Dans les derniers jours d’avril 1958, Marc Sagnier, un jeune ouvrier communiste d’Aigues-Mortes, mobilisé depuis le 4 janvier pour accomplir son service militaire, écrit au Président de la République française, René Coty. Il lui indique qu’il souhaite accomplir ses obligations militaires afin de servir la France, mais qu’il refuse de faire la guerre au peuple algérien en lutte pour son indépendance. Il renouvelle cet engagement par écrit au lendemain du coup d’Etat militaire du 13 mai 1958. Il est embarqué de force pour l’Algérie, où sans jugement, il accomplira 11 mois de bagne à Timfouchy dans le Sud algérien. Sa santé restera gravement affectée par les sévices qui lui furent infligés. Marc (nous l’appelions Yvan), fils d’un cheminot ancien Résistant FTPF, était membre du PCF et un des responsables du cercle des Jeunesses Communistes que nous avions créé en 1956 et qui comptait quelque 70 adhérents. Tout au long de sa longue détention, parallèlement à la solidarité, nous avons réussi à correspondre clandestinement avec lui.
Depuis la guerre du Rif en 1925, le Parti communiste Français a une longue tradition de lutte anticolonialiste, dans le prolongement des analyses de Marx et conformément aux injonctions de la 8e condition d’adhésion à la IIIe Internationale.
Avec certes, parfois des retards ou des erreurs qu’il s’efforcera toujours de corriger. Ainsi, la première déclaration du Bureau Politique du PCF concernant le soulèvement du 1er novembre 1954, n’interviendra que le 9 novembre. Elle soulignait « le bien-fondé de la revendication à la liberté du peuple algérien», mais le parti ne se prononcera pour l’indépendance que quelques mois plus tard. Il y eut également en 1956, sur décision du Bureau Politique, animé de la volonté de surmonter les divisions de la gauche, le vote des députés communistes en faveur des « pouvoirs spéciaux » demandés par le Président socialiste du Conseil, Guy Mollet, pour combattre les factieux de « l’Algérie française », mais qu’il emploiera pour réprimer le peuple algérien.
Les Communistes du Gard et une large fraction de la population prirent une part active à ces combats qui dominèrent la vie politique française de 1945 aux années 70. Avant 1954, le PCF avait engagé toutes ses forces contre la guerre d’Indochine. Certains murs dans le Gard conserveront longtemps la trace d’inscriptions « Libérez Henri Martin », le jeune quartier-maître communiste qui refusait de faire la guerre en Indochine. Les communistes gardois s’étaient également mobilisés pour les peuples d’Afrique, d’Asie, du Maghreb et d’Océanie.
De 1954 à 1962, le Gard, à l’initiative ou avec le soutien du PCF et celui de Pasteurs protestants de l’Eglise Réformée de France ainsi que de militants socialistes comme le Dr. Jean Bastide et le Dr. Emile Guigoui, fut parmi les départements où se déroulèrent le plus de manifestations de masse pour l’indépendance de l’Algérie. En 1956, de nombreuses gares SNCF, de Vauvert et d’Aigues-Mortes au bassin minier des Cévennes, furent envahies pour s’opposer au départ des jeunes soldats du contingent rappelés par Guy Mollet pour aller faire la guerre en Algérie. 36 manifestants(es) communistes pour la plupart (nous étions 5 d’Aigues-Mortes), furent traduits devant les tribunaux et 3 Maires communistes furent destitués par le Ministre socialiste de l’Intérieur : Narcisse Bolmont, Maire de Chamborigaud ; Alexandre Molinier, Maire d’Aigues-Mortes et Sylvain Boissier, Maire de Cardet.
On comprendra que je ne puisse citer tout/es les militant(es)qui ont donné de leur temps et subi la répression, que l’on me permette cependant de rappeler les noms de quelques/unes parmi les plus engagé(e)s. Outre les trois Maires déjà mentionnés : Juliette Albiol, secrétaire départementales de l’Union des Jeunes Filles de France ; Noéllie Bellet, adjointe au Maire d’Aigues-Mortes ; Gabriel Bergonnier, responsable départemental du Secours Populaire ; André Bédrani, secrétaire des cheminots CGT de Nîmes ; Simone Chabrol de Saint-Ambroix; Etienne Ecuvillon de Bagnols-Sur-Cèze; Marcel Ferrier, maire de Saint-Martin-de Valgalgues ; Jean Fabrègues, secrétaire des mineurs CGT des Cévennes, Attilio Francini, membre du secrétariat de l’UD- CGT du Gard et Mohamed Krim de la Sécurité Sociale Minière qui apportèrent un soutien efficace aux mineurs algériens des Cévennes en lutte ; Marie Grande de Vauvert, Jeanne Guiraud et Paulette Teste de Saint-Genies-de-Malgoires, Robert Jonis, secrétaire départemental de l’Union des Jeunesses Communistes de France ; Lucien Lacroix d’Alès interné au Fort du Hâ ; Mariano Manjarres du Vigan ; Ninou Schwartz, responsable départementale de l’Union des Femmes Françaises ; Alain Tassera qui deviendra Maire des Salles-du Gardon ; Yvonne Vidal de Chamborigaud ; Lucien Vincens, responsable départemental du Mouvement de la Paix …Et Marc Sagnier d’Aigues-Mortes. Ces camarades font honneur à notre Parti.
Bernard DESCHAMPS
30 décembre 2020
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