Personne n’est dupe de l’opération politique d’Emmanuel Macron. En d’emparant du thème des « séparatismes », le chef de l’Etat, l’œil rivé sur les présidentielles, enfile ses gros sabots électoralistes. Pour lui, l’objectif est double : s’attirer les bonnes grâces de la droite – son principal soutien – autour de ce thème à forts relents xénophobes et réorienter le débat public sur les questions identitaires et religieuses, reléguant au second plan la douloureuse litanie des plans sociaux. Le scénario est rodé : discours présidentiel ce vendredi, trois mois de concertation ensuite, débat au Parlement, projet de loi adopté d’ici un an. Autant dire que la stratégie de séduction et de diversion de l’Elysée est partie pour durer.
Ce faisant, Emmanuel Macron joue avec le feu. Ce braconnage en terre d’extrême-droite ne manquera pas, sous couvert de s’attaquer à une minorité de fanatiques, de véhiculer son lot d’outrances et de fantasmes contre l’Islam en général. Le chef de l’Etat le sait bien. Il prend la responsabilité d’entretenir un climat de stigmatisation et d’amalgames autour de la deuxième religion de France. Et de générer lui-même le « séparatisme » qu’il dénonce. Un comble. Bien sûr, les phénomènes obscurantistes et de dérives communautaires existent. Ils sont une réalité dans certains quartiers ghettoïsés. Mais il faut les ramener à leurs justes proportions. Et surtout les combattre avec autre chose que des lois de circonstance.
Que disent les maires des villes populaires ? Qu’un nouveau texte ne s’impose pas. Qu’ils ont déjà, peu ou prou, les outils législatifs ou règlementaires pour gérer les atteintes à la laïcité ou à l’égalité hommes femmes. Et, surtout que ce « séparatisme » se nourrit principalement de la pauvreté, des inégalités territoriales, de l’absence de dialogue, du recul des services publics. Dans ces territoires où certains élèves perdent une année sur leur scolarité faute de professeurs remplaçants, ce ne sont pas les habitants qui se mettent en marge de la République. Mais la République qui les met en marge. Ce séparatisme-là mérite un combat autrement plus ambitieux que les débats nauséabonds et électoralistes.
Laurent Mouloud
Editorial du quotidien l’Humanité du 2 octobre 2020.
(Le titre et l’illustration ont été choisis par moi, BD