséquent, de ne pas porter, contrairement à d’autres,  de jugements de valeur sur ces camarades qui ont permis à notre parti d’apprendre à marcher.

Dans le Gard, l’adhésion à la IIIe Internationale fut votée par 50,8% des 2583 adhérents du parti. 8,3% votèrent contre et 40,9% se portèrent sur la motion Longuet.

Le titre de l’ouvrage n’est pas anodin : Naissance du communisme gardois…Il y a en effet un « communisme gardois » avec ses spécificités. Cela m’a particulièrement frappé lorsque, venant des Deux-Sèvres, je suis arrivé dans le Gard en janvier 1956. Le poids décisif des ouvriers et notamment des mineurs des Cévennes dans les directions du parti et le rôle important des petits exploitants agricoles. Les références constantes aux traditions de luttes des Camisards pour la liberté de conscience. Un état d’esprit rebelle hérité lui aussi des Camisards qui fait des communistes gardois pourtant légitimistes, des adhérents parfois  indisciplinés (J’ai plusieurs épisodes en tête que j’évoquerai en d’autres occasions). Un sens aigu de la solidarité internationale qui se manifesta contre l’occupation de la Ruhr en 1923, contre la guerre du Rif en 1925 et en faveur de Sacco et Vanzetti, que l’on retrouvera contre les guerres coloniales dans les années 50/60. Un ancrage municipal important…

Raymond Huard met l’accent sur la filiation entre l’ancien parti socialiste influent dans le Gard et le jeune parti communiste qui à l’origine se faisait appeler Parti socialiste-communiste. Le PCF en effet ne fut pas créé ex-nihilo, mais greffé sur le parti socialiste en continuité et en rupture avec celui-ci. C’est sans doute, avec la composition sociologique du département, une des raisons de son ancrage qui persiste à notre époque en dépit de tous les bouleversements.

Bernard DESCHAMPS

23 décembre 2020

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commentaires

B
Sodol qui a été un très bon maire communiste d'Aigues-Mortes, en vieillissant se social-démocratise.
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S
NON ! Je ne suis pas devenu social-démocrate. (C'est un peu court comme réponse argumentée... D'autres disent populistes ou islamo-gauchiste... C'est un manière d'éviter tout débat argumenté en voulant d'entrée disqualifier la personne...) <br /> <br /> Oui Jean Longuet avait vu juste. Petit-fils de Karl Marx et proche collaborateur de Jean Jaurès, il savait de quoi il parlait. 100 ans après il serait temps de l'honorer.
S
Heureux d'apprendre que dans le Gard la motion Longuet obtint 41 %... Jusqu'il y a peu, dans la mémoire collective on ne retenait du congrès de Tours que l'affrontement entre Blum et Cachin, entre réformistes et révolutionnaire...<br /> Avec le recul c'est Longuet qui avait raison!<br /> <br /> Ci-dessous le texte que je diffuse:<br /> <br /> En décembre 1920, au congrès de Tours, qui avait raison ? <br /> Léon Blum ? Marcel Cachin ?... Et si c'était Jean Longuet ?<br /> Au congrès de Tours, il n’y avait pas que la motion Cachin et la motion Blum... Il y avait aussi la motion Longuet (*). Jean Longuet était pour l’adhésion à la 3ème Internationale mais il n’acceptait pas les 21 conditions et notamment l'article 17 qui mentionnait que le parti doit respecter les directives centrales de la IIIe Internationale (c'est-à-dire qu'ils ne sont plus libres de leur politique). A l’ouverture du congrès :<br /> • la motion Cachin a 3208 mandats,<br /> • la motion Longuet 1022, <br /> • la motion Blum 397. <br /> … Sur ordre de Zinoviev (le délégué de la 3ème Internationale), Longuet et ses partisans ne furent pas admis dans le nouveau Parti qui allait prendre le beau nom de Communiste... Mais l’histoire n’a-t-elle pas donné raison aux craintes de Jean Longuet ?... Ainsi qu’aux inquiétudes de Rosa Luxembourg ? Tout en soutenant, face aux Sociaux-Démocrates allemands, la Révolution d’Octobre, Rosa Luxembourg, alors en prison, écrivait à Lénine et Trotski (Staline ne comptait guère en 1919), pour faire part de ses critiques sur la tournure que prenait, dans certains domaines, le pouvoir bolchevik.<br /> (*) Jean Longuet était le petit-fils de Karl Marx et un des plus proches collaborateurs de Jean Jaurès. <br /> Au journal l’Humanité, il s’occupait des questions internationales et il fut un des premiers socialistes à dénoncer la guerre; il alla même jusqu’à dénoncer le traité de Versailles. C'est lui qui, le 18 septembre 1919, dans un discours courtois, mais très construit et ferme sur le fond, exprime l'opposition des socialistes à la ratification du Traité de Versailles devant la Chambre des Députés. <br /> L'importance de ce discours se situe moins dans l'affirmation que le traité ne règle pas les questions sociales et que les conditions de la paix préparent une nouvelle guerre, ou dans le soutien à la Russie des soviets, que dans l'affirmation publique d'un engagement aux côtés des peuples colonisés à une époque où l'anticolonialisme n'était pas un thème majeur de la gauche.
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B
De Raymond HUARD: Cher Bernard, Merci infiniment pour ta lecture attentive de ce petit livre et les réflexions qu'il t' a suggérées et dont je fais bon profit.Bien amicalement et avec mes meilleurs voeux pour 2021, Raymond
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